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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles

20 Janvier 2023, 17:20pm

Publié par jdecauna

Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles

Les mystères de Christophe Colomb : les trois caravelles

Nous souscrivons tous sans y penser davantage à la représentation traditionnelle des trois caravelles de Christophe Colomb arborant dans leur course transatlantique leurs voiles frappées de larges croix rouges pattées dites templières. Comme tout ce qui touche au Grand Amiral de la Mer Océane, du lieu de sa naissance aux noms que l’on a retenus pour de ses bateaux, la Pinta, la Niña et la Santa-Maria, sans parler du voyage lui-même, des interprétations de toutes sortes ont été données d’une entreprise devenue légendaire pour avoir littéralement changé la face du monde.

On doit déjà rappeler que si le nom de « caravelle » peut bien s’appliquer aux deux premiers navires du premier voyage commandés par les frères Pinzon (qui étaient trois en réalité et non deux), du port andalous de Moguer immortalisé par le célèbre vers de José Mara de Heredia « De Palos, de Moguer, routiers et capitaines partaient... » (Palos étant le port de départ en aval sur le Rio Tinto), il conviendrait plutôt pour le dernier, le navire-amiral, de parler d’une « nef » (du portuguais nao), bâtiment de plus gros tonnage et plus rond. Rien ne prouve d’ailleurs que Colomb n’ait pas considéré ces bâtiments tout simplement comme trois grosses caraques, nom générique d’origine arabe de la plupart des bateaux de l’époque. Quant au nom de la plus fameuse de ces trois caravelles dont le mythe s’est emparé et qui trône dans tous les livres d’histoire, la Santa Maria, il n’est jamais rapporté sous cette forme chez les premiers chroniqueurs, qu’il s’agisse de Bartolomeo de La Casas, de Colomb lui-même dans son Journal ou de ses fils Diego et Fernando dans leurs écrits. Colomb lui-même distingue bien des deux caravelles la nef, qu’il appelle encore « le vaisseau amiral », et Las Casas emploie souvent le terme de la Capitana. Elle appartenait à Juan de La Cosa, le pilote cantabrique qui accompagnait Colomb, et son véritable nom aurait été la Gallega, parce qu’elle aurait été construite en Gallice, à Pontevedra, ce qui est parfois contesté. Mais elle aurait très bien pu être construite en réalité, comme les deux autres caravelles – qui se seraient nommées la Santa Clara et la Santa Anna, mais dont n’a retenu que des surnoms évocateurs, la « Peinte » et la « Petite » dans un autre port plus au Sud, du nom de Santa-Maria, aujourd’hui la ville d’El Puerto de Santa Maria au fond de la baie de Cadix.

En effet, Colomb s'était adressé au départ pour financer son entreprise au seigneur propriétaire de ce port de Santa Maria, don Luis de la Cerda, duc de Medina-Celi, seigneur de Cogolludo, de sang royal et apparenté en France où il était comte de Clermont et de Talmont, et descendant direct de Gaston III de Béarn par son fils Bernard qui avait épousé la duchesse de Medina-Celli. Ses revenus étaient considérables, il hébergeait Colomb et avait investi mille ducats mis à sa disposition pour commencer la construction de trois caravelles. Mais voici ce que nous en dit la Casas et qu’avait relevé dans les années 1980 pour la Société Haïtienne d’Histoire notre regretté confrère et ami l’architecte Christian Goguet :

« La Divine Providence avait arrêté dans ses décrets que ces terres fertiles seraient découvertes par la bonne fortune de nos excellents rois et non par la faveur et l'aide de leurs sujets. Leurs Altesses, et notamment la sérénissime Isabelle, qui s'intéressait plus particulièrement à cela, ayant pris connaissance de la requête du duc qui demandait et réclamait comme une faveur, le soin d'équiper cette modeste flottille, l'illustre Reine dis-je, comprenant que cette affaire pouvait amener quelque chose de grand et de glorieux.... fit écrire au dit duc, qu'elle tenait sa proposition et son projet comme important service et qu'elle se réjouissait d'avoir, dans son royaume, un homme assez généreux et assez riche pour entreprendre une œuvre aussi considérable, car la grandeur et la magnificence des vaisseaux rehaussent la gloire et l'autorité des princes suzerains, mais qu'elle le priait de trouver bon qu'elle dirigeât elle même cette affaire, que sa volonté était de s'en occuper efficacement, d'en faire les frais sur sa cassette, attendu qu'une pareille entreprise ne pouvait être que de la compétence des souverains ».

Autrement dit, il n'y a peut-être jamais eu de Santa Maria ! concluait-il vigoureusement face aux assertions divergentesQuant aux grandes croix rouges des voiles, elles ont, elles, bien existé de manière indubitable mais on pourrait objecter qu’elles sont de manière quasi générale la marque de fabrique de toutes les grandes caraques portugaises en circulation à l’époque, celles des grands découvreurs qui s’élancent vers le Sud le long des côtes africaines après s’être arrêtés dans l’Ouest aux Açores.

N’oublions pas toutefois que Colomb ne naviguait pas pour le roi du Portugal mais pour les souverains espagnols, Ferdinand d’Aragon, et surtout Isabelle de Castille son épouse, qu’il avait su convaincre. La question reste donc entière : pourquoi ces grandes croix pattées rouges des Templiers sur « les trois caravelles » qui auraient été construites en Galice et et à Moguer ? C’est ce à quoi nous nous efforcerons d’apporter une réponse cohérente dans un second temps.

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Ma rencontre avec le Roi Pelé en Haïti (fragment de Mémoires)

2 Janvier 2023, 10:53am

Publié par jdecauna

Le Roi Pelé et Pierre Bayonne au stade national Sylvio Cator  de Port-au-Prince (Haïti) en septembre 1975

Le Roi Pelé et Pierre Bayonne au stade national Sylvio Cator de Port-au-Prince (Haïti) en septembre 1975

Elle a eu lieu un dimanche (le 21) du mois de Septembre 1975 au Royal Haïtien, hôtel, casino et club de Port-au-Prince à Fontamara, dans l’ouest de la ville. Pelé y avait pris résidence avec sa toute nouvelle équipe, le New York Cosmos, qui venait de le recruter à grands frais trois mois plus tôt. Le Cosmos affronta deux fois au Stade national Sylvio Castor le Violette Athletic Club, club phare de la capitale qui triompha (2-1) le 19 septembre, par un doublé de l’un de ses trois équipiers vedettes argentins, le milieu offensif Oscar Montironi, avant de concéder un match nul (0-0) en revanche une semaine et deux jours plus tard le 28. C’était l’époque de la grande équipe du Violette emmenée par Philippe Vorbes avec les Rogerio Ricato (avant-centre argentin), Oscar Barrionuevo (défenseur argentin), Ernst Jean-Joseph (défenseur central), Pierre Bayonne (latéral, auteur d’un match inoubliable)… A peine entré en jeu, après quelques minutes sous les yeux extasiés des spectateurs, Pelé s’écroulait sur la pelouse victime d’un tacle au grand émoi du public. Un assistant médical de l’équipe américaine se précipita sur le terrain armé d’une bombe aérosol dont il arrosa copieusement la cheville de l’idole qui se releva rapidement à la grande surprise et soulagement, manifestés par une débauche de cris de joie et d’admiration assortis de commentaires appropriés en créole d’un public survolté devant tant de science et d’efficacité médicales bien américaines au service du plus grand joueur mondial.

Deux jours lus tard, nous étions installés avec notre petit groupe d’amis intimes, selon l’habitude dominicale, aux abords de la piscine du Royal Haïtian Hôtel and Club sur des transats où nous dégustions paresseusement quelques piñas coladas ou autres daïquiris accompagnés d’amuse-gueules lorsque nous vîmes apparaître Pelé, lui aussi en tenue de bain. Pressentant une occasion unique d’approcher l’objet de notre admiration de pratiquants amateurs du football, nous insistâmes gentiment auprès de Rosa L., l’épouse brésilienne de l’un de nos amis et collègues diplomates présents dans le groupe, Francesco-Adriano L., dit Franco, de l’Ambassade d’Italie, parrain de ma seconde fille Alexandra, pour qu’elle se lève et aille le saluer de quelques mots en sa qualité de compatriote. Il l’accueillit avec un grand sourire et une extrême gentillesse, nous manifestant ensuite la meilleure attention lorsqu’elle nous présenta à lui en sa langue.

Il prit largement son temps pour échanger avec nous, apparemment avec grand plaisir, comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Je garde le souvenir d’une personnalité très attachante, d’une grande simplicité sans aucune hauteur qui aurait pu émaner de sa renommée mondiale. En très peu de mots, serrements de mains et sourires, nous nous trouvions déjà dans la familiarité qu’aurait été celle d’une amitié de longue date. Un grand Monsieur.

L’un des sujets de la conversation porta évidemment, mais pas seulement, après l’accueil reçu en Haïti, sur le football. Au-delà des péripéties du dernier match et de la prestation du Violette A.C., il y avait fort à dire, du plus haut niveau avec la performance relativement récente et surprenante de la qualification de la sélection nationale haïtienne pour la récente Coupe du Monde de 1974 et surtout, lors du premier match de poule de celle-ci, le mythique but de Mano Sanon ouvrant le score sur une rapide contre-attaque contre l’Italie en trompant le grand Dino Zoff, invaincu depuis dix-neuf matches (cet inimaginable exploit était reproduit en grand tableau naïf sur la plupart des carrosseries des taps-taps en circulation et légendé « Le but qui fit trembler l’Italie »), jusqu’à la modeste équipe transnationale de La Gauloise, évoluant en Ligue de Pétionville (deuxième division) que je venais de fonder, en marge de mes activités d’attaché culturel, en regroupant plusieurs amateurs de football de bon niveau, diplomates et coopérants français et d’autres pays, artistes et intellectuels locaux, voisins de Pétionville où nous jouions et nous entraînions régulièrement au Parc Sainte-Thérèse, stade de l’équipe Don Bosco dont était d’ailleurs issu Mano Sanon avant d’être recruté pour aller jouer dans le championnat belge à Anvers.

De ce championnat professionnel nous venait notre gardien de but qui avait évolué en 1ère division belge à Charleroi. C’était le seul de nos équipiers à avoir eu accès à ce plus haut niveau, avec le renfort épisodique, lors de ses missions d’expert linguistique, d’un milieu de terrain venu des Chamois Niortais (2e division française), mais nous bénéficions d’un gros contingent potentiel dans la présence de nombreux coopérants français, dont quelques anciens étudiants ayant brillé dans leur faculté ou école supérieure en championnat de France universitaire, formant avec d’autres un fonds de joueurs des championnats amateurs régionaux et locaux de tous niveaux (je venais moi-même, milieu de terrain, du F.C. Arthez-de-Béarn, équipe réserve, un autre joueur, à l’avant, d’un club martiniquais, un solide milieu défensif golfeur de haut niveau canadien, un capitaine professeur d’éducation physique, un étonnant avant-centre au tir si puissant qu’il brisa une transversale de but en bois, et un grand arrière-central haïtien, artiste peintre de son état, rappelant dans son jeu Marius Trésor, associé à un infatigable gascon, ainsi que quelques fils de familles de négociants syro-libanais ou palestiniens, sans oublier quelques membres plus ou moins assidus ou anciens joueurs de l’environnement de l’équipe de l’élite pétionvilloise de Don Bosco. Ce qui nous permettait de figurer très honnêtement (trop parfois ?) contre les Pirates, L’Etoile-Filante... et autres équipes locales, et d’assurer dans la sphère internationale de a diplomatie, pour le compte de l’Ambassade de France, lorsque l’occasion se présentait, la mise place d’accueil dans nos familles et de rencontres sur le terrain avec les équipes des escadres maritimes en visites officielles, principalement françaises et britanniques (un porte-avion anglais notamment qui nous infligea une cuisante défaite). Nous eûmes aussi l’occasion d’effectuer, en liaison avec l’ambassade locale, une rapide tournée amicale dans le pays voisin, la République Dominicaine, qui se solda par une victoire sur le champion dominicain de deuxième division et une lourde défaite contre la sélection nationale au grand stade central de Santo-Domingo, sous l’œil attentif du frère de Michel Hidalgo présent pour l’occasion.

En raison d’une certaine ressemblance, due sans doute en grande partie davantage à la grosse moustache noire et à l’abondante chevelure noire que j’arborais à l’époque plutôt qu’à mes talents footbalistiques, les petits vendeurs de rue de Pétionville m’avaient généreusement gratifié du surnom de Rivelino, le meneur de jeu de la grande équipe brésilienne championne du monde en 1970. J’étais également par ailleurs très connu des spectateurs et pratiquants populaires sous le nom de Neg foutbol. Ce qui me valut certaines facilités de circulation malgré ma couleur lors des émeutes qui marquèrent et suivirent la chute de Duvalier fils, ayant toujours dans la foule quelque admirateur juvénile pour inciter les manifestants à m’épargner les ennuis.

Pour être tout à fait juste et complet, il faut dire que ma toute première rencontre avec Pelé avait été en réalité la découverte – mais uniquement virtuelle – que j’en avais fait, enfant, en 1958, en même temps que celle des premières diffusions de la Coupe du Monde en Suède à la télévision, qui était uniquement en noir et blanc alors. A cette date, Pelé, âgé d’à peine sept ans de plus que moi avait éclaboussé de sa classe la compétition du haut de ses dix-sept ans, notamment lors de la demi-finale gagnée contre la France des Kopa, Fontaine, Piantoni, Penverne… aux côtés de ses coéquipiers Didi, Vava, Garrincha, Zito, Zagallo, Gilmar… avec lesquels il emporta la première de ses trois Coupes du Monde en battant la Suède, la France terminant troisième en s’imposant face à l’Allemagne.

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