La Fédération des Académies de Gascogne et le Centre Généalogique du Sud-Ouest en Chalosse
A la demande de nos amis du CGSO présidé par Joël Bibonne, nous leur avons proposé pour leur projet de sortie d'été dans les Landes un circuit chalossais, de Tartas à Poyanne en passant par Souprosse, Cauna, Mugron et Boucosse sur les traces des familles de Cauna, d'Antin, de Baylens.
En raison des perturbations de circulation dues au marché, le bus arrivant de Bordeaux a été accueilli au carrefour de la route du Marensin avant d'être guidé vers l'entrée des Allées Marines où le point de départ de la visite de la ville était fixé à la « cale », emplacement de l'ancien port sur la Midouze. La situation de l'ancienne ville murée dans sa vicomté d'une douzaine de paroisses, sa partition en ville-basse, commerçante et bourgeoise, et ville-haute, seigneuriale et aristocratique avec son château, ses églises de Saint-Martin et de Saint-Jacques, ses maisons de notables, reliées par le pont sur la rivière (autrefois en bois, prenant entre l'actuel marché couvert et la maison Sanguinet ou Petit Château), sa riche histoire enfin, furent présentées par le coprésident du CGL Jacques de Cauna : depuis ses premiers vicomtes le mythique Rex Tortus puis les Raymond-Robert et l'absorption de la vicomté de Dax par le mariage d'Assalide, l'arrivée des Albret, leur jeu politique entre les rois-ducs de l'Aquitaine Plantagenêt et et les rois français jusqu'à la reddition finale, au terme d'un étrange accord chevaleresque préservant les vies humaine, lors de la fameuse Jornada de Tartas du 23 juin 1442, veille de la Saint-Jean, où le gouverneur pour le roi d'Angleterre, le voisin gascon Louis de Marsan de Cauna remit la les clés de la ville à Charles VII en personne, jurant d'être désormais français lui et toute sa famille et postérité, parents et amis, marquant ainsi la fin d'une période anglaise de trois siècles dans le pays.
Puis les périodes troublées de la place de sûreté huguenote durant les guerres de religion qui virent le capitaine Saint-André se signaler, entre autres, par la destruction des registres paroissiaux. Puis, la Fronde des Princes où à nouveau Tartas devint place forte des ennemis de l’État (du Roi) par la présence d'une forte garnison du capitaine de Bohême Balthazar de Gacheo qui, sur son cheval Demi-Diable sema la terreur alentour, jusqu'à Cauna et Saint-Justin, avec ses cavaliers. Et par conséquent à la paix, la destruction, par ordre royal, des murailles, qui paracheva celle, antérieure du château. Puis, rapidement, la décadence de la ville, précipitée par la Révolution et ses dénonciations de notables sous la Terreur.
Avançant par la rue Duprat vers la rue du chanoine Bordes, un descendant du baron Louis de Cauna, fondateur des Jeunesses Agricoles Chrétiennes et héros de la Résistance assassiné en déportation, la compagnie se dirigea vers la maison dite de Jeanne d'Albret qu'il serait plus juste, comme nous l'expliqua le coprésident Christian Lacrouts, de nommer « maison du Sénéchal ». C'est dans cette belle maison du début du XVIIe siècle, remaniée en partie au XIXe, que logeaient en effet les lieutenants généraux des anciens rois de Navarre pour la sénéchaussée d'Albret qui regroupait avec ce pays les vicomtés de Dax et de Tartas. Il leur suffisait de traverser la rue pour siéger dans au tribunal en face afin de juger les nombreux procès ou de décider des affaires du pays.
Après un apéritif au floc d'Armagnac offert par le CGSO et un repas de fête au Café des Arts sur les Allées Marines, le bus nous amena sur la route suivie par le roi Charles VII, le Dauphin, futur Louis XI et les gands capitaines parmi lesquels se distinguaient le fameux Valet de cœur Etienne de Vignoles Lahire et son neveu Estebenot de Talauresse lorsqu'ils se rendirent près de six siècles plus tôt au château de Cauna pour y dîner et dormir avant d'aller assiéger Saint-Sever.
Au passage de Souprosse, face à l'église, nous pûmes voir l'antique maison des abbés de Saint-Sever, construite sur un camp romain et aujourd'hui bien délabrée malheureusement, dans laquelle mourut en 1438 l'abbé Jean de Cauna, restaurateur de l'abbaye de Saint-Sever après son pillage et son incendie et constructeur de l'église de Nerbis. L'ancien camp romain de Souprosse fut vraisemblablement celui de la grande et ultime bataille de Crassus, après celle de l'oppidum de Sos, contre nos aïeux gascons renforcés par leurs cousins navarrais d'outre-mont qui avaient traversé l'Adour au guet de Cauna où avait été établi sans doute leur propre camp. « Petit village, grande histoire », car le bourg aujourd'hui insignifiant malgré une légère augmentation de la population ces dernières années de moins de deux cents à plus de cinq cents habitants, ne se signale guère que par le haut donjon de son château (pourtant réduit du tiers après la Fronde) et son église paroissiale, autrefois chapelle seigneuriale, qui recèle une pièce patrimoniale d'exception sous son porche où, en levant les yeux, on peut voir très nettement les armes sculptées en relief dans la pierre des anciens seigneurs barons de Marsan de Cauna, le fameux lozangé d'or et de gueules, qui figurait également avant la révolution au-dessus de la porte de l'église des Jacobins de Saint-Sever avec, gravée dans la pierre, l'inscription latine Cauna fundator.
C'est le même personnage historique, également bâtisseur du donjon de briques et château en pierre (soubassements, escalier double subsistant, douves apparentes, dépendances en carré…) aujourd'hui remplacé par deux corps de logis disparates, qui a ainsi laissé sa trace dans les années 1320 : Arnaud de Marsan, quatrième du nom, fils d'autre Arnaud, seigneur de Cauna, Mauco, Lagastet, Mugron, Poyaler, Labouheyre, bayle de Labenne, Gosse, Seignanx, prévôt de Born, qui avait épousé sa cousine Esclarmonde de Caupenne. Le roi-duc le remercia pour avoir fidèlement combattu les rebelles en Guyenne et le remboursa de ses frais de guerre en Ecosse. Son fils Arnaud, plus tard qualifié de baron de Cauna et de sénéchal de Marsan, pilla Souprosse qui s'était révoltée à la suite des abbés de Saint-Sever et se distingua particulièrement dans le contingent gascon qui captura le roi Jean le Bon à Poitiers en 1356, mais après avoir accompagné le prince Noir dans sa sanglante chevauchée vers Toulouse, il perdit son château et ses terres, confisqués par son cousin Gaston Fébus de Béarn à la suite de la déroute des chevaliers gascons – anglais et français réunis – écrasés par les archers du pays de Foix lors de la bataille de Launac en 1362. Son fils Robert ne retrouva ses biens qu'après être rentré en faveur auprès de Fébus et avoir épousé la demoiselle béarnaise d'Espalungue…
(la suite dans le prochain Bulletin du Centre Généalogique des Landes n° 119-120)