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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

Les vestiges d'habitations en Haïti : médiatiser une collection patrimoniale à ciel ouvert

6 Mai 2019, 10:40am

Publié par jdecauna

Vestiges de l'aqueduc d'une grande sucrerie de la colonie française de Saint-Domingue en Haïti (c) Jacques de Cauna, 1978

Vestiges de l'aqueduc d'une grande sucrerie de la colonie française de Saint-Domingue en Haïti (c) Jacques de Cauna, 1978

Communication de Jacques de Cauna aux 7e Rencontres Atlantiques

le vendredi 10 mai 2019 à 9h15 à Bordeaux, 

Musée d'Aquitaine, 20 Cours Pasteur (entrée gratuite)

Dans le cadre du colloque international  Les sémiophores des esclavages et des traites organisé avec le concours du CIRESC. 

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Fondation de Cienfuegos par Louis de Clouet le 22 avril 1819. Le Bicentenaire

27 Avril 2019, 08:49am

Publié par jdecauna

Article paru dans Le Mag Sud-Ouest du 20 avril 2019

Article paru dans Le Mag Sud-Ouest du 20 avril 2019

La nouvelle ville est fondée sur le site de la baie de Majagua sous le nom ce colonie Fernandina de Jagua et sur les terres de l'ancien cacique indien Caunao, nom qui signifiait dans la langue taïno "lieu où il y a beaucoup d'or".

La nouvelle ville est fondée sur le site de la baie de Majagua sous le nom ce colonie Fernandina de Jagua et sur les terres de l'ancien cacique indien Caunao, nom qui signifiait dans la langue taïno "lieu où il y a beaucoup d'or".

Réception officielle organisée par la Mairie au Musée d'Aquitaine en présence de SE l'ambassadeur de Cuba en France et du descendant du fondateur. Projection du film TV réalisé par Bernard Bonnin et Francis Lambert avec la participation des historiens cubains et français.

Réception officielle organisée par la Mairie au Musée d'Aquitaine en présence de SE l'ambassadeur de Cuba en France et du descendant du fondateur. Projection du film TV réalisé par Bernard Bonnin et Francis Lambert avec la participation des historiens cubains et français.

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Une nouvelle communication de Jacques de Cauna sur la Citadelle Laferrière (Haïti)

2 Avril 2019, 13:28pm

Publié par jdecauna

Pour ceux qui auraient manqué l'émission de présentation sur la RTS 1, la radio-télévision suisse, une réflexion plus scientifique sur le plus grand monument historique haïtien

Pour ceux qui auraient manqué l'émission de présentation sur la RTS 1, la radio-télévision suisse, une réflexion plus scientifique sur le plus grand monument historique haïtien

Colloque international La transmission dans la Caraïbe les 5 et 6 avril 2019 de 8H30 à 19h à Bordeaux : Maison de le Recherche (Université Bordeaux Montaigne) et au Musée d'Aquitaine.

Le Vendredi 5 avril à 16h30 au Musée d'Aquitaine, communication de Jacques de Cauna :

Préserver pour transmettre et faire vivre : la Citadelle Laferrière, du roi Christophe à l'Unesco

La citadelle Laferrière, érigée après l'indépendance dans les premières années du XIXe siècle par le roi noir Henry Ier Christophe dans le nord d'Haïti, à une quarantaine de kilomètres de Cap-Haïtien, l'ancien Cap-Français, est non seulement l'incontestable sémiophore identitaire majeur d'Haïti – à la fois site naturel, monument historique national et collection d'objets exceptionnels chargés d'histoire – à préserver et transmettre pour les habitants actuels de la première république noire du monde, mais également un lieu de mémoire unique en son genre et probablement aujourd'hui le monument militaire le plus important par ses dimensions et le plus connu par son histoire, de la Caraïbe. Il n'en a pas toujours été ainsi et si elle bénéficie depuis 1982 de l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, sa transmission jusqu'à nos jours n'a pas toujours été aussi assurée qu'il pourrait y paraître.

C'est à partir de 1979 et jusqu'en 1990, que l'Institut de Sauvegarde du Patrimoine National d'Haïti (Ispan), tout récemment créé, a mis en place et exécuté un programme de préservation et restauration du monument, victime de multiples atteintes dues au temps, au climat et au contexte, tant naturel qu'humain. Il obtint au départ pour son exécution un modeste financement d'une centaine de milliers de dollars qui permit de lancer les opérations et, surtout, matérialisa l'approbation d'instances internationales reconnues : le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) et l'Unesco, ouvrant ainsi la voie à d'autres soutiens, notamment ceux de missions diplomatiques et de coopération bilatérale, française en particulier par l'intermédiaire du Centre de Recherche Historique de l'Institut Français d'Haïti et l'assistance d'experts consultants dûment missionnés.

Pensé, voulu, créé et suivi par des acteurs locaux, au premier rang desquels la Société haïtienne d'histoire et de géographie et la jeune équipe de l'Ispan, et malgré un environnement politique difficile, le programme, qui s'est rapidement avéré transdisciplinaire, est non seulement mené à bien en une douzaine d'années dans ses objectifs essentiels de préservation, mais apporte en outre, au fils des ans, des réflexions sous la contrainte et des expériences vécues, un important capital acquis de bonnes pratiques et des capacités de formations d'intervenants appropriés dans une large panoplie de secteurs. Il génère à son exemple d'autres projets du même ordre patrimonial et ouvre pour finir de nouveaux horizons dans de nombreux domaines de la recherche – historique, naturelle et humaine, agronomique, économique... – pour déboucher en fin de compte sur des actions de développement durable. La connaissance des conditions d'une bonne transmission patrimoniale rejoint ainsi une prospective progressiste.

§§§§§

Jacques de Cauna

Historien, docteur d’État (Sorbonne), diplomate dans la Caraïbe pendant vingt-cinq ans, professeur honoraire des Universités d'Haïti et de Pau, ancien directeur du Centre de recherche historique de l'Institut français d'Haïti, il est aujourd'hui chercheur associé au CNRS (conseil scientifique du CIRESC à l'EHESS, titulaire de la Chaire d'Haïti à Bordeaux), auteur de plus de 200 publications, collaborations et communications scientifiques internationales ainsi que d'une quinzaine d'ouvrages parmi lesquels Au temps des Isles à Sucre (Karthala, 1987), L'Eldorado des Aquitains (Atlantica, 1998), Haïti, l'éternelle Révolution (2009), Toussaint Louverture (trois ouvrages, le dernier aux Editions Sud-Ouest, Bordeaux, 2012), Dynamiques caribéennes. Pour une histoire des circulations dans l'espace atlantique, XVIIIe-XIXe siècles (dir., avec Eric Dubesset, P.U. Bordeaux, 2014), Fleuriau, La Rochelle et l'esclavage. Trente-cinq ans de mémoire et d'histoire (Les Indes Savantes, 2017).

Mots-clés : Haïti, Caraïbe, migrations, familles, plantations, esclavage, révolutions, patrimoine.

N.B. : l'émission radiodiffusée reste disponible en podcast sur le site de RTS1, la radio-télévision suisse. 

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Conseil scientifique du Musée d'Aquitaine à Bordeaux

31 Mars 2019, 09:42am

Publié par jdecauna

Première réunion du Conseil scientifique le mercredi 27 mars 2019 et inauguration des nouvelles salles contemporaines du Musée d'Aquitaine
Première réunion du Conseil scientifique le mercredi 27 mars 2019 et inauguration des nouvelles salles contemporaines du Musée d'Aquitaine

Première réunion du Conseil scientifique le mercredi 27 mars 2019 et inauguration des nouvelles salles contemporaines du Musée d'Aquitaine

C'est dans la magnifique bibliothèque, coeur de l'ancien Palais des Facultés inauguré en 1866 et devenu aujourd'hui Musée d'Aquitaine, que s'est tenue la première réunion de concertation des 34 spécialistes choisis par l'ancienne municipalité (A. Juppé) pour former le nouveau Conseil scientifique du Musée d'Aquitaine.

Cela fait beaucoup de monde et les échanges sont longs (ils ont occupé toute la journée), d'autant que les ambitions sont larges, de l'histoire locale aux échanges avec le monde. Les sept sections du Conseil se répartissent entre Préhistoire-Protohistoire, Antiquité, Moyen Age, Période moderne, Histoire contemporaine Aquitaine, Histoire contemporaine Extra Européenne, Institutions Patrimoniales et Culturelles.

L'une des premières tâches est la préparation du Projet Scientifique et Culturel 2020-2024, Une histoire mondiale de Bordeaux et de l'Aquitaine. L'une des principales difficultés réside dans la conjugaison des trois facteurs que l'on peut résumer en une phrase : conjuguer un musée municipal avec une nouvelle région agrandie à douze départements (la Nouvelle-Aquitaine) dans un cadre élargi aux échanges internationaux. 

Un premier pas a été fait en 2009 avec l'abandon partiel de la focalisation sur les espaces ruraux de l'identité régionale au profit de l'ouverture sur le commerce atlantique (l'exposition permanente Bordeaux au 18e siècle, le commerce atlantique et l'esclavage, catalogue aux Editions Le Festin, Bordeaux, récemment réédité).

Dans l'itinéraire de mémoire qui se profile, il est important qu'à côté des nécessaires ouvertures, les éléments liés à l'identité, le fait fondateur et fédérateur gascon et les trois siècles d'histoire de l'Aquitaine Plantagenêt par exemple, trouvent toute leur place. L'ouverture récente des salles consacrées aux 20e et 21e siècles a déjà révélé une attention particulière à la première problématique avec des présentations en langues régionales basque et gasconne (photo "Un joc de quilhas de nau" et "Espartin batzuk"). Nous y veillerons attentivement.

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Et revoilà les retardataires de la mémoire ! Bordeaux nègre. Vieux pots et mauvaise soupe.

19 Mars 2019, 10:42am

Publié par jdecauna

A propos d'une publication sur You Tube d'un article du Journal de l'Afrique relayé par France 24 qui fait l'apologie des élucubrations de l'éternel militant bordelais, grand inventeur du "Bordeaux nègre" en visites guidées (payantes, naturellement)A propos d'une publication sur You Tube d'un article du Journal de l'Afrique relayé par France 24 qui fait l'apologie des élucubrations de l'éternel militant bordelais, grand inventeur du "Bordeaux nègre" en visites guidées (payantes, naturellement)

A propos d'une publication sur You Tube d'un article du Journal de l'Afrique relayé par France 24 qui fait l'apologie des élucubrations de l'éternel militant bordelais, grand inventeur du "Bordeaux nègre" en visites guidées (payantes, naturellement)

Comment ! La boutique fonctionne toujours alors que son promoteur s'est honteusement dévoilé en s'attaquant haineusement de manière raciste à un élu municipal !

C'est un ramassis d'erreurs historiques que nous avons dénoncé depuis longtemps. Doit-on encore répéter que le maire François-Armand de Saige n'était pas un négrier et a au contraire soutenu les hommes de couleur (comme tous les députés Girondins), que Toussaint Louverture n'a jamais eu ce visage-là, que le prétendu buste de Modeste en préparation pour le 10 mai reprend un tableau de la mère d'un président haïtien et non d'une esclave, qu'il n'y a jamais eu de Bordeaux nègre (créole serait plus intéressant)... et qu'il vaudrait mieux écouter (gratuitement) un historien, ou mieux le lire, que de payer pour cette mascarade ? Mais après tout, tout le monde est libre... ici. 

Je remercie Guilhem Pépin de m'avoir communiqué l'adresse de ce document You Tube sur lequel je ne m'étends pas davantage pour ne pas en faire la publicité (pas plus que sur le nom de son promoteur).

 

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A lire et à relire

1 Mars 2019, 18:32pm

Publié par jdecauna

A lire et à relire

Si l’Adour avait voulu… ou L’œil du Persan : Quand un grand diplomate gascon observe son pays d’origine

Hommage de Jacques de Cauna à S.E. Monsieur l'Ambassadeur de France Jean Batbedat, publié dans le Bulletin du  Centre      Généalogique des Landes, n° 121-122, 1er trim. 2017, p. 1782-1783. Dans le même n°, "Montaigne, seigneur gascon".

Sous le pseudonyme de l’auteur à succès de cette belle saga landaise1 et de nombreux autres romans (La Petite Marche du Télenganam, Le Vautour et l’Enfant, Le Dieu assassiné, Le Roman de la Bégum Sombre, Le Rendez-vous du Kentucky…), se cache de manière transparente pour ceux qui le connaissent un haut diplomate, ministre plénipotentiaire et directeur des archives du Quai d’Orsay dans les années 1980. L’un des personnages imaginaires du roman, l’aimable « M. de la Soieblanche », marque d’ailleurs une réminiscence de ces activités lorsque l’auteur estime à son propos que « sa diplomatie lui eut valu les félicitations du chef du Protocole du Quai d’Orsay ». Fils et héritier littéraire d’un dramaturge et d’une poétesse aux talents reconnus, l’auteur, issu d’une des plus anciennes familles de Poyanne dont les armes figuraient déjà dans l’Armorial établi par d’Hozier lors de la Grande recherche de noblesse dans les dernières années du XVIIe siècle, connaît parfaitement le milieu qu’il évoque par l’intermédiaire de son narrateur, Michel Dubedout, un jeune scénariste de télévision parisien d’origine landaise venu prendre possession de la maison (nommée Tilsit, en souvenir d’un ancêtre distingué par Napoléon, phénomène courant en pays landais où abondent les Austerlitz, Magenta ou Solférino) que lui lègue son oncle Eugène dans le chef-lieu du petit pays d’Auribat.

Il y découvre un monde étrange, inattendu, cocasse et attachant, peuplé de personnages pittoresques et truculents, menacé par le progrès mais encore bien vivant dans ses paysages immuables, ses fêtes traditionnelles et ses coutumes, entre son fleuve, symbole du temps qui fuit, et son château, haut-lieu de la mémoire locale, devenu « silencieux et presque vide » depuis que les bonnes sœurs y ont remplacé le dernier marquis qui l’habitait encore dans les dernières années du siècle précédent (le 19e), nous dit l’auteur. En cet « âge d’or » du village, tel que l’évoque pour le jeune Michel la mémoire vivante du village, le docteur Ducasse – docteur centenaire descendant du célèbre gouverneur des flibustiers de l’île de la Tortue et Côte de Saint-Domingue, l’amiral Jean-Baptiste Ducasse, – le marquis Arthur de Poyanne, père de trois fils, était le riche et fastueux héritier d’une longue tradition de lutte contre l’ennemi ancestral, le baron d’Onard [là, le nom et changé], pauvre « seigneur paysan » père de trois filles qui le narguait du bas de la plaine dans son moulin délabré où « pendant des siècles ses ancêtres avaient tiré le diable par la queue ». Tous deux étaient animés d’une commune passion pour l’histoire, même si chez le marquis cette ferveur était surtout « matière à vanité », une sorte de rage « de posséder historiquement la Chalosse [qui] le conduisait à s’intéresser à toutes les époques » dans la mesure où « il estimait qu’il jouissait d’une sorte de droit de préemption sur tous les sujets concernant la Chalosse et prenait fort mal que d’autres pussent les lui disputer », alors que chez le baron « la fièvre de l’histoire allait de pair avec ce que j’appellerai sa passion mousquetaire ». Parmi les exutoires privilégiés de cet antagonisme séculaire figure la clochemerlesque « société savante de Dax […dont le marquis] briguait la présidence », « cajolant et encensant les uns » et « gardant à d’autres un chien de sa chienne… ». Observations qui montrent s’il en était besoin, tant elles paraissent toujours d’actualité, l’acuité de la connaissance par l’auteur du terrain humain local dans toute sa navrante étroitesse, et qui ne manquent pas de replacer à leur juste niveau les misérables et si prévisibles enjeux locaux de pouvoir qui agitent le microcosme local.

C’est dans le même sens que le brillant académicien landais Pierre Benoît – dont on imagine comment ses succès mondains (et féminins) avaient pu déchaîner les mesquineries jalouses des petits esprits du cru – avait fait évoquer ironiquement par l’un de ses personnages de L’Atlantide « un vieux monsieur, juge d’instruction en retraite et président de la Société Roger-Ducos, vague magma scientifique où des savants d’arrondissement s’appliquaient, avec une prodigieuse incompétence, à l’étude des questions les plus hétéroclites »2. Curieuse rencontre de deux grands esprits face aux petitesses de certains milieux de la cité thermale… S’y reconnaîtront ceux qui le souhaiteront…

Dans un cercle rapproché, s’agite avec plus ou moins de bonheur la cour habituelle du marquis composée des « nobles et hobereaux des alentours, porteurs de particule, héritiers de traditions anciennes et propriétaires de châteaux, gentilhommières et manoirs plus ou moins décatis et croulants », « souvent de noblesse fort ancienne » et pratiquant tous « envers et contre tout le système du cadet. Pauvreté oblige ! » Tous sous la rude férule du « Savonarole de l’aristocratie gasconne », « M. de Nobleprépuce », l’héraldiste local (dont la clé n’est pas bien difficile à trouver parmi les rares spécialistes locaux au 19e siècle), « grotesque fanatique » qui « avait rédigé un armorial des Landes, féru d’étiquette, ne tolérant aucune entorse au protocole », et s’adjugeant « la haute fonction de débusquer et dénoncer les fausses particules », assisté au besoin pour un règlement sur le pré de « MM. d’Estoubiat et d’Arroumega, deux racornis de la meilleure cuvée »…

Au fil des pages, les patronymes de fantaisie évocateurs tels que ceux de « M. d’Espelhoundrat, toujours en guenilles » ou de « M. d’Argoufit, plein de lui-même », côtoient les grands noms historiques de la noblesse : ceux des Messieurs de Caupenne, de Poudenx ou de Brassempouy. Tout comme dans le cercle de la bourgeoisie locale où, à côté des imaginaires épiciers Cocoynacq ou Lanusse, de l’instituteur Pédamous ou de l’abbé Labarrère, le haut du pavé est tenu par le très réel notaire Batbedat, hommage à une mémoire familiale dont on ne peut rejeter l’ancêtre révolutionnaire, le fameux Samson. Tous vivent en une immuable harmonie préétablie ponctuée d’homériques et rituels affrontements entre partisans du marquis et du baron jusqu’au moment où l’amour que se portent deux enfants des protagonistes, modernes Roméo et Juliette, vient bouleverser les habitudes et marquer la fin d’une époque. Tout comme celui que se découvrira le narrateur pour la fille adoptive de son mentor et qui marquera pour lui la grâce d’un retour aux sources.

Cette inénarrable fresque gasconne s’inscrit dans le décor éminemment théâtral de la Chalosse, entre Béarn et Grande Lande, pays voisins avec lesquels les rapports sont très justement rendus en quelques mots bien perçus : « ces gens de la Lande que nous dominons du haut de nos collines… », pour les uns, et ces Béarnais…, « comment pourrions-nous les critiquer alors qu’ils nous ressemblent tant ? », pour les autres.

Ce cadre naturel et humain est présenté comme plus largement bordé par les Pyrénées, la Garonne et l’Océan, frontières d’un des « plus beau pays du monde, la Gascogne », peuplé de lieux de mémoire, de traditions ou de gloires locales incontournables, réelles ou littéraires, qui constituent l’habituel bagage culturel de l’honnête homme landais et gascon : des plus marquants comme la vénérable daune [dame] de Brassempouy, ou encore la belle Corisande, reine d'Hagetmau et du coeur d'Henri de Navarre, Gaston de Foix, Henri IV, le capitaine Fracasse, les poètes Jean Rameau, Francis Jammes ou Paul-Jean Toulet…, aux plus quotidiens comme les pèlerinages de Maylis ou de Buglose, la chasse, le rugby, la course landaise, les ortolans, le piquepoult ou le club des pêcheurs de crevettes de Capbreton, sans oublier le mattie-cul de la Chalosse dont la locomotive trop carcat n’en pouch pas mé, n’en pouch pas mé, n’en pouch pas mé… Le tout ponctué des hymnes et proverbes en langue locale et des inévitables Mordious, Millediou, Dioubiban et Hil dou diable (pour être poli) indispensables à tout dialogue…

En dehors des qualités d’écriture de l’auteur, soutenues par une faconde et une verve bien gasconnes qui s’exercent notamment à travers des kyrielles rabelaisiennes de noms de personnages plus évocateurs les uns que les autres ou des outrances langagières bien senties et difficiles à reproduire hors contexte, c’est la restitution minutieuse, colorée et attendrie de la vie de ce petit monde qui ne veut pas mourir qui confère toute son authenticité et son intérêt à cette savoureuse chronique locale doublée d’une étude de mœurs à la manière de Montesquieu.

Car c’est bien « l’œil du Persan » de notre grand humaniste gascon, ce regard à la fois distancié et affûté, que l’on retrouve lorsqu’il s’exerce ainsi par l’intermédiaire de ce jeune narrateur, à la fois étranger sans l’être tout à fait mais aussi subtilement placé dans une position de recherche empathique d’une identité native perdue au fil d’un parcours initiatique qui n’est pas sans rappeler celui du Nathanaël des Nourritures Terrestres. Le rôle de Gide étant tenu par le docteur centenaire qui en fin de lecture, on l’aura compris, aura achevé de conquérir – tout autant que le lecteur d’ailleurs – son jeune hôte devenu disciple. Lequel, loin de se voir enjoindre de « jeter son livre », comme le demandait Gide à Nathanaël, n’aura plus en tête que le désir de se fondre à son tour lui-même pour s’y retrouver dans le décor ancien brossé par ces pages dont on se détache avec peine, en s’installant définitivement au pays pour y vivre au présent en toute connaissance de cause.

On imagine à quel point l’auteur, dans les ors parisiens du quai d’Orsay ou dans ses prestigieuses missions diplomatiques à l’étranger, a souvent dû en rêver lui-même.

1 Michel Larneuil, Si l’Adour avait voulu…, roman, Paris, Albin Michel, 1988, 428 p., réédition Livre de Poche, 1988, 570 p.

2 Cité par F. Thouvignon, Pierre Benoit et la Société de Borda, Activités landaises, avril 1962, et Elie Menaut, Bull. Soc . Borda, 1963, 1er trim., p. 69-85.

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Vient de paraître : Le Bulletin du Centre Généalogique des Landes n° 127

25 Février 2019, 10:46am

Publié par jdecauna

Entre Béarn et Chalosse.      Abonnements : christian.lacrouts@wanadoo.fr, ou sur site internet : cglandes.over-blog.com/
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Une étude inédite de la population de la perle de la Chalosse

Une étude inédite de la population de la perle de la Chalosse

Des documents inédits sur les seigneurs de Tilh et leur succession

Des documents inédits sur les seigneurs de Tilh et leur succession

Vient de paraître : Le Bulletin du Centre Généalogique des Landes n° 127

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The many faces of Toussaint Louverture : old mysteries, new discoveries

12 Février 2019, 18:02pm

Publié par jdecauna

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https://www.fichier-pdf.fr/2019/02/12/tl-many-faces-def-pdf/

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Lumières sur Cienfuegos - part. 3 (suite et fin)

7 Février 2019, 09:32am

Publié par jdecauna

Lumières sur Cienfuegos - part. 3 (suite et fin)Lumières sur Cienfuegos - part. 3 (suite et fin)
Lumières sur Cienfuegos - part. 3 (suite et fin)

Le nom maçonnique d'Obernay

Le nom maçonnique de Louis de Clouet, « d'Obernay », nous interpelle enfin. Il n'est pas fortuit et renvoie à un personnage que Louis de Clouet a de toute évidence connu. On voit en effet ce nom apparaître après l'indépendance haïtienne dans le Royaume du Nord du roi noir Henry Christophe Ier où il est dit que « fut implantée par Obernay une maçonnerie fantaisiste de hauts Grades » pendant que dans la République du Sud, le président Pétion, quarteron de père bordelais « autorisait quatre loges d'obédience française à Port-au-Prince, aux Cayes, Jérémie et Jacmel »1. Un ouvrage paru en 1843 précise que « le Frère d'Obernay, qui prenait le titre de Grand-Maître ad vitam de toutes les loges du Mexique, avait été investi de pleins pouvoirs dès le mois de juillet 1819 par le Grand-Orient de France [et] érigea en 1820 plusieurs ateliers du Rite français à Jacmel, Port-au-Prince et ailleurs ». L'auteur se trompe pour ces deux dernières villes, comme on vient de le voir, mais ajoute à juste titre qu'« en 1822, une loge du Rite Ecossais Ancien et Accepté fut aussi établie aux Cayes par le Très Illustre Frère comte Roume de Saint-Laurent. Elle avait pour titre Les Elèves de la Nature et reconnaissait l'autorité du Suprême Conseil de France »2. Il s'agit en réalité du fils mulâtre du Commissaire de la République, Marissé, dit Jacquin (prénom symbolique), Roume de Saint-Laurent, 33e, (Souverain Grand Inspecteur Général)3, qui se rendit ensuite à New York où il se proclama Souverain Grand Commandeur et créa, avec d'anciens membres du Suprême Conseil établi par Joseph Cerneau, un Suprême Conseil Uni pour l'Hémisphère Occidental avant de revenir en France en 1832 pour devenir en 1835 membre actif du Suprême Conseil de France4, pendant que le G.O.D.F. délivrait des patentes au REAA à des loges haïtiennes, La Vraie Gloire à Saint-Marc et Les Philadelphes à Jacmel, ainsi qu'à divers Ateliers Supérieurs.

Malgré quelques approximations donc, ce que met bien en valeur l'auteur de l'Histoire Pittoresque de la Franc-Maçonnerie c'est « l'état d'anarchie de la société » engendré par cette lutte sourde entre le G.O.D.F. et le Suprême Conseil écossais pour le contrôle des hauts grades à laquelle les Frères haïtiens mirent un terme dès la fin de la scission Nord-Sud en se détachant à la fois de la Grande Loge anglaise et du G.O. français pour créer un Grand-Orient national, dit de 1824, sous la protection du Président de la République, le Frère Jean-Pierre Boyer.

On retrouve le Frère Glock, chevalier d'Obernay, le 22 janvier 1820 en Jamaïque, où la loge La Benignité de Kingston reçoit sa visite. Devant les 38 membres, dont 24 portent des noms français, il se dit « Grand-Inspecteur du G.O.D.F. », ayant implanté des ateliers de haut grades à Saint-Domingue, « venu via Londres pour inspecter la loge et savoir si tout était régulier », en offrant d'accorder des constitutions provisoire pour travailler au rite français. Le Vénérable refuse au motif qu'il attend une réponse du G.O. auquel il l'a déjà demandé5. Le nom d'Obernay apparaît enfin dans les annales de la maçonnerie états-unienne où on le trouve sous la forme de « Joseph de Glock D'Obernay » (ailleurs « L.G. d'Obernay », sans doute originaire de la petite ville alsacienne d'Obernai, bien qu'il paraisse né en 1728 en Allemagne, en Bade-Wurtemberg) pour un Frère qui se présente ainsi lui-même en frappant à la porte de la Grande Loge de New York en 1820, diplôme à l'appui, sous la qualité de « Representative of the M. W. [Most Worshipful] the Grand Master of the United Grand Lodge of England to the Grand Lodge of New Spain [Représentant du Très Respectable Grand Maître de la Grande Loge Unie d'Angleterre auprès de la Grande Loge de Nouvelle-Espagne]. Mais reconnu comme « une personne ayant déjà suscité depuis de nombreuses années la défiance des autorités dans sa pratique du Travail » et son diplôme étant soupçonné d'être une forgerie, l'entrée lui fut refusée et le Grand Consistoire américain, établi à New York par Cerneau après son expulsion de Cuba en 1807, finit par le décréter « maçon clandestin » en prévenant la Fraternité contre ses impositions6.

Les chemins de l'indépendance

Un premier élément majeur paraît donc avoir gouverné les fondations maçonnique et civile entreprises par Louis de Clouet en 1818 et 1819. Les rapports en France, et surtout aux Amériques, entre l'Ecossisme et le G.O.D.F. qui gère à partir de 1805 les quatre ordres du Rite français et les dix-huit premiers grades du Rite écossais, avec un grade de Rose-Croix identiques dans les deux rite, avec en contrepartie jusqu'en 1814 un Concordat qui assure au Suprême Conseil du 33e degré en France la souveraineté sur les rites du 19e au 33e degré. Jusqu'à ce que la défection de certains pour créer un Suprême Conseil des Rites (le Grand Directoire du G.O.D.F.) bouleverse cet équilibre et finisse par créer deux puissances maçonniques rivales en France en accordant au G.O. en violation du concordat des passages au 33e degré. Les Chevaliers Princes Rose-Croix ne peuvent alors que se réfugier dans un Conseil de Chevaliers Kadosh, ou un Consistoire du 32e du Rite écossais. Sous Napoléon, avec Cambacérès – à qui le Souverain Grand Commandeur Auguste de Grasse-Tilly a dû bon gré mal gré céder la place – les dignitaires d'Empire prennent les derniers hauts grades écossais (32e, 33e). De même, en Espagne, le roi Joseph-Napoléon premier (le Pepe Botella des Espagnols), comme son frère cadet l'empereur des Français, est favorable à la maçonnerie pendant son court règne (1808-1814) de « roi d'Espagne et de toutes les Amériques », ayant, qui plus est, dès son arrivée au pouvoir, supprimé la redoutable Inquisition.

Mais ces deux puissances métropolitaines lointaines, la française (devenue pour résumer républicaine avec le G.O.) et l'espagnole (bridée par la religion) ont perdu aux Antilles leur prééminence au profit des solutions locales américaines dont le REAA paraît l'expression la plus achevée, en tout cas la plus prisée, dans l'espace caraïbe élargi aux côtes sud et est américaines sus l'influence intellectuelle des très actifs hauts dignitaires dominguois. Ce deuxième élément, plus local, est proprement « américain ».

Comme dans l'île voisine d'Haïti où, à peu près à la même époque, le Basque Jean-Baptiste Charlestéguy, ancien Gardien du temple de La Réunion Désirée, relève en 1823 les loges locales sous un Rite Haïtien indépendant mêlant Rite d'York et REAA, c'est bien un Grand Consistoire de 32e du REAA (ou Suprême Conseil des Souverains Princes du Royal Secret) inspiré en dernier ressort par Cerneau que met en place Louis de Clouet à La Havane en 1818. Instance que le G.O. de France – très affaibli après la chute de Bonaparte et malgré l'efficace protection du comte Elie Decazes – ne pouvait, s'il l'a fait, que ratifier. Et dont émerge par d'Obernay un G.O. territorial hispano-américain qui revendique juridiction sur toute la Nouvelle-Espagne, le Mexique, les Florides et autres provinces du Nord, l'Amérique Centrale et les Îles, Porto-Rico, Santo-Domingo, Cuba... Peu après l'île comptera une soixantaine de loges, dont six à Cienfuegos.

C'est par l'étude approfondie de leurs archives que l'on pourra peut-être mieux éclaircir l'importance de l'action de Louis de Clouet dans ce domaine et ses intentions. Les historiens cubains de Cienfuegos ont commencé à s'y attacher depuis quelques années7. Un dernier point resterait à éclaircir pour ce qui est de la fondation civile de la ville, celui du rituel mis en place par Louis de Clouet dont on ne peut que remarquer que certains aspects rappellent étrangement les rites anciens que nous venons d'évoquer.

 

1 Jacques de Cauna, Quelques aperçus sur l'histoire de la Franc-Maçonnerie en Haïti, communication présentée au G.O.D.F., Revue de la Société Haïtienne d'Histoire et de Géographie, Port-au-Prince, n° 189-190, sept. 1996, p. 20-34, p. 30, et Autour de la thèse du complot. Franc-maçonnerie, révolution et contre-révolution à Saint-Domingue (1789-1791), dans Cécile Révauger (dir.), Franc-maçonnerie et politique au siècle des Lumières : Europe-Amériques, Université Bordeaux 3, Lumières n° 7, 2006, p. 293-314.

2 François-Timoléon-Bègue Clavel, Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des sociétés secrètes anciennes et modernes, Paris, Pagnerre, 1844 (3e édition), p. 18.

3 J. de Cauna, op.cit., p. 28.

4 Gaétan Mentor, Les Fils Noirs de la Veuve, Histoire de la Franc-Maçonnerie en Haïti, Port-au-Prince, Fokal, 2003, p. 22.

5 Elisabeth Escalle, Mariel Gouyon-Guillaume, Francs-Maçons des Loges françaises « aux Amériques », 1770-1850, contribution à l'étude la société créole, préface Emmanuel Leroy Ladurie et Florence de Lussy, chez les auteurs, Paris, 1993.

6 Early history and transactions of the Grand Lodge of free and accepted Masons of the State of New York, 1781-1815, New York, Masonic and Miscellaneous Publishers, p. 201-202, 208.

7 Edouardo Torres Cuevas, Historia de la masoneria cubana, La Habana, Imagen Contemporanea, 1990, réédit. 2005 ; Samuel Sanchez Galves, Héritages perpétuels de la maçonnerie à Cienfuegos 1878-1902 et La Logia masonica cienfueguerra Fernandina de Jagua (1878-1902). Un estudio de caso, REHMLAC, vol. 2, n° &, Mayo-Noviembre 2010, p. 85-92.

 

 

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Lumières sur Cienfuegos - part. 2 Cerneau et Les Vertus Théologales

6 Février 2019, 15:56pm

Publié par jdecauna

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Lumières sur Cienfuegos - part. 2 Cerneau et Les Vertus Théologales

Cerneau et les Vertus Théologales

La première loge importante de La Havane – que Clouet n'a pu ignorer – a été la loge de l'Ancienne Constitution d'York n° 103, Le Temple des Vertus Théologales, fondée le 17 décembre 1804, avec son chapitre de La Triple Unité reconstitué de Kingston par des Dominguois réfugiés, par un personnage aussi important qu'énigmatique et mal connu (et surtout mal apprécié, pour ne pas dire déprécié) de la Franc-Maçonnerie française d'origine dominguoise : le joaillier Joseph Cerneau, réfugié qui avait tout perdu à la révolution de Saint-Domingue et dont le nom aujourd'hui s'applique encore à un Rite particulier quelque peu marginalisé, le Rite Cerneau1. Il appartint également à un atelier de La Havane appelé Le Temple de la Bienfaisance2. Grand Maître du 25e RE (degré final du Rite Ecossais dit de Perfection d'Etienne Morin, Sublime Prince du Royal Secret) avec Pierre Courroy et Pierre Bauschey selon les registres de la Grande Loge du Missouri, il est le 15 Juillet 1806 à Baracoa où Antoine-Mathieu Dupotet, autre réfugié dominguois devenu Grand-Maître de la Grande Loge de Pennsylvannie, loge-mère de la Grande Loge Provinciale de Saint-Domingue dont Cerneau était Second Surveillant en 1802, le nomme Député Grand Inspecteur du Rite de Perfection pour la partie nord de Cuba. Ces promotions rapides nous étonnent dans la mesure où il n'était encore apparemment que simple membre en 1801 à Port-au-Prince de La Réunion des Cœurs Américains n° 47 de la G.L. de Pennsylvanie, sous la houlette de Germain Hacquet auquel Dupotet succéda. Et plus encore un an plus tôt, en 1800, à Port-au-Prince où il ne figure sur le tableau de La Révérende Loge la Réunion Désirée, loge de hauts grades manifestement écossaise suscitée par la Grande Loge Provinciale, qu'en dernière place sous la mention « apprenti » (mais on sait que plusieurs transfuges durent d'un rite à l'autre accepter de repartir au plus bas pour être régularisés). Alors qu'on le disait déjà en 1789 paraît-il – mais sans référence – « Chevalier de la Sainte Arche Royale » et « Chevalier de la Rose-Croix », titres qui ne correspondent qu'approximativement aux grades de ce qui deviendra plus tard le Rite Ecossais Ancien et Accepté mais ne sont pas toutefois de pure fantaisie puisqu'ils renvoient plus précisément à l'époque, le premier, au 33e degré de l'Ordre des Chevaliers du Temple, Prêtres de la Sainte-Arche Royale, système d'origine irlandaise plutôt qu'écossaise, et le second, au 19e degré du même ordre, Knight Rosae Crucis, qui rappelle aussi ce que sera le Souverain Prince Rose-Croix du REAA au 18e degré. L'un et l'autre référant, de toute manière, à des Maîtres avancés en connaissance et sagesse considérés parfois comme constituant un 4e degré de « Grands Maîtres Ecossais » associés aux systèmes symboliques.

En investissant Cerneau, Dupotet se présente comme :

« Grand Provincial de Saint-Domingue dans le Rit Ancien (depuis 1802)3, Grand Commandeur ou Souverain Président du Très Puissant Grand Conseil des Sublimes Princes du Royal Secret, établi à Port-au-Prince, Île de Saint-Domingue, par patente du 16 Janvier et du 19 Avril, sous le titre distinctif de La Triple Unité ; transférée à Baracoa, Île de Cuba, suite aux événements de la guerre... ».

Dupotet, Vénérable de La Réunion des Cœurs Franco-Américains, forte de 38 membres en 1791, avait reçu sa patente le 15 août 1799 de son prédécesseur, le notaire Germain Hacquet, Député Inspecteur, par lequel on peut remonter la chaîne jusqu'à Henry Andrew Francken, investi par Etienne Morin en 1762 à la Jamaïque, en passant par Saint-Paul, Menessier de Boissy, Lebarbier-Duplessis, Auguste Prévôt et Moses Michaël Hays comme le montre bien le Livre d'Or de Grasse-Tilly qui jette une lumière nouvelle sur ces personnages. La filiation écossaise est très claire.

Il en va de même donc pour le troisième homme, Cerneau, qui figure sur le tableau de la même loge en 1791 et qu'il présente ainsi dans sa patente signée « A Baracoa, Île de Cuba anno 5806, sous le signe du Lion, le 15ème jour du 5ème mois appelé Ab, 7806, de la création 5566, et selon le style vulgaire le 15 de Juillet 1806 » :

« le Très Respectable Grand Élu Chevalier de l’Aigle Noir et Blanc, Joseph Cerneau, Ancien Dignitaire de la Loge n° 47, à l’Orient de Port au Prince, Grand Surveillant de la Loge Provinciale, au même Orient, Vénérable fondateur de la Loge n° 103, selon les Anciennes Constitutions d’York, sous le titre distinctif des Vertus Théologales, à l’Orient de La Havane, Île de Cuba ».

Peu de temps après, en 1807, Cerneau sera expulsé de Cuba sous la qualification de « français et révolutionnaire », précédant de peu les expulsions massives de Français de 1808-1809 et la dispersion de leurs loges. Celles de Santiago, la Réunion et la Concorde, se reconstitueront le 7 octobre 1810 à la Nouvelle-Orléans sous les titres de la Concorde n° 117 et la Persévérance n° 118. La Réunion Désirée, dont Cerneau avait été membre, transportée directement de Port-au-Prince, s'était elle aussi déjà reconstituée à la Nouvelle-Orléans en 1806 avec seulement quinze membres autour de l'avocat Moreau Lislet (elle reviendra bien plus tard en Haïti où on la trouve en 1891 comme Campement de Templiers Kadosh. A la Nouvelle-Orléans, Joseph Cerneau crée en octobre 1807, avec d'autres réfugiés de Cuba, fondateurs du Chapitre Rose-Croix La Triple Bienfaisance, un Grand Conseil de Chefs Suprêmes de la Haute Maçonnerie selon le Rite Ecossais Ancien sous le vocable de Très Puissant Consistoire des Sublimes Princes du Royal Secret. Puis, à New York, le 28 octobre 1808 un Grand Conseil de la Très Sainte Trinité dont Louis Jean Lusson prend la direction le 28 mars 1811 et qui passera en 1812 sous l'autorité du Suprême Conseil de Charleston, ancien Conseil de la Juridiction Sud, nouvellement créé et qui s'intitula ensuite Conseil des Sublimes princes du Royal Secret. Ce Conseil se heurta alors à Cerneau qui avait entre-temps organisé à New York le 27 octobre 1807, avec l'accord du G.O.D.F., le Souverain Grand Consistoire pour les Etats-Unis d'Amérique, ses territoires et Dépendances qui éleva en 1824 le Marquis de La Fayette au 33e et dernier degré, lequel devint ensuite son Grand Représentant auprès du G.O. de France jusqu'à sa mort en 1834, annoncée par le comte de Saint-Laurent (Roume fils, marquis de Santa-Rosa) qui prit sa succession. Ce Suprême Conseil de Cerneau pour les Etats-Unis avait alors des corps subordonnés en Amérique du Sud, au Brésil, au Mexique, en New Jersey, Pensylvannie, Caroline du Sud, Massachussetts, Rhodes Island, Maryland, Cuba, Porto-Rico, etc. Victime de violentes attaques de rivaux, Joseph Cerneau rentra en France en 1827 dans un certain dénuement, porteur d'un certificat de membre d'honneur de la Grande Loge de Cuba qu'il présenta dans trois loges qu'il visita, la dernière en 1846. Son rite, équivalant au REAA, est toujours présent en France et pratiqué par des loges au rite de Memphis-Misraïm, en Haïti et aux Etats-Unis.

Compte tenu de la chronologie de l'arrivée de Laurent de Clouet à La Havane (il aurait quitté la Louisiane lors de sa revente aux Etats-Unis par Bonaparte en 1803) et de sa position maçonnique de 33e reconnue, il est quasiment certain qu'il y a rencontré les Frères de hauts grades de la loge fondée par Cerneau, sinon Cerneau lui-même, et que son action s'inscrit donc bien dans la lignée de l'Ecossisme d'Etienne Morin que le Souverain Grand Commandeur Auguste de Grasse-Tilly, peu après le Dominguois Germain Hacquet, amena de Charleston en France en 1804 sous la forme du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Qui étaient ces Frères de La Havane, sans doute Dominguois pour beaucoup à l'image de Mathieu Dupotet ? Clouet a t-il rencontré, ou retrouvé, aux Etats-Unis Cerneau, membre de la RL L'Etoile Polaire n° 5 de Port-au-Prince reconstituée à la Nouvelle-Orléans, ou Grasse-Tilly, fondateur de La Candeur à Charleston, ou son beau-père Jean-Baptiste Delahogue, Vénérable de la Loge La Charité à la Nouvelle-Orléans dès décembre 1802, ou d'autres Frères écossais de L'Etoile Polaire louisianaise constituée d'anciens membres de la Triple Unité ou de La Réunion Désirée dominguoises ? Seuls les tableaux – que nous ne connaissons pas – de cette première loge écossaise de La Havane et de celles de La Nouvelle-Orléans, Charleston et New York où Cerneau réside après 1807, pourraient nous le dire assurément en nous apportant le document probant, même si l'on peut estimer cette filiation fort probable.

1 Voir notre article à son sujet dans Le Monde maçonnique des Lumières (Europe-Amériques & Colonies). Dictionnaire prosopographique, dir. Charles Porset et Cécile Révauger, Paris, Honoré Champion, 2013, 3 vol., tome I, p. 711-712.

2 André Combes, La Franc-Maçonnerie aux Antilles et en Guyane Française de 1789 à 1848, actes du colloque du Bicentenaire de la Révolution aux Antilles-Guyane, Fort-de-France, UAG, 1986, p.

3 Il s'agit ici de la Grande Loge Provinciale de Saint-Domingue, fondée au Fond-des-Nègres en 1776, transportée au Petit-Goâve en 1789, puis réfugiée à New York en 1797 « en attendant des jours meilleurs », avec demande de reconstitution à l'Orient du Port-Républicain (Port-au-Prince) par Dupotet, Député Grand-Maître de la Loge de Pennsylvannie, au moment de l'expédition Leclerc en 1802, restée sans réponse du G.O. de France.

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