Le Franco-haïtien Philippe Kieffer honoré à Ouistreham pour la commémoration du débarquement du 6 juin 1944
Une statue du commandant fondateur des Bérets Verts, commandeur de la Légion d'Honneur et Compagnon de la Libération, a enfin été inaugurée ce 6 juin à Ouistreham
Philippe Kieffer et ses 177 commandos de marine furent les seuls Français à participer au débarquement du Jour J. Leurs pertes furent considérables et ils furent longtemps les grands oubliés de l'histoire. La famille Kieffer, d'origine alsacienne, avait quitté la France lors de l'annexion allemande et c'est ainsi que Philippe Kieffer naquit en Haïti à Port-au-Prince le 24 octobre 1899 d'une mère anglaise.
Il est regrettable que cette origine haïtienne ne soit jamais mentionnée, occultant ainsi l'apport haïtien à la libération de la France que j'avais rappelé il y a cinq ans sur ce blog (mai 2014) dans l'article reproduit ci-dessous. Ce rappel aurait-il enfin été (en partie) entendu ?
Les Franco-haïtiens et l'appel du 18 juin 1940.
Encore un déni d'histoire !
Alors que l'on célèbre les cérémonies commémoratives du débarquement du 6 juin 1944 et que s'approchent celles de l'appel du 18 juin, on peut regretter à nouveau qu'Haïti, qui a tant besoin d'une vraie reconnaissance historique en France, ait été encore une fois oubliée dans les invitations. Voici ce que j'écrivais dans ce blog il y a quatre ans à propos de Tony Bloncourt, autre grand oublié franco-haïtien :
Alors pourquoi ce nouveau déni d’histoire, ce refus de le rendre à Haïti – qui a tant besoin aujourd’hui de reconnaissance en France – et aux Antilles en général, l’un de ses enfants héroïques, au même titre d’ailleurs que Philippe Kieffer, né à Port-au-Prince et ses 177 compagnons (les fameux « bérets verts »), parmi lesquels des franco-haïtiens, qui furent les premiers à poser le pied sur les plages normandes pour la libération de la France (voir ci-dessous la liste du comité de la France Libre d’Haïti d’après les souvenirs de Jean Fouchard) ? N’importe quel casuiste vous dira qu’il n’y a là qu’omission et que cela n’est pas mensonge. Et d’ailleurs, comme cette fois aucun personnage politiquement en vue ne s’en est encore mêlé en y apportant sa part spectaculaire de bourde historique (voir Mme Royal et l’affaire de l’Astran), il y a peu de chance que tout cela parvienne jusqu’aux grandes oreilles des médias… Ce qui ne serait pas très grave dans le fond s’il n’y avait derrière cette conjuration du silence méprisante et récupératrice tout un large public, et particulièrement toute une jeunesse, à nouveau manipulés et tenus dans une semi-ignorance propice à toutes les dérives dans un pays qui a quelque mal à apprécier l’autre dans sa différence.
Pour l’histoire. Le Comité des Forces Françaises Libres d’Haïti
d’après une communication orale de mon grand ami l’historien Jean Fouchard, transcrite en 1988 dans sa maison de Pétionville, à partir d’une fiche manuscrite qu’il tenait lui-même de son parent par alliance Ferdinand Fatton fils, impasse Claudinette à Pétionville (certains noms ont pu être déformés à l’oral ou dans la transcription, j’ai précisé ceux des familles de mes anciens élèves du Lycée français. Il s'agit quasiment d'histoire orale. Merci de m’indiquer les éventuelles erreurs ou omissions).
Ferdinand Fatton, président
G. Vabre, volontaire à Londres
J. Brédeau, volontaire à Londres
C. Weill, mari de la sœur d’A. Silvera, fils du ministre
De Veyrac, marié à Jeanne Busch [d’une famille haïtiano-allemande], commerçant, chevalier d’industrie, garde-magasin à l’Electricité d’Haïti.
Pierre Nadal, petit neveu ou cousin de Robert Nadal père, parti en France pour participer aux combats et mort en France (famille de nos amis Nadal, Ti Robert, Olivier, et leurs parents)
I.-M. Epailly, Français de la compagnie American Cable [pose du cable sous-marin], père de Mme Péreira (épouse du consul, père de Michèle et Mélissa, mes élèves au Lycée français).
Jamel Assali, Libanais qui avait épousé une demoiselle haïtienne (père de mon élève Marie-Carmèle).
Yves Bloncourt père ( ?).
Chalom, Libanais.
C. Castéra
Caliste, des Cayes
R. Deuix, marié à une demoiselle Hirsch
Jean Froger, Français de passage [sic]
Jugie, restaurateur français rue Borno, maison Crepsac (à Pétionville, famille de mes élèves Emmanuel et Anne Crepsac).
Magny, directeur de la Compagnie Transatlantique
François Naudé, frère de Georges, commerçant
Paul Paquin, père de Lyonel (père de Raphaël, mon élève), tenait un magasin de tourisme appartenant à Mme Gaetjeens (de Pétionville).
Vabre, Chef du portefeuille à la Banque Nationale (avec Philippe Kieffer).
Ganot, parfumeur.
Khawly, commerçant libanais
Bouez, marchand de tissus libanais
Antoine Hage, commerçant libanais (voir Eddy Hage... dixit J. Fouchard, qui savait que nous étions amis)
Sarkis, Libanais, commerçant aux Cayes
Ch. Picoulet, produits alimentaires
M. Kieffer, frère de Philippe, à la Banque du Canada. Philippe Kieffer, avait eu deux enfants d’un premier mariage : un fils, Claude, mort à la guerre, et Maël, sa fille, nés à Port-au-Prince d’Anita Scott, sa fille employée à l’ambassade. Sa mère, veuve de Philippe Kieffer, son père. Arrivée avec Jacques Soustelle le 19 mai 1941, trois jours à Port-au-Prince.
Comeau-Montasse, commerçant
R. Nadal, commerçant avec son frère Joseph (famille de nos amis Nadal)
P. Gauthier, commerçant
Reiher, Alsacien, commerçant
G. Naudé, commerçant en café
Barini, Corse, rue du Quai
C. Barreire, garagiste
A. Barreire, fils, maison d’appareils électriques
La Quintrie, Français, représentant d’une grande maison de commerce
H. Odéïde, marié à une demoiselle Auguste remariée plus tard à Henri Borno (famille de nos amis Odéïde, René et son épouse, et des présidents Auguste et Borno, à Martissant et Pétionville, propriétaires de la plantation Fleuriau).
Faure, de la Hasco [Haïtain & American Sugar Compagny, siège à Chancerelles, Port-au-Prince]
Marini, Corse, Hôtel Marini et Cabane Choucoune [terme haïtien équivalent de « carbet », célèbre dancing de Pétionville]. Son fils René, ministre du tourisme, marié à une fille du président Eugène Roy.
Géraldi, Corse.
Jean Fouchard conservait dans sa riche Bibliothèque haïtienne le texte de l’appel de Ferdinand Fatton (son parent par la famille de son épouse, les Vieux) pour le 1er anniversaire du 18 juin 1940, une photo de Ferdinand Fatton, décédé le 15 juillet 1973, un état des services et une biographie de Philippe Kieffer par M. Steiner, ainsi que son livre Béret vert, et des lettres et cartes adressées par le général De Gaulle et sa secrétaire bénévole, Mlle de Miribel. Il se souvenait que sous le président Vincent, dans les années 1935-1936, Philippe Kieffer était déjà âgé, « environ d’une cinquantaine d’années » [40 en réalité, né en 1899], grand amateur d’aventures galantes avec son ami intime à la Banque, Delva, et qu’il avait deux frères, Philippe et Marcel, et deux sœurs, dont l’une, Jeanne, à Londres.