Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles
Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles
Nous souscrivons tous sans y penser davantage à la représentation traditionnelle des trois caravelles de Christophe Colomb arborant dans leur course transatlantique leurs voiles frappées de larges croix rouges pattées dites templières. Comme tout ce qui touche au Grand Amiral de la Mer Océane, du lieu de sa naissance aux noms que l’on a retenus pour de ses bateaux, la Pinta, la Niña et la Santa-Maria, sans parler du voyage lui-même, des interprétations de toutes sortes ont été données d’une entreprise devenue légendaire pour avoir littéralement changé la face du monde.
On doit déjà rappeler que si le nom de « caravelle » peut bien s’appliquer aux deux premiers navires du premier voyage commandés par les frères Pinzon (qui étaient trois en réalité et non deux), du port andalous de Moguer immortalisé par le célèbre vers de José Mara de Heredia « De Palos, de Moguer, routiers et capitaines partaient... » (Palos étant le port de départ en aval sur le Rio Tinto), il conviendrait plutôt pour le dernier, le navire-amiral, de parler d’une « nef » (du portuguais nao), bâtiment de plus gros tonnage et plus rond. Rien ne prouve d’ailleurs que Colomb n’ait pas considéré ces bâtiments tout simplement comme trois grosses caraques, nom générique d’origine arabe de la plupart des bateaux de l’époque. Quant au nom de la plus fameuse de ces trois caravelles dont le mythe s’est emparé et qui trône dans tous les livres d’histoire, la Santa Maria, il n’est jamais rapporté sous cette forme chez les premiers chroniqueurs, qu’il s’agisse de Bartolomeo de La Casas, de Colomb lui-même dans son Journal ou de ses fils Diego et Fernando dans leurs écrits. Colomb lui-même distingue bien des deux caravelles la nef, qu’il appelle encore « le vaisseau amiral », et Las Casas emploie souvent le terme de la Capitana. Elle appartenait à Juan de La Cosa, le pilote cantabrique qui accompagnait Colomb, et son véritable nom aurait été la Gallega, parce qu’elle aurait été construite en Gallice, à Pontevedra, ce qui est parfois contesté. Mais elle aurait très bien pu être construite en réalité, comme les deux autres caravelles – qui se seraient nommées la Santa Clara et la Santa Anna, mais dont n’a retenu que des surnoms évocateurs, la « Peinte » et la « Petite » – dans un autre port plus au Sud, du nom de Santa-Maria, aujourd’hui la ville d’El Puerto de Santa Maria au fond de la baie de Cadix.
En effet, Colomb s'était adressé au départ pour financer son entreprise au seigneur propriétaire de ce port de Santa Maria, don Luis de la Cerda, duc de Medina-Celi, seigneur de Cogolludo, de sang royal et apparenté en France où il était comte de Clermont et de Talmont, et descendant direct de Gaston III de Béarn par son fils Bernard qui avait épousé la duchesse de Medina-Celli. Ses revenus étaient considérables, il hébergeait Colomb et avait investi mille ducats mis à sa disposition pour commencer la construction de trois caravelles. Mais voici ce que nous en dit la Casas et qu’avait relevé dans les années 1980 pour la Société Haïtienne d’Histoire notre regretté confrère et ami l’architecte Christian Goguet :
« La Divine Providence avait arrêté dans ses décrets que ces terres fertiles seraient découvertes par la bonne fortune de nos excellents rois et non par la faveur et l'aide de leurs sujets. Leurs Altesses, et notamment la sérénissime Isabelle, qui s'intéressait plus particulièrement à cela, ayant pris connaissance de la requête du duc qui demandait et réclamait comme une faveur, le soin d'équiper cette modeste flottille, l'illustre Reine dis-je, comprenant que cette affaire pouvait amener quelque chose de grand et de glorieux.... fit écrire au dit duc, qu'elle tenait sa proposition et son projet comme important service et qu'elle se réjouissait d'avoir, dans son royaume, un homme assez généreux et assez riche pour entreprendre une œuvre aussi considérable, car la grandeur et la magnificence des vaisseaux rehaussent la gloire et l'autorité des princes suzerains, mais qu'elle le priait de trouver bon qu'elle dirigeât elle même cette affaire, que sa volonté était de s'en occuper efficacement, d'en faire les frais sur sa cassette, attendu qu'une pareille entreprise ne pouvait être que de la compétence des souverains ».
Autrement dit, il n'y a peut-être jamais eu de Santa Maria ! – concluait-il vigoureusement face aux assertions divergentes… Quant aux grandes croix rouges des voiles, elles ont, elles, bien existé de manière indubitable mais on pourrait objecter qu’elles sont de manière quasi générale la marque de fabrique de toutes les grandes caraques portugaises en circulation à l’époque, celles des grands découvreurs qui s’élancent vers le Sud le long des côtes africaines après s’être arrêtés dans l’Ouest aux Açores.
N’oublions pas toutefois que Colomb ne naviguait pas pour le roi du Portugal mais pour les souverains espagnols, Ferdinand d’Aragon, et surtout Isabelle de Castille son épouse, qu’il avait su convaincre. La question reste donc entière : pourquoi ces grandes croix pattées rouges des Templiers sur « les trois caravelles » qui auraient été construites en Galice et et à Moguer ? C’est ce à quoi nous nous efforcerons d’apporter une réponse cohérente dans un second temps.