Disparition du fonds patrimonial Jacques de Cauna. Une lourde perte pour Haïti. Le point à ce jour.
Habitation Torcelles au Boucassin, la case à moulin avant 1980 © Fonds Jacques de Cauna. Cette petite sucrerie avait appartenu au président Boyer.
C'est en apercevant le très beau toit de tuile de ce bâtiment colonial au milieu des cannes à sucre qui bordaient la route nationale n° 1 dans le quartier du Boucassin à l'Arcahaye que mon intérêt pour les vestiges d'habitations s'est éveillé et a connu un début de mise en oeuvre d'une recherche systématique avec la publication d'articles accompagnés de photos sur le sujet dans Conjonction, Revue de l’Institut Français d’Haïti sous le titre "Vestiges de sucreries dans la plaine du Cul-de-Sac" (Port-au-Prince, 1981, n° 149, p. 63-104, part. 1, et part. 2, n° 1985, n°165, p. 4-32.). Articles complétés un peu plus tard par une diffusion plus large dans la Revue de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie, juin 1986, no. 151, p. 75-78, sous le titre "Les vestiges de la colonie française de Saint-Domingue", et dans une revue belge de l'Université de Liège, sous le titre "Architecture coloniale : Haïti, des richesses à découvrir", Art et Facts,, 1988, n° 7, p.58-65. De nombreuses communications et publications sur le sujet ont suivi, dont on trouvera la liste dans les pages de ce blog consacrées à mes publications, jusqu'au dernier point qui a été fait pour le grand colloque sur Les Patrimoines de la Traite et de l'esclavage tenu à l'Université de La Rochelle sous les auspices du Ministère du Tourisme dans ma communication publiée par sa revue In Situ n° 20, 2013, sous le titre "Patrimoine et mémoire de l’esclavage en Haïti : les vestiges de la société d’habitation coloniale en Haïti" que l'on pourra consulter en ligne.
Les deux images ci-dessus donnent une idée de la rapidité de disparition des vestiges historiques en Haïti. Les livrets numériques du Fonds Jacques de Cauna retirés sans le prévenir du site du CIRESC présentaient 500 photos légendées et regroupées par régions et quartiers, de sorte qu’on pouvait avoir immédiatement, en quelques clics, une vue générale des principaux vestiges de l’architecture coloniale dominguoise dans une localisation précise. Par exemple : Région Sud, Plateau du Rochelois (des caféières essentiellement), ou Région Nord, Quartier-Morin (près du Cap), de grandes sucreries, devenues parfois des palais christophiens, ou encore, un peu partout, des fortifications (Fort Picolet au Cap, fort Nolivos à l’Acul du Petit-Goâve...), des statues de personnages historiques, des églises (l’ancienne cathédrale de Port-au-Prince, construite en 1771, incendiée en 1991), des tombes (Cimetière intérieur de Port-au-Prince), des sites historiques (le Bois-Caïman), des ponts (Bréda du Haut-du-Cap), etc..., etc.
Plus d’un an et demi après ma première réclamation et après deux mois de relance faits récemment aux organismes institutionnels français impliqués dans la constitution puis la disparition de ces livrets numériques de présentation au public (voir les alertes précédentes sur ce blog), je n’ai malheureusement rien de positif à rapporter en matière de réponse, ni du CIRESC, ni du CNRS, à ce jour.
Cette situation de blocage incompréhensible depuis un an et demi d'un travail de quinze années qui n'appartient qu'à son auteur est inadmissible de la part de services publics français et préjudiciable à l'ensemble de la communauté scientifique internationale, et plus particulièrement en Haïti où elle constitue une lourde perte au moment même où des travaux importants sur le sujet sont en cours de développement.
Il n'est pas question qu'elle puisse perdurer ainsi. Tout devra être fait pour y remédier. De nombreux collègues ont déjà manifesté leur mécontentement et leur soutien.