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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux
Site de la Chaire pluridisciplinaire d'Haïti à Bordeaux créée après le séisme du 12 janvier 2010 dans le cadre des activités du Centre international de recherche sur les esclavages du CNRS à l'EHESS. Histoire et culture d'Haïti et de Gascogne. Enseignement supérieur. Formation, suivi à distance, mémoires, thèses. Développement des liens entre la Caraïbe, la Gascogne et région Nouvelle-Aquitaine.
Présentation au public bordelais du portrait retrouvé d'Isaac Louverture par Jacques de Cauna
Toussaint Louverture, Bordeaux et l'Aquitaine. Histoire, famille, mémoire, Bordeaux, Edit. JdC, 2023, 80 p.
Rendez-vous est donné à 17h45 au Musée d'Aquitaine, cours Pasteur (station tram Musée d'Aquitaine).
Isaac et son épouse à Bordeaux, Toussaint Louverture par Baquoy, Placide en Agenais, les descendants en Aquitaine... Si vous souhaitez en savoir davantage sur le contexte historique de l'identification des portraits familiaux et les toutes dernières découvertes sur la famille Louverture en Aquitaine, réservez votre exemplaire par simple message sur ce blog à votre nom, afin d'être prioritaire. Il n'y en aura pas pour tout le monde...
Cette présentation répond en quelque sorte à ma lettre de la mi-février au Maire de Bordeaux qui n'a pas été en mesure de me recevoir sur cet important sujet (copie à la suite) :
Lettre à l’attention de M. Pierre Hurmic, Maire de Bordeaux
Jacques de Cauna Bordeaux, le mercredi 15 février 2023
144, rue Fondaudège, Bordeaux
Monsieur le Maire,
J’ai l’honneur de solliciter une audience de votre part afin de porter à votre connaissance un projet lié à l'importante commémoration à venir du 220e anniversaire de la mort de Toussaint Louverture (7 avril 1803), personnage historique qui a fait l'objet récemment d'une évocation pour laquelle j’ai constitué le fil rouge auprès de l’équipe de M. Stéphane Bern dans le cadre de l'émission télévisée Secrets d'Histoire (pour plus de détails, voir : J. de Cauna, Toussaint Louverture. Le Grand Précurseur, Bordeaux, Ed. Sud-Ouest, 2012)
Comme vous le savez sans doute, le fils du héros de la liberté des Noirs, Isaac Louverture, a résidé longuement dans notre ville après sa déportation de Saint-Domingue (aujourd'hui République d'Haïti) et repose au cimetière de la Chartreuse. Une plaque avait été apposée le 4 avril 2003 à mon initiative par votre prédécesseur M. Alain Juppé sur sa maison du 44 rue Fondaudège.
A ce sujet, vous avez peut-être été informé de l’acquisition récente faite par le Musée d’Aquitaine sur ma recommandation d’un portrait qui m’avait été présenté en 2020 par un marchand d’art bordelais comme celui d’un Noir inconnu et que j’ai pu identifier au terme d’une recherche approfondie comme celui d’Isaac, fils cadet de Toussaint Louverture.
Il serait important – me semble-t-il – que les Bordelais puisse voir réellement le visage de ce personnage historique, qui symbolise la qualité d’accueil de notre ville, plutôt que des noms sur une plaque (des plaques avec portraits ont été ainsi inaugurées récemment à Astaffort pour Placide Louverture, fils aîné, en partenariat avec une association québécoise). Et qu’ils soient aussi correctement informés sur l’importance historique du personnage à l’occasion d’une présentation officielle que je souhaiterais faire dans un lieu de qualité approprié sous l’égide de la Mairie (le 7 avril, ou pour la journée nationale de mémoire de l’esclavage le 10 mai) avec l’écho médiatique que cela mérite pour l’image de notre ville.
Compte tenu du retentissement local, régional, national, voire international, que pourrait avoir l'action dans le contexte commémoratif actuel, tel que j'ai pu l'appréhender dans les sollicitations déjà reçues, je serais donc très heureux de pouvoir échanger avec vous au cours d’une audience sur mes possibilités d’interventions dans cette affaire et le soutien institutionnel que vous pourriez y apporter. Deux publications, l’une scientifique et l’autre de plus large audience, sont en cours, la première au Canada, la seconde avec un éditeur bordelais.
Je reste en relation sur ce sujet avec mes interlocuteurs habituels et à votre entière disposition pour toutes précisions.
En vous remerciant pour votre attention, je vous prie d'agréer, Monsieur le Maire, l'expression de mes sentiments respectueusement dévoués.
Jacques de Cauna
Pr Jacques de Cauna, docteur d'Etat (Sorbonne)
CNRS/EHESS CIRESC Chaire d'Haïti à Bordeaux
Commandeur de l'Ordre National Honneur et Mérite d'Haïti
Président de la Fédération des Académies de Gascogne
Vingt ans après... la pose de la plaque historique sur la maison d'Isaac Louverture au 44 rue Fondaudège
Vingt ans après la pose de la plaque historique sur la maison d'Isaac Louverture au 44 rue Fondaudège le 4 Avril 2003, la Mairie de Bordeaux n'a pas jugé utile de mettre en relation cet événement avec la récente découverte du portrait d'Isaac en répondant au moins à la demande d'audience formulée par l'historien bordelais dont le travail a permis ces deux avancées - significatives en termes mémoriels - de la recherche sur la famille du Grand Précurseur dans notre région.
Heureusement que d'autres lieux de mémoire aquitains, à l'instar de la ville pionnière de La Rochelle dont le Maire nous a fait l'honneur d'une invitation personnelle particulière, comme d'ailleurs Mme le Premier Ministre, permettent de continuer à avancer dans le sens de l'histoire en marche.
Journée nationale de la Mémoire de l'esclavage du 10 mai 2023.
Inauguration de la plaque de la Promenade Toussaint Louverture en 2012 par Maxime Bono en présence des autorités haïtiennes de l'Ambassade d'Haïti en France et de la Mairie de Port-au-Prince (sur ma proposition)
Invitations du 10 mai 2023
Comment répondre à trop d'invitations quand on ne possède pas le don d'ubiquité ?
C'est la cruelle situation dans laquelle je me suis trouvé à l'approche de cette journée du 10 Mai. Comment se déplacer dans la même journée à Paris, La Rochelle, Agen, Astaffort, Bayonne, Pau, Capbreton, Buanes, Escalans, L'Isle-de-Noé... ?
Cette dernière localité où je ne me suis pas rendu depuis les cérémonies de 2009 au pied de la stèle Toussaint Louverture à l'entrée de l'allée du château a longtemps été la tentation la plus forte... avant que ne s'impose le dilemme entre l'invitation personnelle de Madame le Premier Ministre et celle de M. le Maire de La Rochelle. Très honoré par ces marques de considération et m'étant dûment excusé auprès de mes autres interlocuteurs, c'est finalement cette dernière destination que j'ai choisi de retenir - essentiellement pour des raisons de fidélité traditionnelle remontant à mes excellentes et très anciennes relations avec les maires historiques de La Rochelle, au premier rang desquels le regretté Michel Crépeau, à qui l'on doit l'initiative pionnière du Musée du Nouveau-Monde en 1982, et plus tard mon confrère conseiller culturel et ami, son successeur, Maxime Bono, ainsi que les grands acteurs de la relation avec Haïti que sont Daniel Groscolas et Colette Chaigneau.
Et Bordeaux, ma ville natale, alors ? Et bien, c'est très simple... N'ayant reçu aucune invitation, de qui ou quoi que ce soit, pas plus que de réponse à mes diverses interventions et demandes d'audience et propositions d'actions, je me réjouis de ne pas avoir eu à choisir. Cela me dispensera de courir du square Toussaint Louverture sur la rive droite à la statue de Modeste Testas sur les quais.
Pour l'un comme l'autre, les présents pourront faire bonne lecture, que ce soit de la notice biographique sur dalle que la Mairie m'avait demandée de rédiger pour la vie de Toussaint, ou de celle de la plaque consacrant l'hypothétique destinée de Modeste, dont le principal intérêt réside surtout dans la longue kirielle de noms de personnalité ayant participé à cette innovation romanesque qui suivent au bas.
Nul n'est prophète en son pays ! To the happy few !
Le wokisme à l’ œuvre où comment prétendre faire du neuf avec ce qui a déjà été fait.
Certains ne manquent pas d’air ! C’est le moins qu’on puisse dire…
Une invitation reçue et transmise par mail d’une amie rochelaise, suivie peu de temps après par un titre tout récent du journal Sud-Ouest m’ont appris incidemment, comme pour n’importe qui, qu’une conférence allait être donnée dans deux jours, le 9 mai, par une doctorante venue d’Allemagne sous le titre : Les gérants de plantation, « des hommes sans existence ». Entre pratiques de gestion et pratiques illicites sur les plantations à Saint-Domingue au XVIIIe siècle. Et ce, par le biais de la simple lecture d’une petite trentaine de lettres (sur combien d’autres existantes !) conservées aux archives départementales.
Sur un sujet présenté à ma grande surprise comme neuf, tant par l’annonce faite par l’organisateur que par la presse : la famille Fleuriau et sa plantation de Bellevue à Saint-Domingue, il s’agirait, je cite le journal Sud-Ouest, de mettre en lumière « les lettres envoyées à la célèbre famille rochelaise, décryptées [souligné par moi] par l’historienne et doctorante Mathilde Ackermann-Koenigs, [qui] mettent en lumière le rôle du gérant d’une plantation coloniale au XVIIIe siècle à Saint-Domingue ».
Il s’agit bien ici en l’occurrence – on ne rêve pas – de reprendre l’exploitation de la correspondance du gérant Arnaudeau avec les propriétaires, la famille Fleuriau. La gestion d'Arnaudeau, neveu des Fleuriau, est un cas d’école longuement présenté et analysé depuis longtemps, ainsi que le personnage lui-même, par Jacques de Cauna dans Au Temps des Isles à Sucre. Histoire d'une plantation de Saint-Domingue au XVIIIe siècle, Paris, Editions Karthala, 1987 (prix de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, réédition 2003), publication de sa première thèse de doctorat soutenue en 1982.
Chacun sait aussi à La Rochelle depuis longtemps à quel point le personnage d’Aimé-Benjamin Fleuriau, ressuscité il y a quarante ans, est devenu depuis une véritable légende urbaine, objet mémoriel clé de la ville. Quant à Jean-Baptiste Arnaudeau, il est clair que le pittoresque du personnage a joué un rôle décisif dans la réutilisation de la thèse sur l’habitation Fleuriau par l’académicienne Dominique Bona, pour constituer la trame de son roman Le manuscrit de Port-Ebène, honoré, entre autres, du prix Renaudot en 1998. Mais d’où vient donc alors ce nouvel engouement pour un sujet si bien connu et sur lequel il ne sera pas facile – a priori – d’apporter du neuf ?
Il se trouve que les Archives départementales de la Charente-Maritime ont racheté il y a peu un lot de papiers de la famille Fleuriau que l’on tente de présenter comme nouveaux alors qu’ils ont déjà été largement exploités sous forme de micro-films à partir du fonds confié par la comtesse de Fleuriau à l’époque de l’achat de l’hôtel Fleuriau dans les années 80 par la municipalité de la ville sous l’égide du regretté maire Michel Crépeau qui, lui, voyait très loin en transformant l’immeuble fleuron de sa ville en musée du Nouveau-Monde.
Il faut savoir aussi qu’une grande partie de ces papiers de famille, y compris la correspondance d’Arnaudeau, vendue par la comtesse lors de ses séjours à Paris, est également conservée aujourd’hui aux Archives départementales de la Gironde dans le fonds Chatillon déposé par les héritiers du célèbre collectionneur (258 occurrences pour la seule gestion d'Arnaudeau entre autres).
A partir de là, le premier travail à effectuer par les Archives départementales de la Charente-Maritime ne serait-il pas, logiquement, d’établir la correspondance – ou non si ce n’est pas le cas – des nouveaux documents reçus avec les microfilms réalisés par leur propres services à La Rochelle sur le fonds familial Fleuriau dans les années 1980 et les documents originaux archivés par ailleurs, aux Archives départementales de la Gironde notamment, ou autres dépôts afin de déterminer le plus clairement possible ce qui est – ou n’est pas – nouveau pour pouvoir orienter les jeunes chercheurs vers les éventuelles pièces inédites qu’il pourraient analyser de manière à faire progresser le savoir académique, la connaissance de la question, en déterminant et précisant ce que ces nouvelles pièces pouvaient apporter de neuf ? C’est là que se situerait également en principe l’intervention du directeur de recherche universitaire pour orienter l’étudiant vers l’utilité éventuelle – ou non – d’une nouvelle thèse. Rien n’interdit non plus, et tout recommande au contraire, dans ce rôle directeur primordial, d’orienter le doctorant vers la lecture préalable de la bibliographie existante, voire, dans les meilleurs des cas, vers la consultation du collègue historien spécialiste, ou mieux encore de l’inclure dans l’équipe de préparation ou le jury de la thèse en question. On en paraît bien loin...
Pour éviter de perdre davantage votre temps dans les redites et pour plus de détails fiables sur l’ensemble des pérégrinations historiques de la saga familiale des Fleuriau, voyez plutôt à la source, du même auteur, le bilan mémoriel et synthèse historique : Fleuriau, La Rochelle et l’esclavage. Trente-cinq ans de mémoire et d’histoire, Paris, Les Indes Savantes, 2017.
Résumons simplement, pour finir, la recette, pas si inédite que cela, de ce nouveau wokisme en marche :
- Placez-vous sous la houlette bienveillante d’une « autorité » habilitée à diriger une thèse.
- Emparez vous, sur ses conseils éventuellement, d’un sujet déjà traité il y a suffisamment longtemps (quarante ans par exemple) et recopiez sans scrupules.
- Utilisez les notes de bas de page pour connaître les références à citer (obligatoirement présentes dans les publications scientifiques) sans dire où vous les avez prises.
- Proclamez haut et fort que personne avant vous ne s’y était intéressé, qu’il y a là une énorme lacune, sans doute due à un tabou quelconque, et que vous allez donc révolutionner l’histoire en réinventant la roue.
- Saupoudrez du jargon à la mode en cours et d’une bonne dose de bien-pensance victimaire.
- Agitez et resservez chaud, de préférence dans un lieu censé présenter les garanties scientifiques requises (université, centre de recherche, dépôt d’archives…).
- N’oubliez de faire relayer le tout par les médias et réseaux sociaux...