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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

Disparition du Fonds Jacques de Cauna. Quel remède ?

2 Août 2024, 08:52am

Publié par jdecauna

Un exemple de photos du fonds Jacques de Cauna. L'habitation sucrerie Delugé, à Montrouis (du nom du colon limousin Jean Pasquet de Lugé), l'une des trois dernières à fonctionner en Haïti dans les années 80. Aqueduc, case à moulin (à gauche), sucrerie (à droite),  savane (au centre). © J. de Cauna, 1984.

Un exemple de photos du fonds Jacques de Cauna. L'habitation sucrerie Delugé, à Montrouis (du nom du colon limousin Jean Pasquet de Lugé), l'une des trois dernières à fonctionner en Haïti dans les années 80. Aqueduc, case à moulin (à gauche), sucrerie (à droite), savane (au centre). © J. de Cauna, 1984.

Disparition du fonds Jacques de Cauna.

Quelques précisions en réponse aux questions posées.

Je tiens à remercier tout d’abord tous ceux qui ont réagi à l’article précédent sur la disparition de mon fonds photographique et me soutiennent, ainsi qu’à apporter quelques précisions, comme annoncé, pour éclairer un peu mieux ce qui se passe à la suite des premières réactions dans lesquelles dominent des termes tels que « incompréhensible », « inconcevable » ou « inimaginable », venant d’une institution à caractère national. Ou même : « scandaleux », « c’est du vol ! ».

Dans les cas de spoliations inacceptables de ce type, les réactions de soutien constituent toujours un réconfort d'une valeur inappréciable et très souvent une aide essentielle pour l'action réparatrice à mener car, rien ne doit être à ce niveau « irréparable ».

 

Voici ce dont il s’agit, pour la forme :

L’origine et la responsabilité de cette affaire incombe entièrement au CIRESC (Centre International de Recherche sur les Esclavages), organisme à caractère public ancré sur deux institutions nationales, le CNRS et l’EHESS, qui a tout simplement supprimé de son site la sélection d'environ 500 photos (constituant le Fonds Jacques de Cauna) réunies à sa demande par l’un de ses membres (l'auteur de ces lignes), sans même prendre la peine de l'en informer. 

Il ne s’agit malheureusement pas d'un bug ou d’une refonte éditoriale devenue nécessaire mais bien d'une disparition brutale venant d’une action délibérée du CIRESC dont la responsable ne répond plus depuis quelque temps et ne m'a jamais consulté sur ce sujet (ni d’autres d’ailleurs), alors même que je suis chercheur associé et conseiller scientifique du CIRESC depuis sa fondation et qu’on n’avait pas manqué jusque là de récupérer mes initiatives lorsque cela pouvait paraître utile ou profitable (l'aide à distance aux doctorants et aux collègues en formation, la diffusion des résultats de la recherche, dont la mise en relations avec l’éditeur Karthala toujours active, la production d’articles pour un dictionnaire de l’esclavage qui ne vit jamais le jour, la création et l’organisation des Rencontres Atlantiques internationales du Musée d’Aquitaine de Bordeaux, la création de la Chaire d'Haïti à Bordeaux, le partage confraternel sur demande de certaines communications lors de colloques et séminaires, dont notamment celui de la Direction du Patrimoine du Ministère de la Culture à La Rochelle… où déjà se perçoit clairement en annexe dans la publication des actes l'intention de s'approprier mon travail, en tout ou partie, en multipliant les noms d'intervenants, là aussi sans m’informer de cet ajout tardif avant publication...). Tout cela pour constater dans un premier temps qu’un mauvais coup n'est pas perdu pour tout le monde, comme on peut s’en douter : il est toujours plus simple de s'accaparer le travail des autres plutôt que de mettre en  oeuvre soi-même pendant de longues années une recherche au long cours pour la soutenance d’un Doctorat d'Etat ou d’une Habilitation à Diriger les Recherches !

 

Cela est déjà anormal, mais l’essentiel, bien plus grave, est ailleurs :

Il est capital pour Haïti que ce fonds ressorte pour être (re)connu du public international avant la disparition de son auteur et surtout après celle de nombreux pans matériels entiers visibles de la mémoire patrimoniale haïtienne détruits par l’évolution récente de l’état du pays.

Le fonds qui avait été mis sur site ne représentait en fait que la partie émergée d'un travail de plusieurs années (environ 500 photos sélectionnées sur 2 500 numérisées pour cette opération) et mériterait encore d’être enrichi et développé par le spécialiste qui l’a conçu, seul apte à s’y retrouver pour avoir travaillé quinze ans sur le terrain en Haïti, surtout après la destruction récente de bon nombre de ces vestiges mémoriels. 

 

Pour résumer brièvement le sujet sur le fond, tel qu’il était présenté à l’origine :

"Entre 1975 et 1990, à partir de repérages effectués dans des documents d’archives des XVIIIe et XIXe siècles suivis d’explorations et d’enquêtes d’archéologie industrielle de terrain, plus de 2 500 clichés de vestiges de la société d’habitation coloniale esclavagiste de Saint-Domingue et de son environnement urbain, militaire, religieux ou naturel, ont été pris en Haïti afin de garder trace d’un patrimoine menacé." (extrait de ma communication à La Rochelle publié dans la revue Insitu du Ministère de la Culture). 

 

Après plusieurs mois sans réponses, le point actuel est le suivant :

 

- Aucune réponse du CIRESC à mes messages téléphoniques ou mails. Mais on a bien pris le temps, curieusement, de s'offusquer de ma réaction légitime à un autre pillage en cours de même source (celui de ma première thèse, publiée sous le titre Au Temps des Isles à Sucre), évoqué dans ce blog en Mai 2023.

 

- Absence de réponse également à mes messages téléphoniques ou par mails au CNRS jusqu’à ce qu'une documentaliste de la Direction Images (que j’ai remerciée), contactée par formulaire de questionnement sur site, m’informe récemment de la malencontreuse absence du seul membre du personnel subsistant impliqué dans ce travail pour raisons de santé. L’adresse originelle http://www.cnrs.fr/cnrs-images/multimedia/haiti_de_cauna/index.html renvoie à une erreur de type 404 ("cette page ne répond pas"). On me précise n'avoir trouvé "aucune trace par ailleurs sur les serveurs du service". Il doit bien pourtant y avoir quelque part une copie d'archive de cet important travail et/ou un moyen technique de le retrouver ou restaurer par l'intermédiaire d'un technicien maison… On aurait du mal à croire qu'une institution nationale de l'envergure du CNRS ne conserve pas d’archives !

 

- Avant d’envisager d’autres moyens d’actions dans un cadre plus large, faudra t-il envoyer une lettre recommandée au Directeur du CNRS dont dépend le CIRESC afin d’amener ce dernier, premier responsable, à réagir dans le bon sens pour tirer cette affaire au clair et sortir par le haut en procédant à la restitution à son auteur de cet important travail de présentation (les cahiers numériques actifs des 300 photos sélectionnées, légendées et localisées) afin de lui permettre de continuer à travailler normalement dans le domaine de la transmission de la connaissance par la mise à disposition du public, national et international, de ces témoignages patrimoniaux (plus de 2 500 documents sous copyright au total) ?

 

 

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