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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

Quelques Lumières sur Cienfuegos

31 Janvier 2019, 18:29pm

Publié par jdecauna

Quelques Lumières sur Cienfuegos Quelques Lumières sur Cienfuegos

Quelques lumières sur le contexte maçonnique de la fondation de Cienfuegos en 1819 ((Première partie. A suivre sur ce blog)

Hommage au T.I.F. Michel Piquet, 33e

La plupart des auteurs évoquent une fondation maçonnique s'inscrivant dans le cadre de l'appartenance reconnue de Louis de Clouet à la Franc-Maçonnerie. On lui attribue toujours en effet dans ce domaine à Cuba, d'après les documents connus des spécialistes locaux, un rôle de premier plan. Non seulement en raison de la création de la Loge San Fernandina de Jagua à Cienfuegos dont il est fait la première mention en 1824, mais aussi, un an avant la fondation, par la création à La Havane, le 2 avril 1818, de la première « Chambre de hauts grades » maçonniques de l'île1. Jean Querbes indique rapidement que « cette fondation, avalisée par le Grand-Orient de France, contribua au tissu de relations humaines entre La Nouvelle-Orléans, Philadelphie, Bordeaux et Cuba, lieux d'une importante activité maçonnique »2. C'est bien vers ces quatre Orients qu'il faut se tourner pour tenter de préciser, voire clarifier, l'état des lieux maçonniques qui préside à la fondation de Cienfuegos.

Morin, l'Ordre du Royal Secret et les Hauts Grades écossais

 Mais il faut absolument y ajouter, pour bien saisir le contexte maçonnique spatio-temporel de ces liens, la plaque tournante « américaine » que fut l'ancienne colonie française de Saint-Domingue, « berceau de l'Ecossisme » comme le soulignait encore il y a peu le regretté Grand Secrétaire Général du Suprême Conseil de France3. Car il y eut effectivement à cette époque, parallèlement à l'emprise américaine de la Grande Loge de Pennsylvanie à Philadelphie, héritière des Ancients anglais du Rite d'York, un mouvement plus récent et important de transport des loges françaises de Saint-Domingue, dont plus de la moitié avaient une loge-mère à Bordeaux (d'où la fameuse « légende bordelaise » aux Isles), vers Cuba puis la Louisiane à la suite des colons réfugiés des troubles révolutionnaires4. Avec donc un inaltérable point de départ à Bordeaux qui reste à préciser dans les détails mais s'inscrit toujours dans la logique dominguoise à partir d'Etienne Morin, fondateur de l'Ordre du Royal Secret en 25 grades (généralement appelé Rite de Perfection) et porteur de sa fameuse Patente fondatrice de l'Ecossisme aux Amériques, en passant par la constitution à Bordeaux en 1745 de la Parfaite Loge d'Ecosse de Saint-Jean de Jérusalem ou Loge des Elus Parfaits ou Anciens Maîtres – loge-mère de Saint-Jean de Jérusalem Ecossaise au Cap-Français, dont il signa les constitutions en 1749 confirmées en 1760, par le premier Grand-Maître bordelais Lamolère de Feuillas – et par celle à la Nouvelle-Orléans de la Parfaite Loge Ecossaise en 1756, sous le même vocable que celle de Saint-Marc en 1750. Sans oublier la forte influence théosophique de La Perfection Elue Ecossaise, constituée en 1762 à Bordeaux par Martinès de Pasqually et réunie en 1774 à La Française après le départ de son fondateur pour Saint-Domingue en 1772. 

Avant toutes choses, comment faut-il comprendre l'expression « Chambre de hauts grades », employée pour désigner l'instance créée à La Havane par Louis de Clouet en 1818, par rapport aux habituels « Loge », « Chapitre », « Conseil », « Consistoire », « Grand Orient » ? Lorsque le Grand-Orient de France, émanation de la première Grande Loge de France en 1773, après avoir organisé et centralisé les loges symboliques des trois premiers degrés, constitue en 1780 une « Chambre des grades » chargée de codifier les hauts grades propres aux rites français moderne (ordres de Sagesse) et écossais, il entendra par là que les maçons confirmés membres de cette Chambre se fixent pour objectif après examen des pratiques, d'établir un rituel des Hauts grades qui fasse office de référent commun. Bacon de la Chevalerie, ancien disciple Elu Coën et substitut universel désigné de Martinès de Pasqually mort à Saint-Domingue, en est élu président en février 1782. En décembre1804 un traité d'union est signé entre le Grand Orient de France et le Suprême Conseil du 33e degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté qu'Auguste de Grasse-Tilly vient de ramener de Charleston, où il s'était réfugié durant les troubles de Saint-Domingue, en débarquant à Bordeaux le 4 juillet 18045. Mais pour être plus précis et résumer rapidement, il faut bien prendre conscience que cette louable intention de régularisation face à la chaotique complexité des multiples obédiences, évoluera, surtout après la Révolution, vers une volonté de normalisation qui sera vite ressentie par certains comme une récupération, marquée notamment par la sécularisation face aux connotations jugées trop religieuses d'Ancien Régime (en particulier pour le grade de Chevalier de l'Aigle-Rose-Croix, 7e et ultime grade du Rite Français de 1786). Il s'agissait bien au départ de mettre fin au chaos qui régnait en laissant au G.O.D.F. la gestion des loges bleues (les trois premiers degrés) et au Suprême Conseil la juridiction sur les hauts grades, du 4e au 33e, accord qui fut globalement appliqué dans les faits jusqu'en 1814, avec toutefois, dès 1805 une extension de l'administration du G.O. jusqu'aux grades des chapitres culminant au 18e degré (Souverain Prince Rose-Croix du REAA), et le 21 juillet, la création d'un Grand Directoire des Rites. Et surtout, très vite, en août 1806, à une époque où rien ne pouvait être refusé au grand protecteur mais aussi despote centralisateur qu'est l'Empereur nouvellement couronné, un remplacement plus ou moins forcé de Grasse-Tilly par Cambacérès pendant que Joseph Bonaparte prenait en mains le G.O. avec ce dernier et Murat pour adjoints. Finalement, en août 1815, six des dirigeants du Suprême Conseil, dont Hacquet et de Joly, fondèrent au sein du G.O. un Suprême Conseil des Rites et un Grand Consistoire des Rites, qui devint Grand Collège des Rites, Suprême Conseil pour la France et les possessions françaises, aux intentions de régularisation clairement affirmées. Et le premier Suprême Conseil, déclaré irrégulier, tomba en sommeil jusqu'en 1821 où Decazes, légitime successeur de Grasse Tilly le réveilla, comme d'ailleurs la plupart des loges dont le nombre avait quadruplé sous l'Empire pour atteindre plus de 1200.

En 1818, c'est à cette situation et à ces nouvelles règles qu'il faudrait alors absolument que Louis de Clouet, qui ne l'oublions pas avait émigré pendant les Cent-Jours, ait adhéré – ou se soit soumis – pour recevoir l'agrément du G.O.D.F., si tant est qu'il l'ait reçu. Faute de document probant à notre connaissance, il est difficile de savoir s'il a bien fait ce choix, et si oui, pourquoi et comment, dans un contexte encore aussi incertain à l'époque à l'issue de l'ère napoléonienne. D'autant que le Suprême Conseil des Isles d'Amérique, fondé outre-atlantique par Auguste de Grasse-Tilly en 1802 avec son beau-père dominguois Jean-Baptiste Delahogue à Charleston, entreprit peu après avec succès de réveiller en 1821 le Suprême Conseil pour le 33e degré en France en fondant avec lui une nouvelle juridiction : le Suprême Conseil de France, toujours existant, qui s'érigea en puissance maçonnique indépendante et souveraine, allant jusqu'à créer des loges symboliques qui, normalement, auraient dû être régies par le G.O., dans les territoires de sa compétence. Notons simplement pour l'instant qu'il existait aussi à Cuba à cette époque une volonté similaire à celle à laquelle Louis de Clouet se serait soumis, s'il y a eu lieu, une volonté de clarification, d'unification, de prise en main, nationale, de création d'un organe central proprement cubain.

Au plan purement cubain, on sait, comme il sait lui-même, qu'il y a eu auparavant des antécédents maçonniques, malgré la pression religieuse inquisitoriale caractéristique de l'empire espagnol, et des créations de loges. Sans entrer dans de trop longs détails, les premières ont été militaires et sont apparues avec l'occupation anglaise, et donc de rite d'York, à La Havane, Santiago, Baracoa. Puis, dans les mêmes lieux, elles évolueront, fortement avivées, voire directement renforcées ou remplacées par les loges transportées de Saint-Domingue avec l'afflux de colons français réfugiés des troubles de la colonie en lutte révolutionnaire vers l'indépendance de la première république noire, Haïti, en avance d'un bon quart de siècle sur les mouvements hispano-américains de l'Amérique du Sud qu'elle soutiendra activement d'ailleurs. Ces réfugiés, parmi lesquels de nombreux Frères que Louis de Clouet a dû connaître et fréquenter, sont pour bon nombre d'entre eux passés d'abord, outre Cuba, par Kingston ou les côtes sud et orientale des Etats-Unis, avant de se retrouver plus tard en masse à la Nouvelle-Orléans (plus de 10 000 en 1809 avec les expulsions dues à la reprise de la guerre en Espagne par Bonaparte).

C'est sur eux que s'appuiera Louis de Clouet, et avec eux qu'il créera la première institution de hauts grades de Cuba, en fait, sans grand doute, un Grand Consistoire du REAA, culminant au grade écossais de Souverain Prince du Royal Secret (32e). Aujourd'hui encore la plus importante obédience de la maçonnerie cubaine indépendante, qui regroupe en 318 loges environ 30 000 membres et dont la figure majeure est José Marti, s'en réclame en se rangeant sous le vocable historique de la Gran Logia de Cuba de AL y AM (Antiguos Libres y Aceptados Masones), « Grande Loge de Cuba des Anciens, Libres et Acceptés Maçons », inscription gravée dans la pierre au fronton du monumental Temple National de La Havane.

 

 

1 Samuel Sanchez Galves, Héritages perpétuels de la maçonnerie à Cienfuegos,1878-1902.

2 Jean Querbes, Bordeaux-Cienfuegos. Une histoire méconnue, Bordeaux, Les Dossiers d'Aquitaine, p. 26, d'après l'histoire cubain de la maçonnerie Torres Cuevas.

3 T.I.F. Michel Piquet, 33e, Livre d'or du Comte de Grasse-Tilly, Premier Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France 1804, communication particulière (« Avant-Propos »), p. 49.

4 Sur tous ces points, voir les chapitres « Les voies aquitaines de la Franc-Maçonnerie haïtienne » et « Elites, notables et anonymes » dans Jacques de Cauna, L'Eldorado des Aquitains. Gascons, Basques et Béarnais aux îles d'Amérique, 17e-18e siècles, Biarritz, Atlantica, 1998, P. 328-337.

5 Pierre Mollier, Naissance et Essor du Rite Ecossais Ancien et Accepté en France, 1804-1826.

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A propos des cloîtres gascons. Paradise Island (Bahamas)

26 Janvier 2019, 17:58pm

Publié par jdecauna

La petite chapelle commingeoise de Paradise Island

La petite chapelle commingeoise de Paradise Island

   Un récent article du blog Esprit Gascon traitant des cloîtres gascons exportés aux Etats-Unis a ravivé en moi quelques souvenirs d'une vie antérieure...

  Lorsque j'étais en poste diplomatique de conseiller culturel auprès de notre ambassade en Jamaïque et aux Bahamas, en résidence à Kingston, il m'est arrivé à quelques reprises de séjourner, lors de mes missions, sur la petite île de Paradise Island, juste en face de Nassau, où je descendais le plus souvent au British Colonial. J'ai découvert là à ma grande surprise, sur une ancienne propriété coloniale, quasiment sur la plage, sous les cocotiers, une ancienne chapelle gasconne (12e-13e s.) qui, m'avait-on dit, venait de Comminges et avait été démontée puis remontée pierre par pierre par l'ancien propriétaire.

  Vérification faite, il s'agissait sans doute de la dernière trace sur place du couvent dit de Montréjeau, évoqué par Guilhem Pépin dans la collection de cloîtres gascons du célèbre musée des Cloisters de New York. Le cloître avait été acheté en 1924 par le fameux et richissime magnat de la presse américaine William Randolph Hearst (le Citizen Kane du film). Il s'agissait en fait d'un ensemble disparate d'éléments d'une demi-douzaine de couvents gascons qui fut acquis plus tard, dans les années soixante, après de nombreuses péripéties, par le nouveau propriétaire de l'île, George Huntington Hartford II (nom qui rappelle celui de ce Lord Huntingdon qui avait pris Tartas en 1441 et en avait confié la garde pour le roi d'Angleterre au sire de Cauna, mon aïeul Louis). Il y avait juste à côté, en guise de piscine, un grand bassin d'eau de mer à l'ancienne entouré de statues à l'antique, une allée reposoir où écouter de la musique classique sous les arbres, et même, disait-on (le personnel local), des fantômes dans les vieilles pierres…

    J'ai su par la suite que cette chapelle existait encore, mais en ruines, comme le reste de la propriété (qui était devenue entre-temps un site du Club Med) en raison de l'installation voisine très peu de temps après mon dernier passage, juste derrière la petite pointe rocheuse où j'allais faire mon footing le matin, d'un immense complexe touristique hollywoodien à grand spectacle (50 000 employés, énormes buildings avec arches, fausse pyramide aztèque… etc., etc.). Tristesse...

   Mais de récentes nouvelles m'apprennent fort heureusement que tout n'aurait pas disparu et même qu'une nouvelle résidence de luxe, sous le nom d'Ocean Club, aurait été aménagée sur le site autour du cloître, dit de Monréjeau (composite en fait), appartenant au même ensemble aménagé sur l'île en 1962.

   Une vérification sur place s'impose !

cloître et chapelle gascons à Paradise Islandcloître et chapelle gascons à Paradise Island

cloître et chapelle gascons à Paradise Island

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La citadelle du roi Christophe. A suivre le Dimanche 13 janvier 2019 à 14h sur RTS1

12 Janvier 2019, 14:29pm

Publié par jdecauna

La citadelle La Ferrière au sommet du Bonnet-à-l'Evêque (979 m.). Bâtie pour prévenir un retour offensif des Français, elle n'a jamais servi !

La citadelle La Ferrière au sommet du Bonnet-à-l'Evêque (979 m.). Bâtie pour prévenir un retour offensif des Français, elle n'a jamais servi !

Pour écouter l'interview dans l'émission Monumental, cliquer sur le lien :

https://www.rts.ch/play/radio/emission/monumental?id=3195350&station=a9e7621504c6959e35c3ecbe7f6bed0446cdf8da

 

Le roi Henry Ier Christophe par Evans (1816) et ses armories : Sur un écu sommé de la couronne royale et entouré du collier de l'ordre royal et militaire de St-Henri : d'azur semé d'étoiles d'or au phénix du même sommé d'une couronne royale, entouré d'un listel d'argent avec la devise «Je renais de mes cendres». Supports : deux lions d'hermine armés, lampassés et couronnés d'or. Devise sur un listel d'or sous l'écu «Dieu, ma Cause et mon Épée».
Le roi Henry Ier Christophe par Evans (1816) et ses armories : Sur un écu sommé de la couronne royale et entouré du collier de l'ordre royal et militaire de St-Henri : d'azur semé d'étoiles d'or au phénix du même sommé d'une couronne royale, entouré d'un listel d'argent avec la devise «Je renais de mes cendres». Supports : deux lions d'hermine armés, lampassés et couronnés d'or. Devise sur un listel d'or sous l'écu «Dieu, ma Cause et mon Épée».

Le roi Henry Ier Christophe par Evans (1816) et ses armories : Sur un écu sommé de la couronne royale et entouré du collier de l'ordre royal et militaire de St-Henri : d'azur semé d'étoiles d'or au phénix du même sommé d'une couronne royale, entouré d'un listel d'argent avec la devise «Je renais de mes cendres». Supports : deux lions d'hermine armés, lampassés et couronnés d'or. Devise sur un listel d'or sous l'écu «Dieu, ma Cause et mon Épée».

Préserver pour transmettre et faire vivre : la Citadelle Laferrière, patrimoine de l'humanité, du roi Christophe aux Nations-Unies.

La citadelle Laferrière, érigée après l'indépendance dans les premières années du XIXe siècle par le roi noir Henry Ier Christophe dans le nord d'Haïti, à une quarantaine de kilomètres de Cap-Haïtien, l'ancien Cap-Français, est non seulement l'incontestable sémiophore identitaire majeur d'Haïti – à la fois site naturel, monument historique national et collection d'objets exceptionnels chargés d'histoire – à préserver et transmettre pour les habitants actuels de la première république noire du monde, mais également un lieu de mémoire unique en son genre et probablement aujourd'hui le monument militaire le plus important par ses dimensions et le plus connu par son histoire, de la Caraïbe. Il n'en a pas toujours été ainsi et si elle bénéficie depuis 1982 de l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco, sa transmission jusqu'à nos jours n'a pas toujours été aussi assurée qu'il pourrait y paraître.

C'est à partir de 1979 et jusqu'en 1990, que l'Institut de Sauvegarde du Patrimoine National d'Haïti (Ispan), tout récemment créé, a mis en place et exécuté un programme de préservation et restauration du monument, victime de multiples atteintes dues au temps, au climat et au contexte, tant naturel qu'humain. Il obtint au départ pour son exécution un modeste financement d'une centaine de milliers de dollars qui permit de lancer les opérations et, surtout, matérialisa l'approbation d'instances internationales reconnues : le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) et l'Unesco, ouvrant ainsi la voie à d'autres soutiens, notamment ceux de missions diplomatiques et de coopération bilatérale, française en particulier par l'intermédiaire du Centre de Recherche Historique de l'Institut Français d'Haïti et l'assistance d'experts consultants dûment missionnés.

Pensé, voulu, créé et suivi par des acteurs locaux, au premier rang desquels la Société haïtienne d'histoire et de géographie et la jeune équipe de l'Ispan, et malgré un environnement politique difficile, le programme, qui s'est rapidement avéré transdisciplinaire, est non seulement mené à bien en une douzaine d'années dans ses objectifs essentiels de préservation, mais apporte en outre, au fils des ans, des réflexions sous la contrainte et des expériences vécues, un important capital acquis de bonnes pratiques et des capacités de formations d'intervenants appropriés dans une large panoplie de secteurs. Il génère à son exemple d'autres projets du même ordre patrimonial et ouvre pour finir de nouveaux horizons dans de nombreux domaines de la recherche – historique, naturelle et humaine, agronomique, économique... – pour déboucher en fin de compte sur des actions de développement durable. La connaissance des conditions d'une bonne transmission patrimoniale rejoint ainsi une prospective progressiste.

 

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La citadelle du Roi Christophe. Une interview de la Radio Télévision Suisse.

23 Décembre 2018, 16:58pm

Publié par jdecauna

Une interview d'Anne-Laure Gannac pour RTS1 dans les locaux de France-Bleu Gironde quarante ans après ma première visite à la Citadelle.
Une interview d'Anne-Laure Gannac pour RTS1 dans les locaux de France-Bleu Gironde quarante ans après ma première visite à la Citadelle.

Une interview d'Anne-Laure Gannac pour RTS1 dans les locaux de France-Bleu Gironde quarante ans après ma première visite à la Citadelle.

L'émission a été réalisée dans le cadre du magazine "Monumental", également relayé par la Radio Télévision Belge, qui s'intéresse chaque semaine à un élément du Patrimoine mondial. Elle sera diffusée sur RTS1 le dimanche 13 janvier de 14h à 15h puis rediffusée le samedi 19 janvier de 15h à 16h sur La Première de la RTS. Vous pourrez l'écouter en direct ou l'écouter à partir de ces dates à cet endroit :https://www.rts.ch/play/radio/emission/monumental?id=3195350&station=a9e7621504c6959e35c3ecbe7f6bed0446cdf8da

 

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Mémoire de l'esclavage à Bordeaux. Buste imaginaire de Modeste Testas et noms de rues historiques. La Mairie est alertée.

14 Décembre 2018, 09:01am

Publié par jdecauna

Antoinette Lespérance, mère du président François-Denys Légitime, et le buste imaginaire déjà bien avancé de la présumée Modeste Testas, mère présumée d'Antoinette Lespérance.Antoinette Lespérance, mère du président François-Denys Légitime, et le buste imaginaire déjà bien avancé de la présumée Modeste Testas, mère présumée d'Antoinette Lespérance.

Antoinette Lespérance, mère du président François-Denys Légitime, et le buste imaginaire déjà bien avancé de la présumée Modeste Testas, mère présumée d'Antoinette Lespérance.

Pr. Jacques de Cauna                                                                               Bordeaux, le 26 novembre 2018
Docteur d’État (Sorbonne), Chaire d'Haïti à Bordeaux
Commandeur de l'Ordre national Honneur et Mérite de la République d'Haïti
 
Monsieur le Maire,
Il me paraît de mon devoir, de l'intérêt de ma ville natale et du vôtre, d'attirer votre attention sur l'évolution d'un point d'histoire ancien dont je viens de prendre à nouveau connaissance dans la presse quotidienne (Sud-Ouest du 19 novembre) après ma lettre d'il y a deux ans. Je précise qu'il s'agit d'un sujet que je connaissais depuis de longues années, en Haïti, et dont j'ai eu l'occasion de m'occuper ici même à Bordeaux en accueillant en direction de recherches en archives il y a dix ans la porteuse d'une recherche familiale haïtienne dont il s'inspire, Mme Lorraine Manuel-Steed.
Sous le titre « Et l'esclave Modeste Testas sortit de l'oubli », il est écrit que « sa statue représentera bientôt l'esclavage à Bordeaux. Alain Juppé l'a décidé en Mai dernier, d'après les propositions d'une commission chargée d'activer la mémoire de l'esclavage dans la ville ».
 
Il est bon que vous sachiez que le buste présenté en illustration ne représente aucunement Modeste Testas, « ménagère » affranchie du colon bordelais couchée sur son testament, mais sa fille, mère du président haïtien François-Denys Légitime, dont le tableau retrouvé à l'occasion du Bicentenaire de la Révolution avait été exposé avec d'autres en 1989 à l'Institut français d'Haïti à l'instigation du Comité Haïtien pour le Bicentenaire dont j'étais alors Secrétaire général fondateur, ayant accueilli à ce titre le délégué interministériel, le regretté Michel Baroin. Ceci est de notoriété publique en Haïti. On peut légitimement s'interroger sur la représentation évoquée de cette grande dame libre « les fers aux pieds », les connotations véhiculées, leur effet et retentissement éventuels.
 
La rigueur historique la plus élémentaire aurait consisté à ce que les promoteurs de cette initiative au sein de la commission municipale que vous avez initiée, avant de même s'interroger sur ces points délicats, aient mis en œuvre les nécessaires précautions scientifiques dont ils convient habituellement de s'entourer avant toutes choses en ce domaine sensible :
- quelles preuves tangibles peuvent-ils fournir de l'origine « éthiopienne » et du nom « africain » yéménite Al-Bouhessi de Modeste Testas ? De son parcours intra-africain jusqu'au port de traite ?
- et de son « passage » préalable à Bordeaux – sur quel navire – à la fin du XVIIIe siècle en provenance d'Afrique en dépit de toute évidence connue de la marche du commerce triangulaire ?
- quant à l'emplacement « tout trouvé » en face du buste de Toussaint Louverture, ce « clin d'œil de l'histoire », aura tout simplement pour résultat de réunir deux fausses représentations statuaires dont la portée symbolique heurte la nécessaire connaissance historique des choses.
 
L'encadré suivant l'article évoque en outre, entre autres, dans les « dix propositions toutes adoptées par Alain Juppé », nous dit-on, les « explications » qui seront apposées sur le buste et « sur les plaques de rues portant des noms de négriers ».
Sera-ce en l'espèce pour ce nouveau buste quelque chose comme « fille d'une esclave affranchie par un Bordelais et devenue mère d'un président », ou pour la plaque de la rue Saige « fils d'un négrier, mais maire de Bordeaux, Girondin philanthrope et défenseur des hommes de couleur, guillotiné par les Terroristes » ?
 
Vous connaissez l'intérêt que je porte à vos interventions dans notre ville sur ce sujet. Là, outre la désinformation historique, on peut craindre le pire en matière de réception par les Bordelais et par tous ceux qui chercheront à mieux connaître notre ville. Alors que d'authentiques personnages historiques témoins de nos liens privilégiés avec la première république noire du monde attendent toujours leur reconnaissance sur une plaque de rue bordelaise, tels Mallet, Ogé, Etienne de Polvérel, Julien Raimond, Laffon de Ladebat ou Alexandre Pétion. Mais peut-être la dernière page de mon rapport de 2009 contenant ces noms, que vous avez reçu il y a deux ans, vous aura-t-elle échappé…
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Maire, l'expression de mes meilleurs sentiments.

                                                                                            Cauna

                                                                                                                                        Jacques de Cauna

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Et revoilà la repentance ! Halte aux supercheries mémorielles

10 Décembre 2018, 17:43pm

Publié par jdecauna

Vite un monument avant que l'émotion ne retombe ! Pas de problèmes, la presse et les institutions couvrent...
Vite un monument avant que l'émotion ne retombe ! Pas de problèmes, la presse et les institutions couvrent...

Vite un monument avant que l'émotion ne retombe ! Pas de problèmes, la presse et les institutions couvrent...

C'est une bien belle histoire que l'on nous conte là... et qui a reçu l'aval d'une commission municipale "scientifique" ad hoc récemment créée pour animer la mémoire de l'esclavage à Bordeaux, avant d'être officiellement acceptée par Monsieur le Maire avec neuf autres propositions (dont la sempiternelle question des noms de rues sur laquelle nous reviendrons) !

Il s'agirait donc de statufier une esclave d'origine "éthiopienne" qui aurait été capturée en Afrique et déportée par on ne sait quel navire ni par qui ni comment, à travers le continent africain puis l'Atlantique jusqu'à Bordeaux avant de se retrouver à Saint-Domingue, colonie qui comprenait, d'après la fameuse commission, à la fois Haïti et la République dominicaine (cela est tout à fait nouveau et réjouira les géographes autant que les historiens !). Périple pour le moins inhabituel dans la traite transatlantique qui devient (grande première) à la fois occidentale, orientale arabo-musulmane et intra-africaine (ce qui a au moins le mérite de satisfaire sinon tout le monde, du moins les trois opérateurs de l'infâme commerce - une fois n'est pas coutume ! - Mais tous se repentiront-ils ?) 

Sauf que, pour commencer, le buste envisagé et qui "aura les fers aux pieds" (curieux !) n'est pas celui de l'esclave Modeste, couchée sur le testament de François Testas dont elle était la "ménagère" pour une somme importante (6 600 Livres correspondant à un statut qui n'est certainement pas celui d'une esclave commune !), mais bien la reproduction du portrait familial officiel de sa fille présumée, Tinette Lespérance, qui se trouve par ailleurs être une grande dame libre ayant vécu au 19e siècle et bien connue en Haïti comme mère de l'un des militaires qui se sont succédé au pouvoir dans le pays, le Président François-Denys Légitime.

Sauf également que l'on aimerait bien avoir la production d'un minimum de documents probants qui étayeraient ce beau récit... (noms de navires, registres d'embarquements, actes d'état-civil, correspondances, contextualisation historique précise...), tels ceux que la porteuse de cette histoire familiale avait pu trouver ici à Bordeaux lorsqu'elle y fut accueillie et dirigée en archives (départementales et municipales) par l'auteur de ces lignes sur les traces de François Testas il y a dix ans. Et sans oublier, c'est le minimum, le texte intégral du mémoire familial souvent appelé en renfort à défaut de toute preuve, dont une analyse critique s'imposerait, comme pour tout document de ce type. 

Il semblerait bien que ces élémentaires précautions méthodologiques n'aient pas trop pesé sur les réflexions ni embarrassé les décisions enthousiastes de la commission. On ne peut que regretter aujourd'hui que la proposition que nous avions faite alors d'une présentation à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales du travail entrepris à son achèvement n'ait pas reçu un écho positif et donné lieu à une suite concrète qui auraient sans doute permis d'éviter une telle dérive. 

Nous suivrons cette affaire avec attention après avoir en préalable alerté qui de droit. A suivre donc sur ce blog sous peu...

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Ces héros discrets que le pouvoir oublie d'honorer au profit des Maréchaux.

5 Décembre 2018, 14:59pm

Publié par jdecauna

Chasseur à pied alpin spécialité mitrailleur (insignes), deux ans de front (brisques bras gauche). Au-dessous, Médaille militaire, dite encore "Légion d'Honneur du sous-officier ou Médaille des Braves, Bijou de la Nation", décernée pour services longs exceptionnels. L'oncle Pierre reçut aussi la Croix de Guerre Etoile de Bronze
Chasseur à pied alpin spécialité mitrailleur (insignes), deux ans de front (brisques bras gauche). Au-dessous, Médaille militaire, dite encore "Légion d'Honneur du sous-officier ou Médaille des Braves, Bijou de la Nation", décernée pour services longs exceptionnels. L'oncle Pierre reçut aussi la Croix de Guerre Etoile de Bronze

Chasseur à pied alpin spécialité mitrailleur (insignes), deux ans de front (brisques bras gauche). Au-dessous, Médaille militaire, dite encore "Légion d'Honneur du sous-officier ou Médaille des Braves, Bijou de la Nation", décernée pour services longs exceptionnels. L'oncle Pierre reçut aussi la Croix de Guerre Etoile de Bronze

Réflexion sur les récentes commémorations de la Grande Guerre. Fragments de Mémoires en cours d'écriture

On l'appellera tout simplement « l'oncle Pierre », grand-oncle en réalité. Aîné de quatre frères et deux sœurs, il était né  et mort à Tartas où je l'ai connu déjà âgé, veuf sans enfants recueilli et hébergé par des parents dans le haut de la ville, non loin du cimetière dont le terrain avait été donné autrefois à la ville par ses aïeux, comme j'avais pu le découvrir avec surprise en consultant les registres de délibération des conseils municipaux à la mairie. Son aïeul à l'époque post révolutionnaire avait été adjoint du maire Buchet après avoir œuvré sous l'Ancien Régime comme syndic de la confrérie de Saint-Martin des Laboureurs tarusates qui l'avaient élu comme représentant à la sénéchaussée, étant l'un des rares savoir lire et écrire, ce qui lui avait valu, entre autres, avec en outre le lourd handicap d'une qualification de « seigneur » de quelques biens ruraux et d'une confortable aisance, d'être dénoncé au Comité de surveillance terroriste de 1793 et par conséquent arrêté, reclus et taxé comme « aristocrate et tiède en la révolution » dans la tour-porte prison de Mont-de-Marsan en compagnie du député Larreyre.

L'oncle Pierre, né dans l'antépénultième année du 19e siècle savait lui aussi lire et écrire (niveau d'instruction noté sur le Livret militaire) comme tous ses aïeux lorsqu'il fut inscrit sous le n° 23 dans la première partie de la liste cantonale. Mais au lieu de posséder des métairies et des moulins, il se contentait de se proclamer boulanger, héritage et savoir-faire acquis, je suppose, de ses parents et grands parents meuniers. C'est en tout cas la qualification qui fut inscrite sur son Livret militaire. Et je me souviens que mon père me racontait que pendant l'occupation durant la dernière guerre, il faisait du pain – pour pas mal de monde sans doute – dans une impasse où personne n'avait le droit de pénétrer, pas plus homme que bête, sous peine d'être chassé comme un chien, à grands coups de pieds dans le derrière. Hormis ce léger travers autoritariste, il était connu comme un homme facétieux, de joyeuse compagnie, ce genre de figure bien répandue autrefois en Chalosse de l'amuseur public, toujours de bonne humeur, qui accompagnait ses multiples blagues de bons jeux de mots sonnants et trébuchants en gascon (on disait « patois » à l'époque), ponctués d'aimables « beroye, praube coche... » ou autres, sans oublier les habituels jurons locaux admiratifs « diu biban, macaréu, hilh de p» qui sont comme la ponctuation de toute intervention. L'une de ses manières favorites était de complimenter avec de grandes démonstrations de respect le porteur de belles chaussures qu'il baptisait immanquablement pour finir son beau discours et compliment d'un long jet de jus noir de sa chique sur l'objet de son admiration prétendue. Ce qui déclenchait immanquablement l'hilarité d'un public habituel de connaisseurs face à l'étranger surpris par la manœuvre. Sa qualité de veuf lui permettait en outre d'entretenir – jusqu'à ses dernier jours – sans grandes objections morales une solide réputation de coureur de jupons, comme cela était de tradition apparemment chez ses aïeux si l'on en croit le portrait du baron de Mugron campé par le Docteur Jean-Claude Mouchès dans Les amants de l'Adour.

Mais il n'était pas difficile de remarquer sous cet aspect jovial bon enfant porteur apparemment d'une certaine légèreté, une finesse assez rare dans un entourages souvent fruste qui se cachait derrière une grande discrétion sur ce qu'il était et qu'il avait vécu, comme ses frères d'ailleurs, sous des formes différentes. Jamais je n'aurais pu imaginer notamment qu'il avait « fait » les deux guerres si la récente commémoration de la Grande Guerre ne m'avait poussé à rechercher – et retrouver – son Livret militaire, qui est d'une longueur inhabituelle et révèle un parcours exceptionnel. Je résume en quelques mots : parti de sa Chalosse natale, il avait rejoint le front du Nord à 19 ans et avait été pris immédiatement dans les combats meurtriers de l'offensive Nivelle dans l'Aisne. Il y avait survécu, s'était signalé par quelques actions d'éclat à la mitrailleuse qui lui valurent la Croix de Guerre et la Médaille Militaire, puis, après avoir occupé la Rhénanie après l'armistice, avait poursuivi sa carrière militaire à Mont-de-Marsan comme instructeur des bataillons sénégalais.

Mobilisé et incorporé le 2 mai 1917 comme simple soldat de 2e classe , ses services comptant du 16 Avril 1917, il part pour le front rejoindre son corps d'affectation, le 144e Régiment d'Infanterie, formé de soldats de la région de Bordeaux, Libourne et Blaye, le 2 Mai 1917 au moment où le régiment se tient dans le secteur de l’Aisne où il vient tout juste d'obtenir, au prix de lourdes pertes lors de l’attaque des Plateaux (Craonne, Chemin des Dames) le 16 avril 1917, sa première citation à l’ordre du 18e Corps d’Armée. C'est ce qu'on a appelé « l'offensive Nivelle » extrêmement coûteuse en hommes (6 000 morts sur 15 000 dans les troupes coloniales de choc du 144e RIC le 16 avril). Il n'a donc pas participé à cette première offensive mais sera présent aux trois attaques qui suivirent au cours desquelles son régiment, aux côtés des troupes coloniales de tirailleurs sénégalais et marocains, gagnera l'honneur de la fourragère : « le 144e RI qui, sous l’énergique impulsion du Lieutenant-colonel Tribalet, a combattu avec vigueur et succès sur les Plateaux d’Hurtebise et de Vauclerc, en particulier le 16 avril, 6 et 7 mai, 6 juin 1917, faisant chaque fois preuve d’une endurance et d’un courage remarquables et enlevant à l’ennemi de nombreux prisonniers ». L'hécatombe s'achèvera le 23 octobre sans résultats tangibles. Il y reste jusqu'au 18 décembre 1917, date à laquelle il passe au 37e Régiment d'infanterie qui est dissous en février 1918.

Après la contre-offensive allemande du 18 juillet 1918 et la seconde bataille de la Marne, il est blessé et évacué de la zone des armées le 7 août 1918, puis plus à l'intérieur le 29 octobre 1918 après avoir été à nouveau blessé lors d'une action d'éclat qui lui vaudra la Croix de Guerre. Etoile de bronze. Le rapport indique qu'il s'était fait « particulièrement remarquer au cours des attaques du 29-10-18, [et avait] été blessé alors qu'il contribuait par des feux nourris de mitrailleuses à l'enlèvement d'un élément fortement défendu ». Passé au 17e Bataillon de Chasseurs à pied le 27 juillet 1919 après l'armistice, il est promu Caporal le 21 septembre 1919, époque à laquelle il sert dans les Pays Rhénans (occupation de la Rhénanie et de la Ruhr à laquelle sera affecté un an plus tard son cadet, Henri-Georges, artilleur) et finalement renvoyé dans ses foyers le 8 juin 1920 après plus de trois ans de service, avec ses décorations, son « certificat de bonne conduite » et, comme il est dit pudiquement sur le Livret son « reliquat de blessures », dont notamment une cicatrice au bras gauche et un doigt estropié qui lui vaudra la reconnaissance d'un petit dédommagement d'invalidité « temporaire », puis « permanente » en 1924, à 10% par la Commission spéciale de réforme de Bayonne du 27 septembre 1920 et celle de Bordeaux en 1926. Les bataillons de Chasseurs à pied étaient composé d'hommes généralement « de petite taille [malgré ses 1m67 déclarés, relativement grands pour l'époque], très vifs et excellents tireurs » aptes à se déplacer très rapidement en tirailleurs dispersés à l'avant des troupes d'infanterie, en profitant des accidents du terrain pour se poster et viser l'ennemi. Chaque bataillon avait sa section de mitrailleuses. Ils étaient célèbres pour leurs insignes en cor de chasse, leur pas de course et leur couleur « bleu jonquille ».

Passé dans la Réserve de l'armée active le 16 avril 1920, il est maintenu en service armé le 1er juin 1920 et réaffecté au 14e Tirailleurs Sénégalais, à Mont-de-Marsan, à compter du 1er janvier 1922, date à laquelle ce régiment vient de s'installer à la caserne Bosquet. Une plaque placée sur la façade de l'actuel musée du 34e RI à l'ancienne caserne Bosquet indique en effet que

« Le 14e Régiment de Tirailleurs Sénégalais a occupé la caserne Bosquet de 1922 à 1939. Cette plaque a été apposée le 1er septembre 1963 par les Anciens du 14e T.T.S. et par les anciens Coloniaux des Landes. En souvenir de leurs camarades français et africains morts pour la France ».

Il est probable que cette affectation, qui doit le satisfaire pleinement, ait été la conséquence logique de sa connaissance de ce corps colonial et de ces hommes qu'il avait côtoyés de près sur les champs de bataille de la première guerre et des ses qualités de chasseur et serveur de mitrailleuse qui lui avaient valu ses premières décorations. Il y est nommé sergent le 1er  juin 1930, puis sergent chef le 1er décembre 1938. On comprend à travers une abréviation 21e Bon et Insteur, qu'il œuvre, avec plaisir et fierté sans doute pendant ces neuf années au titre de sergent instructeur du 21e Bataillon sénégalais.

Mais la seconde guerre mondiale le rattrape et il est « rappelé à l'activité le 1er septembre 1939 » (c'est la mobilisation générale) et affecté au 182e Régiment Régional. Arrivé au corps à Mont-de-Marsan le 5 septembre 1939, il échappe au pire avant la rapide défaite de l'armée française puisqu'il est renvoyé dans ses foyers le 11 novembre 1939 après avoir été le 2 « Classé Affecté Spécial au Tableau 4 Agricole » comme boulanger avec la sibylline mention « (N. De S. 18 Région N. 11.335 MN/I. S'agirait-il de Notre-Dame de Sanilhac en Dordogne ?). Il semble que la dernière date figurant dans ses Etats de services, celle du 11 novembre 44, marque enfin sa libération définitive à 46 ans. Vingt ans plus tard, par décret du 22 juillet 1964 publié le 30 au Journal Officiel, il reçoit à 66 ans la Médaille Militaire… Mais je n'ai pas souvenir qu'une quelconque manifestation officielle ou festivité familiale ait accompagné cette dernière reconnaissance bien méritée. On comprend que de son côté l'oncle Pierre n'ait pas trop tenu à se souvenir de ces épisodes guerriers trop souvent douloureux que la présence dans la maison familiale de son propre père, gazé à Verdun et réformé après guerre en 1920 pour « bronchite chronique et emphysème pulmonaire » (!), avait suffi sans doute à lui rappeler pendant les longues années durant lesquelles il survécut très diminué, fumant des cigarettes à l'eucalyptus pour tout soin, jusqu'à son décès en 1951.

 

 

 

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Héraldique et généalogie. Alliance des maisons de Noailhan et de Cauna

29 Novembre 2018, 17:29pm

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L'alliance gasconne des armes de Marsan et de Toulouse en Armagnac !L'alliance gasconne des armes de Marsan et de Toulouse en Armagnac !

L'alliance gasconne des armes de Marsan et de Toulouse en Armagnac !

Archives de la maison de Marsan de Cauna.

Alliance à la maison de Noaillan.

Armes de Noaillan : de gueules à la croix tréflée d'or, noblesse d'extraction, Armagnac.

Armes de Cauna : losangé d'or et de gueules, noblesse d'extraction, Chalosse.

 

Courcelles, Dictionnaire de la noblesse..., II, 95-96.

Une des plus antiques races chevaleresques de cette province (Guyenne), issue des comtes de Comminges, branche des vicomte de Soules-Louvigny [sic], rameau mérovingien, en porta de tout temps les armes : celles de Toulouse, alliée dès le 13e siècle aux sires d'Albret, fondue dans les Grossoles-Flamarens (à Buzet), de Réaux (Narbonne-Lara), et Mélignan, seigneurs de Trignan. Deux branches : 1e, des seigneurs de Villeneuve [de Mézin], Lamezan, etc., 2e de La Terrade, Pouy sur Losse, Bégué, etc., subsistantes. Armes : de gueules à la croix évidée, cléchée et pommelée d'or, qui est de Toulouse.

 

1- 1492- Contrat de mariage entre Catherine de Cauna, damoiselle, fille de noble Bernard de Cauna, chevalier, baron de Cauna, et Isabel de Béarn, damoiselle, et Jean de Noaillan, chevalier, seigneur de Villenave [Villeneuve-de-Mézin] passé à Mauvezin le 19 juin 1492 avec 1500 florins bordelais de dot. Grand parchemin 60 x 58 cm.

Elle était veuve de Guilhem-Ramon de Castillon, seigneur de Castelnau d'Eauzan, et assistée pour cet acte de Guilhem-Ramon de Cauna, baron de Cauna, son frère.

 

2- 1494- Quittance faite par « noble Cathalina de Cauna, dona de Bilanaba [dame de Villeneuve], femme de noble Johan de Noaillan, seigneur de Villeneuve, à noble Johan de Lupiac, seigneur de Moncassin ». 42 x 56 cm.

En présence de nobles Johan de Pardelhan [Pardaillan] et Johanne de Lupiac. Avec l'accord de Monseigneur Antoine de Fargues.

 

3- 1518, 12 juin - « Testament de dame Catherine de Cauna, veuve de noble Jean de Noaillan, seigneur de Villeneuve ». 50 x 70 cm.

A la suite est son codicille du 12 juin 1518 en faveur de ses quatre fils, Jean, Bertrand, Odet et autre Bertrand de Noailhan..

 

4- 1540, 24 avril- « Arrêt. Lettres royaux entre les enfants de noble Jean de Noailhan et de ses deux femmes, Miramonde de La Lane et Catherine de Cauna ». par de Lagarrigue, notaire royal, 14 p., 26 x 18.

« Supplique par devant le Parlement de Bordeaux, de notre aimé Johan de Noaillan, escuyer, seigneur de Peyrone, fils de feu Johan de Noailhan, seigneur de Villeneuve… son père fut conjoint par secondes noces avec Catherine de Cauna, damoiselle, duquel mariage issurent Bertrand, Odet et autre Bertrand de Noailhan.

Jehan de Noailhan, fils du premier mariage de Bertrand de Noailhan, son fils enfant du second mariage… Jehan et Isabeau ses enfants… son testament par lequel institua le dit suppliant son héritier universel en la dite maison de Peyrone et tous ses biens…

Catherine de Cauna, sa mère et Thibaud de Melinhan, seigneur de Tromhin…

feu Bertrand de Noailhan..., lègue la somme de deux cent francs bordelais audit Odet, aîné, ainsi que les meubles qui se trouveront au dit lieu de Villeneuve… ».

 

Postérité dans J. de Cauna, Cadets de Gascogne. La Maison de Marsan de Cauna, tome III, Ed. Princi Negue, 2004, p. 186-189

Note Noailhan (de). Château de La Terrade (J. de Cauna, 10 août 2014, sur ce blog).

Jean de Noaillan, l'un des hommes d'armes, avec Arnaud de Cauna et Raymond de Laterrade, de la compagnie de Foix-Lautrec (du roi de Navarre) passée en revue le 23 juillet 1550 à Condom. Voir la fresque marquant le passage de la compagnie au château de Laterrade à Escalans où se décida sans doute l'alliance des Noailhan aux Laterrade (Bulletin du Centre Généalogique des Landes, n° 115-116, 3e et 4e trim. 2015, p.1654).

 

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Bordeaux-Cienfuegos : Louis de Clouet à Bordeaux (3e partie, suite et fin)

16 Novembre 2018, 16:41pm

Publié par jdecauna

Fig. 7 : Armoiries de la famille Journu (photo Francis Lambert). Fig. 8 : Tableau généalogique de la famille Journu (détail), © J. de Cauna.Fig. 7 : Armoiries de la famille Journu (photo Francis Lambert). Fig. 8 : Tableau généalogique de la famille Journu (détail), © J. de Cauna.

Fig. 7 : Armoiries de la famille Journu (photo Francis Lambert). Fig. 8 : Tableau généalogique de la famille Journu (détail), © J. de Cauna.

 Fig. 9 : Monogramme de la porte latérale de la tour, © J. de Cauna. Fig. 10 : Hôtel Journu, 55 cours Clémenceau, anciennement cour de Tourny, © J. de Cauna. Fig. 9 : Monogramme de la porte latérale de la tour, © J. de Cauna. Fig. 10 : Hôtel Journu, 55 cours Clémenceau, anciennement cour de Tourny, © J. de Cauna.

Fig. 9 : Monogramme de la porte latérale de la tour, © J. de Cauna. Fig. 10 : Hôtel Journu, 55 cours Clémenceau, anciennement cour de Tourny, © J. de Cauna.

Devenu en 1790 l'Hôtel du Département (présidé par L. Journu), il fut mis en vente comme propriété nationale le 27 octobre 1791, après le déménagement de l'administration de la Gironde à l'ancien archevêché, l'actuel Hôtel de Ville. Les sieurs Péreire, Raphaël, Dupuch, Boué-Maurosin et Lindo s'en portèrent acquéreurs pour la somme de 560 000 livres. Ils vendirent ensuite à M. Dussaut qui vendit à M. de Clouet, le fondateur de Cienfuegos, à son arrivée à Bordeaux en 1814. Après le décès en duel en 1822 de son fils Luis-Juan que l'on rapporta mourant à l'hôtel où il expira sur une table, sa mère ne voulut plus habiter la demeure qui fut revendue à M. Dubois d'Izon qui la revendit à M. Lefebvre, propriétaire en 1866 dont le gendre était M. Chaumet, médecin (celui-là même qui donna son nouveau nom à la rue du Jardin avant 1877)1.

Il passa ensuite à la famille Journu qui était entrée également en possession du comté de Benauges. Les armes de la famille diversement déclinées figurent sur des vitraux à l'intérieur du domicile dont certains laissent apparaître le blason à l'extérieur, au-dessus de deux portes fenêtres de la tour et de la galerie : D'azur à une aigle de carnation posée sur un nuage fixant à dextre un soleil d'or accompagnée à senestre et en chef d'une étoile d'argent, couronné d'un tortil de baron [Fig.7]. Ces armes étaient apparues avec Bonaventure Journu, né à Bordeaux (1717-1781), consul puis juge de la Bourse, marié à Claire Boyer-Fonfrède, qui confèrera la noblesse à ses descendants par une charge de Secrétaire du Roi. L'un de ses fils sera comte de Tustal, marié à une riche créole de Saint-Domingue Geneviève Auber, et l'autre, baron de Saint-Magne et grand-père de Marie-Fanny de Journu qui épousera Alexandre de Clouet de Piettre, fils du fondateur de Cienfuegos [Fig.8]. Leur fils, Bernard-Auguste, comte de Clouet, né le 27 juin 1841 à Bordeaux, 68 cours de Tourny, épousera le 28 avril 1885 sans postérité Nicolasa Virginie Eugéne Le Quellec, tante d'Yvonne Le Quellec qui, à la génération suivante, épousera en 1904 Auguste Journu à qui l'on doit les principaux aménagements intérieurs (les vitraux armoriés notamment) de la maison dont il entra en possession par achat de son épouse à la famille Felletin le 13 juillet 1905 en réemploi de ses biens dotaux2. Au-dessus de la porte latérale de la tour figure un monogramme aux deux « L » affrontés enlacés qui n'est autre que celui de Louis XIV [Fig. 9].

A la troisième génération, la mention de domicile bordelais des petits-enfants du fondateur portée sur les passeports est au n° 55 du cours Tourny, l'actuel cours Clémenceau, dans le grand hôtel à cour circulaire qui appartenait également à la famille Journu par achat de Bernard-Auguste Journu, baron de Saint-Magne, père de Fanny, à la famille Desfourniel [Fig.10]. On trouve cette adresse ainsi indiquée sur les passeports de Jean-Laurent-Ferdinand, âgé de 36 ans, « 1m70 », cheveux et yeux « châtains », teint « coloré », pour la Belgique, l'Allemagne et la Prusse en 1866 ; d'Auguste, 30 ans, « 1m68 », cheveux, yeux et teint « châtains », pour la Prusse, la Hollande et la Belgique en 1861 ; et de Ferdinand, 19 ans, « 1m70 », cheveux et yeux « châtains », teint « brun », pour Wiesbaden au duché de Nassau en 1859. C'est cette adresse également qui figure sur l'acte de naissance de Jean-Paul-Louis en 1856. Cet hôtel Journu, le plus remarquable du cours, avait été édifié par François Lhote et était orné de belles boiseries du XVIIIe siècle qui ont été vendues en 19283. En juillet 1874, la famille s'installa au 17 rue Vauban appartenant à l'oncle Théodore Journu.

1 Communication aimable de Mme Claudine Demptos-Jounu que je remercie bien sincèrement.

2 Ibid. Etude de Me Boirar, réf. hypo. 26 juillet 1905, vol. 179, N°7.

3 L. Desgraves, op.cit., p. 305. Le grand hôtel Journu, le mieux connu, est au n° 3 du cours du Chapeau-Rouge, dans le prolongement de l'hôtel Boyer-Fonfrède.

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Bordeaux-Cienfuegos. Du château de Puy-Paulin à l'hôtel de l'Intendance, résidence de Louis de Clouet (suite, 2e partie))

16 Novembre 2018, 10:40am

Publié par jdecauna

Fig. 4 : Plan géométral de la ville de Bordeaux et de parties de ses Faubourgs levé par les ordres de M. de Tourny, Intendant de la Généralité, et de Mrs les Maire, Sous-Maires, et Jurats Gouverneurs de la dite Ville. Par les Srs Santin et Mirail, Géographes, en 1754. Gravé à Paris par J. Lattré en 1755. Avec privilège du Roy. Fig. 5 : Plan de la ville de Bordeaux, levé par Pierrugues et D. Béro, Géomètre de première classe au Cadastre, Dufour, Directeur de publication, 1831. Fig. 6 : La Tour et la terrasse de l'ancien hôtel de l'Intendance, © J. de Cauna.Fig. 4 : Plan géométral de la ville de Bordeaux et de parties de ses Faubourgs levé par les ordres de M. de Tourny, Intendant de la Généralité, et de Mrs les Maire, Sous-Maires, et Jurats Gouverneurs de la dite Ville. Par les Srs Santin et Mirail, Géographes, en 1754. Gravé à Paris par J. Lattré en 1755. Avec privilège du Roy. Fig. 5 : Plan de la ville de Bordeaux, levé par Pierrugues et D. Béro, Géomètre de première classe au Cadastre, Dufour, Directeur de publication, 1831. Fig. 6 : La Tour et la terrasse de l'ancien hôtel de l'Intendance, © J. de Cauna.
Fig. 4 : Plan géométral de la ville de Bordeaux et de parties de ses Faubourgs levé par les ordres de M. de Tourny, Intendant de la Généralité, et de Mrs les Maire, Sous-Maires, et Jurats Gouverneurs de la dite Ville. Par les Srs Santin et Mirail, Géographes, en 1754. Gravé à Paris par J. Lattré en 1755. Avec privilège du Roy. Fig. 5 : Plan de la ville de Bordeaux, levé par Pierrugues et D. Béro, Géomètre de première classe au Cadastre, Dufour, Directeur de publication, 1831. Fig. 6 : La Tour et la terrasse de l'ancien hôtel de l'Intendance, © J. de Cauna.

Fig. 4 : Plan géométral de la ville de Bordeaux et de parties de ses Faubourgs levé par les ordres de M. de Tourny, Intendant de la Généralité, et de Mrs les Maire, Sous-Maires, et Jurats Gouverneurs de la dite Ville. Par les Srs Santin et Mirail, Géographes, en 1754. Gravé à Paris par J. Lattré en 1755. Avec privilège du Roy. Fig. 5 : Plan de la ville de Bordeaux, levé par Pierrugues et D. Béro, Géomètre de première classe au Cadastre, Dufour, Directeur de publication, 1831. Fig. 6 : La Tour et la terrasse de l'ancien hôtel de l'Intendance, © J. de Cauna.

L'hôtel de l'Intendance, voulu par le Roi pour y loger luxueusement son Intendant, est clairement visible sur le Plan géométral de Bordeaux levé pour l'intendant Tourny par Santin et Mirail en 1754 [Fig.4]. On y distingue même, dans l'emprise globale du bâtiment, l'actuelle tour ronde du 4 de la rue Paul-Painlevé, tout comme sur le plan Dufour de 1831 où apparaît aussi le nom « Rue du Jardin » [Fig.5]. En réalité, la longue façade de l'hôtel de l'Intendance, encadrée par deux tours de la courtine de l'ancien château de Puy-Paulin, s'ouvrait par de larges croisées sur une grande terrasse encore existante en partie qui permettait de contempler le beau jardin la française et son parterre à broderies bordé sur les côtés de rangées d'arbres et d'un bosquet1 [Fig.6]. Détruit par un incendie, l'hôtel fut reconstruit par l'architecte André Portier sous la conduite de Tourny en 1756. C'est ce « grand hôtel » dont il est question dans le Livre de Famille des Clouet lorsqu'on dit qu'on y donnait un bal au moment où fut apporté le corps du jeune Luis de Clouet, agonisant. Le Guide de Bordeaux publié en 1785 par Pallandre l'évoque ainsi : « Son entrée, son point de vue sur le jardin, le goût et la beauté de son édifice, son escalier et la distribution de ses appartements méritent d'être vus »2. Aujourd'hui encore un remarquable et imposant grand escalier de marbre blanc occupe le centre de la tour au rez-de-chaussée et la terrasse de l'aile ouest s'ouvre sur la rue à l'endroit même où se trouvait le jardin, sur un large espace dont la moitié autrefois non bâtie est occupée aujourd'hui par les immeubles construits entre la rue Paul-Painlevé et le cours de l'Intendance.

C'est en tout état de cause un emplacement prestigieux, de premier ordre, que choisit Louis de Clouet, l'un des fondateurs à l'époque de la banque de Bordeaux3, dont il faut rappeler à ce stade que son immense fortune lui permettait de gros investissements. On peut même dire qu'il se replace là au centre originel de la ville, au cœur de sa racine historique. Le vieux château acheté par le Roi au duc Candale d'Epernon avait été édifié de mémoire perdue sur le point le plus élevé de la ville, comme cela s'imposait en matière défensive et il en resta longtemps le premier centre du pouvoir. Au départ, le château de Puy-Paulin, dont il ne subsiste aujourd'hui d'apparent qu'une grosse tour ronde de grande ancienneté encastrée dans des constructions modernes, occupait tout l'espace du puy ou pouy – terme gascon désignant une hauteur s'apparentant à une motte féodale – compris entre l'actuelle rue Porte-Dijeaux et le cours de l'Intendance. L'origine du nom serait dans celui de Paulin de Nole ou Saint Paulin, disciple d'Ausone qui devint gouverneur de Campanie et évêque. Il serait né dans ce palais appelé Podium-Paulini (Puy-Paulin), construit par son grand-père. La tradition en fait l'ancêtre de la puissante famille des comtes de Bordeaux. Enclavé dans les fortifications du IVe siècle et fortifié lui-même en raison des invasions barbares, il devint au XIIe siècle le château-fort de Pey de Bordeaux. L'un de ses descendants, Pey-Amanieu, captal de Buch, fut père d'Assalide de Bordeaux, dernière héritière de la maison des comtes de Bordeaux, qui épousa en 1307 Pierre II de Grailly, fils du chevalier dont le gisant subsiste dans la collégiale d'Uzeste, reconnaissable par son écu à la croix chargée de coquilles Saint-Jacques. D'eux provinrent Jean II et Jean III de Grailly, le fameux captal de Buch, qui était aussi comte de Benauge, seigneur du Fleix, de Puy-Paulin, de Castelnau et autres places, mort emprisonné au Temple sans postérité légitime et dont l'héritage passa, comme plus proche parent, à son oncle Archambaud de Grailly, qui, par son mariage en 1361 avec Isabelle de Foix-Castelbon, est le père de Jean Ier, comte de Foix et vicomte de Béarn4, aïeul de la dynastie royale de Navarre qui mène à Henri IV, et de Gaston 1er de Grailly (IV de Foix) qui, de son mariage avec Margalide (Marguerite) d'Albret en 1410, eut Jean de Foix-Candale, comte de Benauges, captal de Buch, vicomte de Castillon et de Meilles, chevalier de la Jarretière et earl (comte) de Candale par son mariage avec Margaret Kerdeston de La Pole Suffolk, comtesse de Kendall, d'où provint Gaston II de Foix-Candale, père de la future reine de Pologne et de Bohème, Anne de Foix-Candale, ancêtre des Habsbourg, et de Gaston III « le Boîteux », suivi de Frédéric de Foix-Candale, puis d'Henri, père de Marguerite de Foix-Candale, dernière héritière de sa maison qui apporta le château de Puy-Paulin par mariage au fameux duc d'Epernon, Jean-Louis de Nogaret de La Valette, dont le dernier héritier, Henri-François de Foix et de Candale, duc d’Épernon, procéda à la vente de la seigneurie en faveur du roi de France (Louis XIV l'époque) le 30 novembre 1707.

1 Philippe Prévôt, Bordeaux. Petits secrets et grandes histoires, Bordeaux, Ed. Sud-Ouest, 2012, p. 76 : « Quand le jardin n'est plus qu'un mot ».

2 Louis Desgraves, op. cit., p. 58.

3 Il figure bien à l'adresse du 15 rue du Jardin avec son gendre Sommereau sur la liste des fondateurs de la banque.

4 Jean IV de Grailly, Ier de Foix-Béarn, est le père d'Isabel, fille naturelle légitimée, filleule de de sa grand-mère Isabelle de Foix-Castelbon, qui fut donnée en mariage en 1442 au traité de Saint-Loubouer par son frère, le vicomte Gaston de Foix-Béarn, à son capitaine du château de Pau, Bernard, baron de Cauna, afin d'assurer la paix en Chalosse, Marsan et Tursan.

 

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