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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

Daudinot, d'Arthez-de-Béarn à Cuba

27 Janvier 2020, 09:04am

Publié par jdecauna

Arthez-de-Béarn (64), la Carrère (Grande rue)

Arthez-de-Béarn (64), la Carrère (Grande rue)

Daudinot, un Arthézien aux Amériques

                                                                                                                par Hugues de Lestapis

Avec les Casamajor, Dufourcq et autres Ribeaux, Daudinot est un de ces Béarnais qui ont animé la colonie française déployée dans l’Oriente cubain au début du XIXe siècle, pour y exploiter du café.

André-Pierre Daudinot est issu d’une famille d’Arthez-de-Béarn, longtemps protestante et alliée aux Formalagues. On trouve sa généalogie dans Un coin de Béarn autrefois, d’Arnaud de Lestapis, qui descendait lointainement des Daudinot.

André-Pierre Daudinot est né le 2 mai 1782 à Bayonne, baptisé le 3 mai, fils d’André Daudinot et de Rose Périssé. Son père, André Daudinot, né et baptisé à Arthez-de-Béarn le 6 octobre 1724, est un homme déjà âgé. Il a été, et il demeure, un négociant entreprenant, établi à Madrid dès 1746 comme marchand de gros avant de fonder en 1763 une maison de banque avec un sieur Bouheben. André Daudinot reste en Espagne jusqu’en 1779, et revient en France avec femme et enfants, après avoir confié sa banque à son fils aîné. Il se fixe alors à Bayonne, et fonde une maison de commerce en 1780 avec Étienne Moracin, son futur gendre. La maison Daudinot et Moracin a eu une certaine envergure d’après les travaux de l’historien Michel Zylberberg1. André Daudinot meurt à Bayonne le 21 août 1792. Etienne Moracin poursuit l’affaire, mais fait faillite entre 1797 et 1798.

André-Pierre Daudinot n’a que 10 ans à la mort de son père. Vers 1802, il est signalé à Madrid, probablement en apprentissage dans la banque familiale. Il obtient sa naturalisation espagnole et s’en va vers les Amériques. À quelle date ? Mystère. On lit parfois qu’il se serait arrêté à Saint-Domingue avant de se fixer à Cuba. C’est possible. En 1809, en tout cas, c’est à Philadelphie qu’il rencontre Adrien-Pierre de Lestapis (1780-1852), d’une famille originaire de Mont, non loin d’Arthez. Deux Béarnais, cousins issus de germains qui plus est. Lestapis, futur receveur général des Basses-Pyrénées, a fini une mission au Mexique pour le compte des banques Hope d’Amsterdam et Baring de Londres, dont il est l’agent. Daudinot, en juillet de la même année 1809, est à Santiago de Cuba. Il y a là nombre de réfugiés français de Saint-Domingue, qui feront, comme l’a raconté Jacques de Cauna, la fortune caféière de l’île espagnole2. Daudinot pressent les choses. Il veut investir dans une exploitation, mais il manque de capitaux. Son cousin Lestapis, revenu entretemps en France et établi à Bordeaux, va lui en fournir. En 1812, les deux hommes sont associés dans la Soledad. Daudinot en contrôle la gestion sur place, tout en développant ses propres affaires, et il entraîne son cousin et ses deux frères dans des investissements toujours plus conséquents outre-Atlantique. La maison Lestapis frères, fondée à Bordeaux en 1818, a pu passer un temps comme la banque de la colonie française de Cuba. Elle prête de gros montants à l’émigré le plus célèbre de l’île, Prudent de Casamajor, originaire de Sauveterre, et elle financera les initiatives de Daudinot et bientôt les projets risqués d’Eugène de Ribeaux. Le Béarn réunit tous ces gens-là, auxquels il faut ajouter les Dufourcq. Tous cousins ou cousins de cousins.

Les affaires en propre de Daudinot sont difficiles à discerner. L’historienne Agnès Renault en parle un peu3. Daudinot a été l’un des rares Français (même s’il était naturalisé) à obtenir un poste dans l’administration espagnole de l’île, comme « capitan del partido de Santa Armonia». Casamayor, personnage d’une tout autre importance, a eu le même honneur. Les deux hommes étaient amis, l’un a été l’exécuteur testamentaire de l’autre, et membres de la même loge maçonnique. Ils étaient en outre « beaux-frères », encore que le terme soit mal approprié, car ni l’un ni l’autre n’ont épousé formellement la mère de leurs enfants. Daudinot et Casamayor se sont attachés sentimentalement à deux des sœurs Brun, des quarteronnes issues d’une importante famille de réfugiés de Saint-Domingue.

En 1828, selon un courrier adressé par le consul de France à Philadelphie à l’aîné des Lestapis, Daudinot est à la tête d’une exploitation florissante qui vaut « près de 40 000 dollars ». Mais un an plus tard, Daudinot meurt brutalement à 47 ans. On ne sait ni quand, ni surtout les circonstances.

Les familles Daudinot et Lestapis vont rester proches, et même solidaires. La « veuve Brun » peut récupérer la totalité de la Soledad à des conditions avantageuses. Entre 1823 et 1830, le cadet des Lestapis, Pierre-Sévère, avait accueilli à Bordeaux les quatre fils Daudinot, Prudent, Adrien, Sévère et Hippolyte, nés entre 1812 et 1820. Il avait supervisé leur éducation, leur trouvant collège ou pension particulière. Les deux premiers à Sorèze. On le voit d’ailleurs en relation avec la direction de cet établissement réputé. Il suit attentivement les progrès des jeunes Daudinot, n’hésitant pas à les priver de vacances s’ils ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes.

À l’âge d’homme, Prudent, Adrien et Sévère Daudinot retournent à Cuba gérer des plantations. Familiales ou d’autres, dont une de la famille Casamayor. Au milieu des années 1850, Adrien Daudinot supervise ce qu’il reste des propriétés de café Lestapis autour de Santiago et de Guantanamo. Elles étaient au nombre de six vers 1850. Il en sera le dernier « gérant », quarante ans après son père André-Pierre Daudinot. Entre les deux Daudinot, Gustave puis Joseph Dufourcq, cousin des Casamayor, et Théodore Moracin, un des fils d’Étienne Moracin et de Bernardine Daudinot, sœur d’André-Pierre (les quatre fils Moracin sont eux aussi partis à Cuba !).

Le cas d’Hippolyte Daudinot est singulier. En 1860, il est encore à Santiago, où il a une petite exploitation. Il se fixe ensuite en France, probablement à Bordeaux. Il apparaît comme « dentiste rue du Champ de mars » en 1874, sur l’acte de mariage (le second) de son oncle Théodore Moracin, rentré au pays lui aussi. Hippolyte se suicide le 5 octobre 1894 à Bordeaux. Il était atteint, dit un article, d’une maladie incurable.

La sœur de ces garçons Daudinot, Luce ou Lucie, a épousé au Caney à Cuba en 1852 un… Dufourcq, petit-fils de Justice de Casamajor, sœur de Prudent. Dont postérité.

Il serait étonnant qu’aucun des fils Daudinot restés à Cuba n’ait eu de descendance. Le nom y est encore porté de nos jours, mais rien n’a permis de le relier aux nôtres jusqu’à présent.

1 Comité pour l’histoire économique et financière de la France, Une si douce domination. Les milieux d’affaires français et l’Espagne, vers 1780-1808, 1993.

2 J. de Cauna, Des Pyrénées à la Sierra Maestra : aux origines du modèle caféier cubain, Casamajor et les Béarnais dans l’Oriente, dans actes du 124e congrès du CTHS, Université de Pau et des Pays de l’Adour, Pau, 2017, Des ressources et des hommes en montagne, Paris, Ed. CTHS, 2019 [en ligne].

3 A. Renault, D’une île rebelle à une île fidèle. Les Français de Santiago de Cuba (1791-1825), Mont Saint-Aignan, PURLH, 2012

 

 

 


 

 
 

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André-Daniel Laffon de Ladebat, précurseur de l'abolitionnisme

17 Janvier 2020, 15:43pm

Publié par jdecauna

Pastel offert au Musée d'Aquitaine par M. Philippe Laffon de Ladebat

Pastel offert au Musée d'Aquitaine par M. Philippe Laffon de Ladebat

André-Daniel Laffon de Ladebat (1746-1829)

Tout en restant largement méconnu du grand public, André-Daniel Laffon de Ladebat (1746-1829) est en passe de devenir la figure emblématique de l’abolitionnisme bordelais, surtout depuis qu’un très beau pastel le représentant, offert par le représentant actuel de la famille Philippe Laffon de Ladebat, trône en bonne place au Musée d’Aquitaine depuis 2009, dans la salle des Héritages de l’exposition permanente Bordeaux, au XVIIIe siècle, le commerce atlantique et l’esclavage. La ville n’a pourtant jamais songé à l’honorer en donnant son nom à un lieu public. C’est à Pessac qu’il faut se rendre pour trouver une Rue André-Daniel Laffon de Ladebat.

Cette notoriété, il la doit presque uniquement à l’antériorité de son Discours sur la nécessité et les moyens de détruire l'esclavage dans les colonies qu'il lut « à la séance publique de l’Académie royale des sciences, belles lettres et arts de Bordeaux le 25 août 1788 » et qui est devenu un des grands classiques des écrits défendant la cause abolitionniste au point que la Société des Amis des Noirs lui adressera une lettre de compliments en sollicitant l’envoi d’exemplaires pour les diffuser à Londres et en Amérique. Il se présentait alors comme « membre de cette Académie, directeur de celle des arts, correspondant de la société d’agriculture de Paris, etc. » et concédait que le sujet pouvait sembler « singulier pour le fils d’un marchand de nègres ». Son père, le banquier et armateur Jacques-Alexandre Laffon de Ladebat, sieur de Bellevue, était en effet connu comme l’un des premiers armateurs bordelais pour la traite avec quinze navires armés en huit ans entre 1764 et 1772, dont trois pour la seule année 1769.

La famille, originaire du Languedoc et de confession protestante, avait dû s’exiler aux Provinces-Unies, comme bon nombre d’autres, à la suite de la révocation en 1685 de l’Edit de Nantes et des persécutions qui l’accompagnèrent durant le règne de Louis XIV. Revenu à Bordeaux, le grand-père, Daniel, marié à la bordelaise Jeanne Nairac, issue de la première famille pour la traite à Bordeaux, avait crée une affaire de négoce et d'exportation de vin que le père, né en Hollande en 1719, volontaire, intrépide, entreprenant et formé au grand négoce international qui s’appuyait sur les réseaux protestants, rentré en 1744, développa considérablement en commençant en 1755 par le commerce en droiture pour l’approvisionnement en vivres des colonies avant que sa réussite économique dans le négoce transatlantique, confortée par la traite, et son investissement dans la course pendant la guerre de Sept Ans ne lui vaille l’anoblissement royal en 1773. Il porte dès lors D’azur à une fontaine d’argent jaillissante surmontée d’un soleil d’or et accompagnée de deux ancres aussi d’argent, à la devise Soyez utile qui sera particulièrement mise en valeur par son fils aîné.

André-Daniel, le 30 novembre 1746, aîné de sept enfants, associé très jeune aux affaires paternelles, fut envoyé en Hollande puis à Londres, comme cela était coutumier dans ces familles, pour compléter sa formation financière et commerciale. Il y découvrit aussi les idées libérales et donna le plus grand développement aux affaires familiales lorsqu’il s’engagea à son retour à Bordeaux dans les affaires de son père pendant que son frère cadet, Philippe-Auguste, également associé, était envoyé en 1777, selon le schéma classique, aux colonies, en l’occurrence à Saint-Domingue pour y servir de relais à la tête de la maison de commerce du Cap-Français et gérer l’habitation familiale, la sucrerie Ladebat au Camp-de-Louise, à l’Acul-du-Nord, à laquelle viendront s’ajouter une autre sucrerie à Port-Margot et deux caféières à Plaisance et aux Gonaïves d’une valeur de plus d’un million et demi de Livres apportées en dot par son épouse, la créole Thérèse de Sainte-Avoye. Royaliste convaincu, ce frère, dit le chevalier de Ladebat, devint commissaire du Roi et son représentant majeur auprès des colons réfugiés à la Jamaïque après l’évacuation des troupes britanniques d’occupation de Saint-Domingue en 1798 avec lesquelles ils avaient collaboré. Il épousa dans l’île anglaise, où il resta vingt ans, Julie-Adélaïde de Montagnac, émigra à nouveau vers Baltimore et La Nouvelle-Orléans, qualifié d’ancien officier du régiment du Cap et major de la place du Port-au-Prince pour les Anglais, avant de rentrer en France à plus de 70 ans pour finir sa vie dix ans plus tard à Paris en 1840, chevalier de la Légion d’Honneur et du Mérite.

Répugnant à exercer la traite, André-Daniel réorienta les activités de l’entreprise familiale vers le commerce en droiture tout en se consacrant à la mise en valeur des terres agricoles du grand domaine noble de Bellevue de landes de plus d’une centaine d’hectares entre Pessac et Mérignac où il s’installera avec son épouse Julie de Bacalan et qui deviendra une ferme expérimentale dont le moulin de Noès est aujourd’hui l’un des derniers vestiges (c’est là que se situe la rue de Pessac à son nom). Réputé pour ses prises de positions sociales et son engagement abolitionniste, il est déjà membre de l’Académie de Bordeaux lorsqu’il adresse en 1776 une supplique au Roi pour la substitution du servage à l’esclavage en Guyane. Il sera aussi en 1783 membre du Musée de Bordeaux, d’inspiration maçonnique, dès sa création, et en deviendra le secrétaire, y côtoyant Vergniaud, Gensonné, Garat, de Sèze…

C’est la même année qu’il prononce devant l’Académie de Bordeaux son célèbre discours qui deviendra immédiatement un grand classique pris pour référence à la Société des Amis des Noirs. Il y condamne l’esclavage sur le plan moral et en dénonce l’inefficacité économique. Cette idée selon laquelle des hommes libres seraient plus productifs avait largement cours dans les milieux royalistes modérés et les esprits éclairés de l’époque, chez les francs-maçons de hauts grades, les savants et politiques physiocrates et jusque dans la sphère royale puisque le Roi, sans doute conforté dans cette voie par La Fayette et son ministre de la Marine et des Colonies, le duc de Castries, fait adresser à son commissaire ordonnateur en Guyane Daniel Lescallier, le 11 juin 1785, des Instructions secrètes parfaitement claires pour qu’il libère les esclaves de la chaîne royale afin de montrer l’exemple à suivre aux colons, seule voie, pense-t-il, capable de les convaincre et d’assurer sans heurts la réussite de l’entreprise1. La seule question pendante pour cette initiative capitale trop méconnue dont la révolution viendra entraver la réalisation reste de déterminer, si c’est possible, qui a influencé qui, ou s’il s’agit d’une évolution simultanée des uns et des autres allant dans le sens général en vogue des idées nouvelles.

La Société des Amis des Noirs, version française, est fondée le 19 février 1788, un an après le modèle anglais de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade. Elle demande effectivement la suppression immédiate de la traite mais celle plus progressive de l’esclavage. Le sujet divise et on en redoute les effets sur les négociants. Passé le geste philanthropique sur lequel s’accordent les esprits éclairés, la libération immédiate des esclaves obérerait le négoce et serait mal reçue par le commerce maritime et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, en vivent, un Français sur huit disait-on. A Bordeaux comme à La Rochelle ou Nantes, sans vraiment contester le principe, on demande des délais, des mesures transitoires permettant d’amortir le choc. Il ne s’agit pas d’interdire la traite des Noirs aux négociants français tout en laissant les planteurs se fournir auprès des étrangers, en un mot de sacrifier les intérêts à l’idéologie : la traite réclame une solution globale. André-Daniel s’en expliquera clairement dans le Journal de [sa] déportation en Guyane :

« Lorsqu’en 1788 j’ai fait imprimer un discours sur la nécessité de s’occuper des moyens de détruire l’esclavage, j’ai dit expressément que si on donnait la liberté tout d’un coup, on ferait une grande injustice, on perdrait les colonies et le Noirs eux-mêmes. Les événements n’ont que trop cruellement justifié mes principes »2.

Sur le plan moral, Ladebat condamne sans ambiguïté la pratique de la traite qu’il n’hésite pas à qualifier de crime, « le plus grand crime public » dont il faut « demander vengeance » aux lois et non aux hommes et dénoncer la cruauté :

« on verra que la masse de la population anéantie par la traite dans l’espace de 30 ans s’élève à 4 800 000 individus, et qu’ainsi ce commerce cruel coûte chaque année à l’Afrique plus de 160 000 de ses habitants »3.

Il rappelle son antériorité dans la démarche (depuis 1776), son enracinement dans la tradition bordelaise (depuis le grand précurseur Montesquieu) et l’intérêt porté par les milieux royaux à la Guyane, avec notamment l’échec de la tentative de La Fayette sur l’habitation La Gabrielle dont il avait libéré les esclaves4 :

« il y a bientôt douze ans [en 1776 donc] que je proposai à l’administration de diriger d’après ce système [progressif] les nouveaux établissements dont on s’occupait pour la Guyane française […] Je désirais que cette colonie servît de modèle pour l’affranchissement successif des esclaves […] J’avais tracé la marche successive de cet affranchissement […], indiqué les dangers d’un affranchissement subit, et, s’il fallait des autorités, je dirais ce que Montesquieu rapporte de l’embarras des Romains pour cette partie de leur police publique, et de l’abus que des affranchis ont osé faire de leurs droits. Il faut, a dit un homme [Montesquieu] dont la plume éloquente a défendu les droits sacrés de la la liberté publique : « il faut, avant toutes choses, rendre dignes de la liberté et capables de la supporter, les serfs qu’on veut affranchir »5.

Autrement dit, le servage ne serait qu’une étape vers la libération progressive et non son aboutissement à terme tel que l’exprime encore Montesquieu : « l’esclave qui cultive doit être [devenir] le colon partiaire du maître », étant entendu que « la servitude de glèbe est odieuse lorsque la loi n’assure pas des moyens successifs pour s’en affranchir »6.

Cette étape – qui correspond à l’apprentissage anglais sans qu’en connaisse cependant la durée, non fixée – aurait l’avantage, estime-t-il, de parer aux deux effets nocifs de l’émancipation précipitée que l’on connaîtra en 1793 par exemple à Saint-Domingue avec la décision brusquée de Sonthonax : la désertion des plantations et le désastre économique subséquent, ainsi que le relâchement moral, souvent déploré :

« L’esclave deviendrait un serf de glèbe, c’est-à-dire qu’il serait attaché à une partie du terrain ou des travaux de l’habitation, et le produit de sa culture serait partagé entre son maître et lui ». Il se rachèterait en payant une somme égale aux trois quarts de sa valeur obtenue après six ou sept ans de travail salarié. « Tout affranchissement qui ne serait pas le prix du travail ou d’une grande vertu serait proscrit. C’est ainsi qu’on formerait cette population avilie à l’amour du travail et au respect des mœurs »7.

Il rappelle qu’il avait déjà exposé ce principe dans son mémoire remis au ministre de la Marine au terme duquel il avait obtenu « par arrêt du Conseil du 29 décembre 1776 » un terrain en Guyane de 250 lieues carrées entre les fleuves Oyack et Approuague pour sa propre expérimentation afin que « tous les esclaves de la Guyane aient un pécule assuré et constant, et qu’il fût loisible aux habitants comme à la Compagnie que je formais, de changer l’esclavage pur et simple en servitude de glèbe »8. Il avait lu ensuite les mémoires présentés en 1779 et 1785 par un autre abolitionniste convaincu, « M. le chevalier de Laborie, lieutenant-colonel d’infanterie, sur les moyens de donner la liberté aux esclaves en Amérique. Les mêmes principes nous ont guidé… mais les moyens sont différents. M. de Laborie parle d’une sucrerie qu’il voulait établir à la Tortue... »9. Ni l’un ni l’autre de ces projets ne virent le jour, contrairement à celui de La Fayette.

Laffon de Ladebat occupe pour finir une position originale sur l’échiquier politique de son temps, curieusement en rupture avec ses principales attaches identitaires sans qu’il les trahisse toutefois. Il est d’abord, mais avec le duc de Duras, autre Aquitain, un noble dissident, royaliste libéral modéré, qui voulut se présenter pour le Tiers et en fut refusé car noble. Il écrit dans son mémorial :

« J’avais à la fois à combattre contre le parti monarchique et ma députation, la plus haineuse, qui comprenait Vergniaud, Guadet et Gensonné et dont l’influence était prouvée ». Il n’est donc pas non plus, malgré son origine bordelaise et ses alliances familiales, membre ou sympathisant du groupe Girondin et, évidemment encore moins des scélérats Jacobins. Il épingle sans la moindre complaisance sa compatriote si bien considérée par l’air du temps et plus tard l’histoire officielle, la célèbre Thérésia Cabarrus encensée à Bordeaux sous le nom de « Notre-Dame de Bon Secours », pour avoir sauvé plusieurs condamnés de la guillotine auprès de son mari, le redoutable Tallien, avant de devenir « Notre-Dame de « Thermidor ». Elle n’est pour lui qu’une salonnière immorale lorsqu’il rappelle le dîner orgiaque « donné par Mme Tallien à sept ou huit femmes de la même espèce » qui finirent nue avec elle et leurs invités. Proche du groupe central des Feuillants, il n’est pas plus tendre pour ce qu’il appelle « la faction d’Orléans [qui] s’est agrégée la faction de la Gironde et la plupart de ceux qui ont joué quelque rôle en scélératesse révolutionnaire ». En politique comme sur la question de l’esclavage il se veut avant tout modéré, au centre.

Cette modération lui vaudra, comme souvent en de telles circonstances, d’avoir à subir l’acharnement des uns et des autres comme en témoigne ses trois arrestations, la première, sur ordre du Comité de sûreté générale le 7 décembre 1792, alors qu’il vient d’assister le 20 juin et le 10 août impuissant à l’invasion des Tuileries par la foule des sans-culottes et au massacre des Suisses dans les jardins, étant l’un des quelques trop rares députés de la Législative, qu’il a présidé, à protéger la famille royale contre les émeutiers. La seconde, le 18 Avril 1794, député de la Convention, sur dénonciation auprès des Terroristes. La troisième enfin, lorsque président du Conseil des Anciens établi par le Directoire, il est appréhendé chez lui au matin du coup d’État du 18 Fructidor an V (4 septembre 1797), emprisonné au Temple, transféré à Rochefort dans une cage de fer, puis déporté à Cayenne à fond de cale pendant un mois avec Marbois, Pichegru, Barthémamy, Ramel, Tronson du Coudray et une d’autres qui y rejoindront les Terroristes ou Billaud-Varenne et Collot d’Herbois et dont bon nombre périrent. Et pour finir exilé pendant deux ans et demi à Sinnamary. Il est alors âgé de cinquante ans, de haute taille (1m75), « maintien de fer, tête élevée, ton haut et impérieux, cheveux gris, sourcils noirs, front découvert, yeux bleus… il avait à quelque choses près la même tournure que Dumouriez mais son œil est plus fin et son physique plus agréable ».

A son retour à cinquante-trois ans à Paris début mars 1800, le Directoire ayant annulé sa proscription et civile et sa condamnation sans jugement, son fils le décrit « vieilli, le front barré de cheveux blancs mais avec toujours la même vigueur dans le regard : c’était le propre de son caractère de se grandir contre les événements et les malheurs de cette vie ». Désabusé par « la monarchie arbitraire, l’anarchie jacobine, la confusion directoriale, le despotisme et le mépris du peuple », il tente de s’éloigner du politique et de la fonction publique, poursuivi par la rancune de Bonaparte qui raye son nom de toutes les listes. Il contribue, dans sa partie financière, à la création de caisses d’épargne et autres actions philanthropiques, œuvre pour la religion réformée, tente de relever les affaires familiales et surtout écrit des ouvrages scientifiques, financiers, géographiques, et surtout son mémorial pour laisser à ses descendants « des indications utiles et des règles de conduite ». Membre actif de la Société de la morale chrétienne, il milite toujours pour l’abolition que Bonaparte a remise en cause en 1802 et est en 1821 avec Auguste de Staël et Charles de Rémusat l’un des fondateurs du Comité pour l’abolition de la traite des Noirs et de l’esclavage.

En préconisant un affranchissement graduel passant par l’éducation et le travail tout en prenant en compte les impératifs économiques, en insistant sur l’idée que « les lois doivent être l’expression de la justice ». Dire que c’est par là qu’il faut commencer plutôt que par la violence révolutionnaire puisque « l’homme le plus juste peut être entraîné lui-même par le vice de la législation », relève d’un profond humanisme. Laffon de Ladebat, tout en s’inscrivant dans une longue tradition de rationalité bordelaise qui passe par le relativisme culturel des Essais de Montaigne et la logique d’équilibre de L’Esprit des Lois de Montesquieu, fait véritablement œuvre en son temps, plus de soixante ans avant l’abolition française de 1848, de grand précurseur méconnu.

1 J. de Cauna, Haïti, l’éternelle révolution, réédition PRHG, 2009, d’après Revue d’Histoire des Colonies, XXXV, 1949, p. 31-32.

2 André-Daniel Laffon de Ladebat, Journal de déportation en Guyane et discours politiques, édité, présenté et annoté par Philippe Laffon de Ladebat, Edilivre, 2009, p.

3 Ibid., p. 344, note.

4 Ibid., p. 281.

5 Ibid., p. 339.

6 Ibid., p. 348, 340.

7 Ibid., p. 340.

8 Ibid., p. 348, note 20.

9 Ibid., p. 349, note 21.

 

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Jean-Louis d'Anglade nouveau président de l'Académie de Bordeaux

10 Janvier 2020, 09:24am

Publié par jdecauna

Programme 2020 (janvier-février)

Programme 2020 (janvier-février)

    L'Académie Nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux a tenu sa séance de rentrée le jeudi 9 janvier à 16 heures en son siège de l'Hôtel des Sociétés Savantes, 1, place Bardineau. Après la passation de pouvoirs par Mme de Bellaigue, le nouveau président a présenté une brillante communication sur un thème très actuel et dont il a une parfaite connaissance : "Le maire dans une petite commune aujourd'hui".

     Jean-Louis d'Anglade, entrepreneur d'envergure internationale, viticulteur féru d’histoire, est en effet maire d'Abzac, petite commune proche de Coutras où sa famille réside depuis la fin du XVIIIe siècle. Il s'intéresse depuis toujours à l'histoire transatlantique des Amériques où de nombreux membres de sa famille se sont illustrés dans plusieurs pays, et tout particulièrement à Saint-Domingue dans la région du Sud, à Cavaillon, à l'Anse-à-Veau et au Petit-Trou-de-Nippes.  

     Les demoiselles d'Anglade, fille de Jean-Baptiste, capitaine de dragons mulâtres, lieutenant-colonel d’infanterie anglaise, étaient réputées dans la colonie pour leur beauté. L'une d'elles, Anne Louise-Honorine avait épousé le chevalier d’Allard et l’autre, Marie-Laurence-Hortense, devenue Madame de Peyrac, a laissé un manuscrit de sa vie en 66 pages où sont contées les péripéties de son départ pour la Nouvelle-Orléans et de son exil à la Jamaïque. Baptisée à Cavaillon, elle avait épousé à 18 ans le vicomte de Laval de Moncroc de Gripière, fils du colonel du Régiment du Port-au-Prince et mourut à Versailles. Une petite-fille, Louise-Charlotte-Virginie, épouse du Boistaille, naquit à Cuba en 1803. La famille était aussi parente des Gauban de La Réole dont l'un a laissé d'étonnants mémoires intitulés Voyage d'Outre-Mer et infortunes les plus accablantes de la vie de M. Joinville-Gauban restés longtemps inédits après une première impression à usage strictement familial (réédition présentée et annotée par Jacques de Cauna en 2011 aux Editions La Girandole).

     Jean-Louis d’Anglade est l’auteur de : Un grand patron barcelonnette au Mexique, Joseph Ollivier et sa famille, Ed. Sabença de la Valeia, 2011, et Un révolutionnaire royaliste, Jean-Jacques Hache, Editions Glyphe, 2012.

 

 

 

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Cuba au Festival International du Film d'Histoire de Pessac

6 Janvier 2020, 14:47pm

Publié par jdecauna

Le château de Lestapis à Mont au temps de sa splendeurLe château de Lestapis à Mont au temps de sa splendeur

Le château de Lestapis à Mont au temps de sa splendeur

"Des Aquitains à Cuba, des Chiliens à Pessac", c'est avec ce titre quelque peu éclectique que l'animateur Christophe Lucet, grand reporter au journal Sud-Ouest, et les intervenants ont dû composer pour mener à bien une table-ronde dans laquelle histoire et actualité militante s'entrecroisaient dans la présentation de deux émigrations aux caractères fort différents, chronologiquement et spatialement très éloignées. Il a fallu à l'animateur déployer des trésors d'ingéniosité pour assurer des transitions convenables entre ces deux thématiques bien éloignées et disparates. Ce qui fut fait apparemment avec le plus grand bonheur puisque, malgré tout - y compris l'arrivée d'un intervenant supplémentaire de dernière minute pour la partie chilienne - le public fort nombreux, plus d'une centaine de personnes, salle comble, manifesta son intérêt par  une attention soutenue et de fort pertinentes questions. 

On trouvera ci-dessous un texte résumé avec renvois à quelques références destiné à satisfaire les éventuelles demandes d'informations complémentaires concernant la partie qui nous était dévolue.

                  Bordelais et Aquitains à Cuba. Cuba en Aquitaine.

 

                                     par Jacques de Cauna, docteur d’État (Sorbonne)

Les troubles consécutifs à l'insurrection des esclaves de Saint-Domingue (actuelle Haïti) en 1791 jetèrent en exil dans les îles et terres voisines de la Caraïbe pendant une quinzaine d'années de nombreux Aquitains, Gascons, Basques et Béarnais, qui représentaient le principal groupe régional de l'ancienne colonie antillaise devenue indépendante en 1804. Dans la partie orientale de l'île voisine de Cuba, surtout, le courant d'émigration aquitaine, initié par de grands chefs fondateurs, soutenu par de puissants réseaux et alimenté par la tradition, persista durant toute la première moitié du 19e siècle1.

    Un Béarnais, Prudent de Casamajor, ancien gérant de sucreries devenu négociant, fut par son activité l’agent général, l’homme d’affaires, le conseiller et même le banquier de cette colonie de réfugiés. Il débuta dans la spéculation en achetant à bas prix dans les hauteurs de Santiago des terres en friches difficiles d'accès que l’on pouvait croire incultes mais qu’il fit prospérer en les cédant à des compatriotes par petits lots pour l'installation de caféières (cafetals) et en les reliant par un réseau de routes dont la principale est toujours connue sous le nom de Camino frances. Le grand poète parnassien Jose-Maria de Heredia, fils et époux de françaises, est l'un de ses nombreux parents cubains par l’intermédiaire de la famille Dufourcq de Membrède, dont la belle maison subsiste à Arthez-de-Béarn dans la Carrère (la rue principale)2. Les membres de la famille Heredia et leurs proches résidèrent longuement à Arcachon, de 1911 à 1949, dans les belles villas de la Ville d’hiver. On y trouve une Allée José Maria de Heredia, une Allée Gérard d’Houville, du nom de plume de sa fille Marie et une Rue Henri de Régnier, du nom du poète son mari. Deux tantes Girard du poète avaient épousé des Béarnais, Eugène de Ribeaux d’Orthez, et Joseph de Dufourcq, d’Arthez, qui achetèrent en commun avec son père trois caféteries dont l’une, nommé significativement la Fraternidad, vient de faire l’objet d’une importante restauration patrimoniale. A son apogée, dans les années 1840-1860, la production cubaine de café fut multipliée par quarante. Il y eut ainsi près de deux-cents cafetals françaises dans les hauteurs de la Sierra Maestra, entre Santiago, Guantanamo et Baracoa où avaient débarqué les premiers réfugiés de l’île toute proche d’Haïti, à 70 kilomètres par la Passe du Vent. Un arrière courant d’émigration française, aquitaine et surtout béarnaise, se développa dans la première moitié du 19e siècle au départ de Bordeaux où furent délivrés cinq mille passeports pour Cuba, dix fois moins que pour Saint-Domingue au 18e siècle et trente fois moins que pour la Plata plus tard.

Parallèlement au café puis au sucre, s’était développées dans les années de la révolution haïtienne et à leur suite d’intenses activités de course, voire de piraterie, qui multiplièrent par quatre le trafic maritime cubain et où s’illustrèrent notamment les Aquitains de l’entourage des frères Laffite, Pierre, fondateur de la famille cubaine des Laffita, et Jean, le dernier roi des flibustiers à Barataria dans les inextricables bayous de l’estuaire du Mississipi. Dominque You, leur canonnier charentais défendit victorieusement an 1812 Baracoa contre les Anglais, Beluche devint par la suite l’amiral de Bolivar au Venezuela, et Jean Laffite sauva La Nouvelle-Orléans de la reconquête anglaise en 1815 avant de s’installer sur l’île de Galveston à la suite du commodore Aury, dans le golfe du Mexique où il aurait perdu la vie après avoir, selon la légende, financé la publication du Capital de Karl Marx. Il y a sans doute là confusion avec Paul Lafargue car on sait aujourd’hui qu’il décéda en réalité dans un combat naval sur la côte nord de Cuba. Paul Lafargue, né à Santiago de Cuba en 1842 et inhumé au Père Lachaise, fondateur avec Jules Guesde du Parti Ouvrier français et immortel auteur du Droit à la Paresse et de la célèbre formule « Faut-il perdre sa vie à la gagner ? », était en effet le gendre de Karl Marx, ayant épousé sa fille Laura avec qui il se suicida au cyanure à 70 ans en 1911 pour ne pas vieillir outrageusement. Se présentant comme issu de trois peuples opprimés, les Noirs, les Juifs (sépharades bordelais par sa mère, une Armaignac) et les Indiens, il était fils d'un mulâtre bordelais marchand d’oranges à la Nouvelle-Orléans et propriétaire d'une maison rue Naujac et d'un domaine à Sallebeuf.

Bien moins connu mais tout aussi attachant et son prédécesseur fut le délicat poète romantique béarnais né à Santiago d’une famille arthézienne parente de Casamajor, Hippolyte Daudinot, qui se suicida lui aussi à 70 ans, en 1894, en son domicile de la rue du Palais-Gallien à Bordeaux.

De belles demeures béarnaises témoignent en retour de ces fortunes béarnaises réalisées à Cuba dans le café ou le sucre, comme le château de Mont, près d’Orthez, à la famille de Lestapis. Non loin de là, en Gascogne, à Escalans, dernière commune de l’Armagnac landais avant le Gers, l’antique château de Caumale – racheté et restauré avec l’argent de ses caféières cubaines par Joseph (José) Delisle, créole réfugié de Saint-Domingue d’une famille de Labastide d’Armagnac, et son épouse bordelaise et dominguoise Pauline-Catherine Duverger, décédée à Caudéran en 1861 accueillit sa famille à partir de 1830 et conserve ses archives. L’édifice reste marqué aujourd’hui par la présence de Catarina-Ygnacia de la Merced Delisle, née à Santiago et dite Nathalie en famille, qui y épousa le marquis de Cumont, de la famille charentaise des seigneurs de Chantemerlière à Contré3.

On vient aussi de redécouvrir récemment que l'une des plus grandes villes de Cuba, Cienfuegos, avait été fondée en 1819 par des Bordelais, conduits par le Franco-Louisianais Louis de Clouet. officier espagnol et homme d’affaires bordelais, acquéreur des vestiges de l’ancien château de Puy-Paulin puis palais de l’Intendance, qui fut aussi bien à l’origine de la fondation de la banque de Bordeaux que du premier chapitre maçonnique de hauts grades écossais de Cuba, le Temple des Vertus théologales, fondé à la Havane en 1818. L’un de ses fils s’allia dans la grande famille de négociants bordelais des Journu-Auber de Saint-Magne dont la descendante réside encore aujourd’hui dans la tour de l’Intendance. Parmi ces premiers fondateurs de Cienfuegos, le Béarnais Andres Dorticos y Cassou succéda au fils de Louis de Clouet comme gouverneur et maria sa fille Teresa au milliardaire Tomas Terry. Leurs enfants, acquéreurs du château de Chenonceaux, sont à l’origine d’une prestigieuse postérité dans les familles des comtes de Castellane, des princes de La Tour d’Auvergne Lauraguais, des Faucigny-Lucinge, de Noailles, Sauvage de Brantes (dont Madame Giscard d’Estaing)... Dorticos fut aussi l’ancêtre du premier président de la Révolution cubaine en 1959, le juriste Osvaldo Dorticos Torrado.

Quant au Charentais d’origine périgourdine François-Régis de La Valade du Repaire de Truffin, il devint sous son nom cubain de Regino Truffin, à la tête de dix-sept sucreries, l'une des plus grandes fortunes sucrières de l'île, première productrice mondiale. Président de la Chambre franco-cubaine de Commerce et de nombreux Clubs et institutions havanaises, Consul impérial de Russie, honoré de deux ordres prestigieux par le Tsar, il sauva de l’exécution par la police espagnole des combattants russes de la guerre de libération cubaine en les exfiltrant vers les Etats-Unis, et s’attira les éloges dithyrambiques de nos autorités diplomatiques au titre de première fortune française de l’île pour sa remarquable réussite économique et financière avant que ses descendants ne soient malencontreusement déchus de la nationalité française pour avoir possédé des esclaves après 1848, date de notre dernière, définitive et tardive abolition.

Ces Aquitains méconnus dans leur région d'origine restent des personnages majeurs de l'histoire et du patrimoine cubains. Leurs traces en Aquitaine et outre-Atlantique nous rappellent que notre région a été de loin la première pour l’émigration française, particulièrement vers les Amériques, et que cet important phénomène démographique, qui n’est pas uniquement le fruit de la misère comme on se plaît à l’imaginer trop souvent, mériterait une meilleure attention sur ses multiples causes, conditions et manifestations. Ou, si l’on préfère, une vision plus largement ouverte.   

 

1Voir Jacques de Cauna, L’Eldorado des Aquitains. Gascons, Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique, 17e-18e s., Biarritz, Atlantica, 1998.

2 Id., « La maison Dufourcq à Arthez, les seigneurs de Lescun, Corisande d’Andoins et Cuba », Revue de Pau et du Béarn, 42-2015, p. 59-77.

3 Id., « Les Delisle, Duverger, Préval…, familles franco-dominguoises et cubaines dans la correspondance de Caumale », Bulletin du Centre Généalogique des Landes, 109-110, 1er trim. 2014, p. 1490-1494.

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La revue haïtienne qui nous vient du Québec

2 Janvier 2020, 16:45pm

Publié par jdecauna

652 pages et 33 articles d'histoire d'Haïti par les meilleurs spécialistes.

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