Statue de Toussaint Louverture par Osmane Sow à l'initiative de Maxime Bono, ancien maire de La Rochelle sur ma suggestion de 2012 (voir "Toussaint Louverture. Le Grand Précurseur", Ed. Sud-Ouest, 2012)
Extrait de Hôtel Fleuriau : de Bordeaux à La Rochelle, le retour de Toussaint Louverture (voir sur ce blog).
Il n'est pas insignifiant que La Rochelle et son musée d'histoire hébergent aujourd'hui la dernière œuvre présentée par un artiste humaniste de la dimension d'Ousmane Sow, profondément engagé dans la défense des minorités. Lui-même n'affirma-t-il pas dans son discours inaugural qu'il s'agissait d'« un juste retour des choses » :
« Toussaint Louverture est ici à sa place. La Rochelle a le courage d'affronter son passé. En tant que Noir, je suis fier de l'histoire de Toussaint Louverture. Je ne crois pas aux repentances, mais il faut qu'on sache ».
On ne tentera pas imprudemment en quelques mots une synthèse définitive de cette longue dialectique entre mémoire et histoire vécue conjoncturellement pendant un tiers de siècle autour d’un sujet humainement délicat qui mérite mieux que les habituelles réactions à l’emporte-pièce que l’on observe généralement. Mais chacun pourra s’interroger, dans le cadre de la thématique globale de l’esclavage (trop souvent réduite à celle de la traite occidentale), à la lumière du déroulé événementiel ainsi sommairement remémoré, sur les effets structurels du brusque passage, par le biais d'une conjoncture devenue soudainement favorable, d’un relatif oubli généralisé dans la conscience collective à une frénésie mémorielle dont on ne peut que remarquer les dérives entre us légitimes et abus de mémoire de ceux qui prétendent se poser en héritiers de leurs propres reconstructions, et, par conséquent, en victimes attributaires moralement prioritaires de la dette sociale.
Une telle posture engendre un privilège exorbitant qui met le reste du monde en position de débiteur de créances. Elle devient l'apanage de tous les zélés de la gloire.
Au-delà des manipulations intéressées appliquées ponctuellement aux éléments temporels, mais aussi aux lieux, les enjeux de la mémoire sont trop importants pour être laissés à la récupération personnelle ou collective, à l'enthousiasme ou à la colère, à la radicalisation subjectiviste.