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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

La médiatisation conservatoire des vestiges d’habitations en Haïti

22 Novembre 2024, 10:52am

Publié par jdecauna

Vue d'une habitation. Couverture d'Au Temps des Isles à Sucre © J. de Cauna, 1987.

Vue d'une habitation. Couverture d'Au Temps des Isles à Sucre © J. de Cauna, 1987.

Les vestiges d’habitations en Haïti :
médiatiser une collection patrimoniale à ciel ouvert
Extrait du colloque Musées, mémoires et collections. Les sémiophores des traites et des esclavages, 7e Rencontres atlantiques, Bordeaux, Musée d’Aquitaine, 9-10 Mai 2019.

Communication inédite, non publiée par le co-organisateur Ciresc cinq ans après le colloque, 3e partie (voir les 1e et 2e parties sur ce blog).

Résumé partiel des deux premières parties

Devant les dégradations générales et surtout les disparitions totales dont seule l'iconographie, et sa composante contemporaine photographique, peuvent encore aujourd'hui laisser trace et témoigner, il revient, ou reviendra, peut-être à la dématérialisation des supports obtenue par les moyens technologiques actuels d'assurer la transmission mémorielle et la circulation de ces sémiophores sous une forme visuelle. La numérisation et la mise en ligne sur le site du CIRESC d'une partie d’un important fonds photographique (le Fonds Jacques de Cauna) a été un premier pas dans le sens d'une nécessaire substitution conservatoire à ce qui a pu déjà matériellement disparaître sur le terrain. Son relais muséal, impératif pour la transmission, existait au Musée d’Aquitaine sous la forme d’une borne pédagogique interactive très résumée dans laquelle je présentais le cadre de vie de la grande majorité des esclaves sur les plantations. On pouvait donc penser encore il y a quelques années que cette première évolution se poursuivrait dans le bon sens. Ce fut tout le contraire qui se produisit.

III- Postérité et perspectives. La médiatisation de la photographie comme trace ultime et sémiophore

Il me faut revenir plus en détail sur les deux avancées majeures dans la médiatisation du fonds photographique qui étaient donc à relever dans les dernières années : la borne relayée par la maquette d'habitation du Musée d'Aquitaine et la mise en ligne du Fonds Jacques de Cauna sur le site du CIRESC par le Cnrs.

En 2008, lorsqu'il s'est agi de représenter la vie des esclaves aux Iles dans un cadre muséal, nous avons été amenés à réaliser la maquette d’une grande sucrerie de Saint-Domingue dans la troisième salle de l’exposition permanente Bordeaux au XVIIe siècle, le commerce atlantique et l’esclavage présentée en commémoration nationale de la journée de mémoire de l’esclavage du 10 mai 2009 au Musée d’Aquitaine choisi cette année-là pour lieu de cérémonie officielle en présence de trois ministres. Cette troisième salle, consacrée à la vie quotidienne aux Îles a été intitulée L’Eldorado des Aquitains – d'après le titre à double entente d'un de mes ouvrages1 – présente St-Domingue, la plus importante, des « îles à sucre » antillaises2.

L'objectif central était de présenter de la manière la plus réaliste possible l'une de ces unités de production, éléments interchangeables d’un même système, qui constituaient le cadre de vie quotidien de la grande majorité des esclaves dont la journée suivait immuablement le même cours, du lever au coucher du soleil avec une simple interruption du travail d’une heure ou deux pour déjeuner. Cette maquette, qui s’inscrit donc dans une démarche historique plus générale, a été réalisée à partir du plan original de la sucrerie Nolivos à la Croix-des-Bouquets (Saint-Domingue, 1774)3 retrouvé il y a quelques années dans le grenier d’une villa de Pau et s'est appuyée sur les photographies des vestiges de sucreries du même type présentés en diaporama sur une borne au Musée derrière la maquette. Le document-source, l'un de ces plans détaillés que les propriétaires avaient coutume de faire dresser pour tenter de suivre au mieux la gestion de leurs biens en leur absence, avait été réalisé trois ans après le départ pour la France du propriétaire, l’ancien gouverneur béarnais de la Guadeloupe, Pierre-Gédéon de Nolivos, chevalier de Saint-Louis, créole de Saint-Domingue, né à Léogane comme sa mère et ancien flibustier. Alors même qu'il n'existait plus de vestiges sur le site en Haïti, comme c'est souvent le cas, les documents familiaux d'archives à Pau et les inventaires conservés aux Archives nationales permettaient de préciser encore bon nombre d'éléments4. Ce qui n’a pu être représenté visuellement, c’est-à-dire la réalité matérielle des conditions de vie quotidiennes des esclaves sur cette plantation, a été évoqué dans le catalogue de l’exposition5 à partir des deux inventaires existants de l’atelier en 1792 et 1796 et d’analyses comparatives avec d’autres grandes sucreries étudiées par ailleurs. Il s'agissait donc bien de profiter de cette expérience de terrain pour atteindre, au-delà d’un réel héritage mémoriel toujours ressenti comme tel en Haïti (des services loas vaudou ont lieu dans les ruines, comme nous avons pu le constater fréquemment), la plus grande authenticité historique en partant d’un document d’archives, source sinon la plus incontestable (un plan peut présenter certaines dissonances avec la réalité « de terrain » achevée), du moins la plus sûre, et en croisant ensuite ces données avec des photographies de terrain prises au cours d’un long séjour d’une quinzaine d’années en Haïti qui a permis de visiter plus de trois cents sites d’habitations6.

La seule concession que nous avons dû faire tient aux difficultés d'échelle dont une représentation exacte aurait écrasé la taille des bâtiments, personnages et détails dans un trop grand espace, rendant l'ensemble illisible. Un moyen terme proportionnel a donc été adopté pour éviter d’aboutir à l’excessive déformation que l’on peut constater par exemple dans la maquette présentée au musée de Liverpool où les bâtiments occupent quasiment tout l’espace qui prend très nettement dès lors un aspect concentrationnaire, d’autant plus qu’une couleur monochrome ocre a été utilisée. Cet aspect est d’ailleurs bien en accord avec l’optique « mémorielle » et donc émotionnelle choisie dans ce musée qui encadre en outre la maquette d’images en provenance de documents répandus à l’époque par la propagande abolitionniste anglaise de la Société des Amis des Noirs dans un objectif affiché de sensibilisation des esprits par la dramatisation.

Un autre accommodement nécessaire avec la réalité historique a été l’adjonction d’un aqueduc et d’un moulin hydraulique (sur le modèle de la sucrerie voisine Digneron) qui sont des éléments novateurs caractéristiques des grandes sucreries au XVIIIe siècle mais qui n’existaient pas sur l’habitation Nolivos située en zone semi-aride dépourvue d’adduction d’eau. De même, les parcelles consacrées aux vivres communs signalées dans les inventaires mais ne figurant pas sur le plan, ont été représentées à leur emplacement logique, au pied des mornes, derrière l’enclos de la Grand-Case pour éviter les vols nocturnes. Mais nous n'avons pas restitué les lopins particuliers des esclaves qu'on trouvaient souvent autour ou auprès de leurs cases, ni leur cimetière, situé généralement derrière l'aqueduc (comme à Delugé), dans l’ignorance où nous étions de la réalité de leur emplacement. Nous avons enfin choisi pour arrière-plan le décor naturel d'un paysage de « mornes » antillais représenté dans une gravure de la collection Chatillon qui présentait en outre l’avantage de fournir des indications de couleur

L'ensemble des éléments réunis permet de répondre au mieux aux questions que peut se poser un large public ne connaissant pas obligatoirement les conditions actuelles de vie aux Antilles sur ce qu'a pu être la vie quotidienne sur les habitations. Le diaporama à caractère pédagogique qui accompagne la maquette mériterait d'être projeté en boucle sur un grand écran plutôt que confiné sur une borne peu visible et n'autorisant au mieux que l'accessibilité simultanée de deux ou trois personnes.

La borne interactive intitulée « Le cadre de vie des esclaves au quotidien » complétait avantageusement la maquette par une variété de vues de vestiges de plantations immédiatement et rapidement accessibles qui correspondait à un résumé des photographies du Fonds Jacques de Cauna.

Il me faut revenir sur le second élément dont je vais devoir malheureusement parler au passé en raison de sa disparition inattendue que j’ai évoquée plus haut, ce qui permettra tout de même d’en apprécier l’importance de manière détaillée. A Partir de 2009, dans le cadre de mon rattachement au Ciresc (Centre International de Recherche sur les Esclavages) comme membre du Conseil scientifique et avec l'appui technique du CNRS-Images, la numérisation générale et la mise en ligne partielle du fonds photographique, sous le nom de Fonds Jacques de Cauna par lequel on y accédait, fut l'une des retombées correspondant à la démarche qui avait présidé à la présentation faite au Musée d'Aquitaine et une importante avancée dans la diffusion. Une présentation d'une page en précisait les principales données. Trois cents des clichés pris en Haïti et numérisés à Paris avaient été sélectionnés pour être positionnés par quartiers dans la mise en ligne sur la carte de l’Isle de Saint-Domingue Partie Françoise ou Hayti, 1789, revue et corrigée en 1804, par Delvaux, afin que l’on puisse localiser chaque site et chaque ruine de ces habitations qui ont produit la plus grande richesse coloniale de l’époque moderne.

La répartition géographique comprenait cinq subdivisions : Partie du Nord, Partie de l'Ouest, Plaine du Cul-de-Sac, Port-au-Prince et environs, Partie du Sud par lesquelles on accédait en cliquant au détail des quartiers concernés dont certains avaient été regroupés. On ouvrait chaque regroupement en cliquant à nouveau sur un point rouge situant les lieux sur la carte et on accédait ainsi à un album de quelques pages dont chacune présentait une photo commentée, expliquée et repérée par sa cote dans le fonds qui comprenait environ 1 500 clichés au départ et qui continue aujourd’hui à s'enrichir.

Pour la première rubrique, celle de la Partie du Nord par exemple, on trouvait dans l'ordre onze photos de sites historiques : Bréda (dernier pan de mur de la sucrerie lieu de naissance de Toussaint Louverture), Vertières (ruines de la Grand-Case et fontaine monumentale de ce site de la dernière bataille pour l'Indépendance), Charrier (vestiges d'un palais et d'une fortification de la ligne de défense du Cap), La Voûte (Grand-Case réservée et réservoir d'eau), Ducommun, (remarquable fontaine 18 s.), Dhéricourt (portail et Grand-Case d'une grande sucrerie affermée par Toussaint), Lenormand de Mézy (site improprement appelée « Bois-Caïman »), Vaudreuil (portail remarquable).

La Plaine du Cul-de-Sac constituait à elle seule une partie entière (la 3) en raison du très grand nombre de références due à son antériorité et proximité. Cinq quartiers avaient été retenus, d'Ouest en Est, selon une logique de progression dans la découverte, à partir du plan général conservé dans les archives Fleuriau : Bellevue, Petit-Bois, La Grande Raque, les Varreux, le Grande Plaine. A titre d'exemple, on y trouvait 36 clichés pour le seul quartier des Petits-Bois.

Dans la partie consacrée à la capitale (la 4), ont été introduits des éléments d'aménagement et d'architecture urbaine couplés à des plans anciens et des cartes et vues du Recueil de Ponce, des monuments historiques, des fortifications, des photos des tombeaux subsistants de l'ancien Cimetière Intérieur. On y trouvera par exemple les fontaines, escaliers et terrasses de la Promenade de l'Intendance, l'ancienne église paroissiale détruite par l'incendie criminel du 7 janvier 1991 pour son bicentenaire, la dernière aile de l'hôtel de la Marine abattu en 1980, la nouvelle cathédrale détruite par le séisme du 12 janvier 2010, la statue de Christophe Colomb jetée à la mer en 1992 par les émeutiers, la statue équestre de l'empereur Dessalines, fondateur de l'indépendance, le portrait en pied de Toussaint Louverture après son arrestation à Brest, dont l'original a disparu dans le séisme de 2010, l'empereur Faustin Ier Soulouque en pied en habit de sacre, le portrait du premier président Alexandre Pétion, fils d’un Bordelais, et celui du premier maire de Port-au-Prince, le Basque Michel-Joseph Leremboure.

Cette rapide incursion dans le Fonds Jacques de Cauna tel qu'il se présentait ainsi mis en ligne permet de se faire une idée de l'ensemble et de constater qu'il ne se limitait pas seulement aux vestiges architecturaux des habitations mais ouvrait plus largement sur ce qu'il est convenu d'appeler la société d'habitation, c'est-à-dire l'ensemble des éléments de tous ordres qui peuvent s'y rattacher : naturels, géographiques, historiques, sociaux, ethnologiques, anthropologiques, artistiques… Tel quel, aujourd’hui hors ligne, il reste à ce titre d'abord un outil de connaissance que rien ne peut remplacer et on ne peut que déplorer la regrettable disparition de la présentation en ligne pour des motifs obscurs.

Ces clichés, qui restent toutefois en ma possession et sur l’exploitation desquels il faudra rester vigilants, témoignent de l’histoire des plantations esclavagistes. Mais aussi, compte-tenu de la rapide disparition depuis quelques années de ces bâtiments et de leur quasi inaccessibilité actuelle, ils constituent tels quels un sauvetage virtuel de ce patrimoine historique et mémoriel qui devrait à son tour être préservé. Il resterait alors, dans la perspective d'une médiatisation idéale, après récupération de la première mouture, plusieurs années de travail à soutenir pour établir un inventaire précis de l'ensemble du fonds (avec table de concordance des clichés et des noms) et sa totale mise en ligne. A cet outil pourrait être associé le dépôt d'un important fonds de documentation dans une bibliothèque appropriée, en France ou en Amérique, dans une Université ou un Musée permettant l'accueil d'étudiants, la poursuite des recherches et l'enrichissement du fonds.

Conclusion

A une époque récente pouvaient encore se poser les habituelles questions liées ordinairement à la problématique muséale en termes de soucis de conservation, fixation, restauration, historisation, médiation, transmission, diffusion… pour que ces biens culturels de la catégorie des monuments historiques que sont les habitations, très exposés, puissent en devenant patrimoniaux assurer leur rôle de lien avec le passé. Telle n'est plus la situation aujourd'hui.

Les fortes avancées des premiers travaux publiés d'archéologie industrielle dans les années 1970-1990 n'ont pas suffi à mener vers l'objectif primitif de préservation difficilement tenable. Les aléas de la conjoncture globale ont ensuite gravement entravé ce mouvement, peu perceptible aujourd'hui. Devant les dégradations générales et surtout les disparitions totales dont seule la photographie peut encore aujourd'hui laisser trace et témoigner, il revient, ou reviendra, peut-être à la dématérialisation des supports obtenue par les moyens technologiques actuels d'assurer la transmission et la circulation de ces sémiophores sous une forme visuelle. La numérisation du fonds photographique par le CNRS a été un premier pas dans le sens d'une nécessaire substitution conservatoire. Son relais muséal reste impératif pour la transmission.

L'objet photographié, l'habitation, peut être assimilé à ces anciennes usines qui ont perdu leur fonction utilitaire pour en acquérir une nouvelle, de l'ordre du signifiant. Il s'agit de renvoyer à un passé disparu (celui du temps colonial) qui réfère à une réalité devenue invisible (l'esclavage colonial). En visitant virtuellement la trace laissée fidèlement par la photographie, ou la reconstitution présentée à partir de cette trace dans son authenticité d'une époque datée – avec, il est vrai, l'aide ponctuelle de sources écrites et d'autres éléments iconographiques telles les gravures d'époque lorsque c'est nécessaire – on peut s'instruire au plus près, assimiler des connaissances objectives sur les anciens outils d'exploitation, les anciennes techniques, les conditions de travail et les réalités de la vie quotidienne sur lesquels on pourra alors exprimer ses sentiments et ses convictions de manière étayée puisque le choix des éléments présentés et leur mise en scène sont censés reposer en principe sur une volonté de validation intersubjective par l'histoire (comités scientifiques des musées) et non uniquement par des questions de goût ou de plaisir esthétique subjectives liées à des états psychologiques et des perceptions individuelles, voire à des questions d'intérêt personnel ou collectif ou même des idéologies officielles.

Au-delà des questions de conservation, restauration, recherche, enseignement, il s'agit de s'inscrire dans un mouvement qui remplace de plus en plus une attitude religieuse (sacrée, morale) et esthétique par une attitude historique et scientifique, fondement d'une vraie connaissance.

Pr. Jacques de Cauna, docteur d’État (Sorbonne) HDR (Université Antilles-Guyane), Professeur honoraire de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, et des Universités d’État d’Haïti (Enarts), des West Indies, de Bordeaux, Chaire CNRS d’Haïti à Bordeaux.

1 Jacques de Cauna, L'Eldorado des Aquitains. Gascons Basques et Béarnais aux Îles d'Amérique, 17e-18 s., Biarritz, Atlantica, 1998, prix de l’Académie Nationale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux.

2 Cette expression, devenue peu à peu classique, a pour origine un autre de mes ouvrages issu de ma première thèse et traitant de la vie quotidienne sur une grande habitation de Saint-Domingue : Jacques de Cauna, Au Temps des Isles à Sucre. Histoire d’une plantation de Saint-Domingue au 18 siècle, Paris, Karthala, 1987 (prix de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, réédition en 2003) qui a inspiré le prix Renaudot 1998 (Dominique Bona, Le manuscrit de Port-Ebène, Paris, Grasset).

3 Archives Nolivos, fonds privé, Plan général de l’habitation de Monsieur le Comte de Nolivos, commandeur de l’Ordre militaire de Saint-Louis, maréchal des camps et Armées du Roy, ancien Gouverneur Lieutenat-Général pour sa Majesté des Isles françaises de l’Amérique sous le vent, scize Isle de Saint-Domingue, plaine du Cul-de-Sac, paroisse de la Croix des Bouquets, quatre lieues de Port-au-Prince, levé dans le courant du mois de décembre de l’année 1774.

4 Pour plus de détails, voir Jacques de Cauna, L’habitation d’un Béarnais à Saint-Domingue : la sucrerie Nolivos à la Croix-des Bouquets, Revue de Pau et du Béarn, 1985, n° 12, p. 213-232.

5 François Hubert, Jacques de Cauna, Christian Block, Bordeaux au XVIIIe siècle. Le commerce atlantique et l’esclavage / Bordeaux in the 18th century, trans-atlantic trading and slavery), Bordeaux, Ed. Le Festin, 2010.

6 Pour plus de détails, notamment sur les principaux sites visités et la méthodologie qui a sous-tendu ce travail, voir J. de Cauna, « Aperçus sur le système… », op. cit.

7 Pour plus de détails voir en ligne, Jacques de Cauna, « Patrimoine et mémoire de l’esclavage en Haïti : les vestiges de la société d’habitation coloniale », In Situ, 20 | 2013, op. cit.. URL : http://journals.openedition.org/insitu/10107 ; DOI : 10.4000/insitu.10107. Cette communication au colloque international Les patrimoines de la traite négrière et de l'esclavage organisé à La Rochelle par la Direction générale des patrimoines du Ministère de la Culture et de la Communication et l'Université de La Rochelle les 27, 28 et 29 avril 2011, reprend notamment celle donnée au colloque international des 7-8 décembre 2001 sous le titre « Aperçus sur le système des habitations aux Antilles françaises. Vestiges architecturaux et empreinte aquitaine en Haïti (ancienne Saint-Domingue) », dans le cadre du PPF Caraïbe Plurielle de l'Univerité de Bordeaux III, publiée dans Le monde caraïbe. Echanges transatlantiques et horizons post-coloniaux (dir. Christian Lerat), MSHA Bordeaux, 2002, p. 133-152. On trouvera une version en langue anglaise de cette dernière dans une autre communication présentée lors d'un autre colloque international en juin 2004 à la Brown University, Providence, Rhode Island (USA) sous le titre « Vestiges of the Built Landscape of Pre-revolutionnary Saint-Domingue », p. 21-48, iconographie (16), et publiée dans The world of the Haïtian Revolution, edited by David Geggus and Norman Fiering (John Carter Brown Library, Boston), coll. Blacks in diaspora, Indiana University Press, Bloomington (USA), 2009.

8 Je tiens à rendre hommage ici sur ce point à l’excellent travail mené par les spécialistes de l’équipe du CNRS Images Véronique Ikabanga et Frédéric Eckly dans la meilleure atmosphère de confiance et efficacité.

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Disparition du fonds patrimonial Jacques de Cauna. Une lourde perte pour Haïti. Le point à ce jour.

18 Octobre 2024, 15:44pm

Publié par jdecauna

Habitation Torcelles au Boucassin, la case à  moulin avant 1980 © Fonds Jacques de Cauna. Cette petite sucrerie avait appartenu au président Boyer.

Habitation Torcelles au Boucassin, la case à moulin avant 1980 © Fonds Jacques de Cauna. Cette petite sucrerie avait appartenu au président Boyer.

Habitation Torcelle après l’incendie © Fonds Jacques de Cauna.

Habitation Torcelle après l’incendie © Fonds Jacques de Cauna.

C'est en apercevant le très beau toit de tuile de ce bâtiment colonial au milieu des cannes à sucre qui bordaient la route nationale n° 1 dans le quartier du Boucassin à l'Arcahaye que mon intérêt pour les vestiges d'habitations s'est éveillé et a connu un début de mise en oeuvre d'une recherche systématique avec la publication d'articles accompagnés de photos sur le sujet dans Conjonction, Revue de l’Institut Français d’Haïti sous le titre "Vestiges de sucreries dans la plaine du Cul-de-Sac" (Port-au-Prince, 1981, n° 149, p. 63-104, part. 1, et part. 2, n° 1985, n°165, p. 4-32.). Articles complétés un peu plus tard par une diffusion plus large dans la Revue de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie, juin 1986, no. 151, p. 75-78, sous le titre "Les vestiges de la colonie française de Saint-Domingue", et dans une revue belge de l'Université de Liège, sous le titre  "Architecture coloniale : Haïti, des richesses à découvrir", Art et Facts,, 1988, n° 7, p.58-65. De nombreuses communications et publications sur le sujet ont suivi, dont on trouvera la liste dans les pages de ce blog consacrées à mes publications, jusqu'au dernier point qui a été fait pour le grand colloque sur Les Patrimoines de la Traite et de l'esclavage tenu à l'Université de La Rochelle sous les auspices du Ministère du Tourisme dans ma communication publiée par sa revue In Situ n° 20, 2013, sous le titre "Patrimoine et mémoire de l’esclavage en Haïti : les vestiges de la société d’habitation coloniale en Haïti" que l'on pourra consulter en ligne.

Les deux images ci-dessus donnent une idée de la rapidité de disparition des vestiges historiques en Haïti. Les livrets numériques du Fonds Jacques de Cauna retirés sans le prévenir du site du CIRESC présentaient 500 photos légendées et regroupées par régions et quartiers, de sorte qu’on pouvait avoir immédiatement, en quelques clics, une vue générale des principaux vestiges de l’architecture coloniale dominguoise dans une localisation précise. Par exemple : Région Sud, Plateau du Rochelois (des caféières essentiellement), ou Région Nord, Quartier-Morin (près du Cap), de grandes sucreries, devenues parfois des palais christophiens, ou encore, un peu partout, des fortifications (Fort Picolet au Cap, fort Nolivos à l’Acul du Petit-Goâve...), des statues de personnages historiques, des églises (l’ancienne cathédrale de Port-au-Prince, construite en 1771, incendiée en 1991), des tombes (Cimetière intérieur de Port-au-Prince), des sites historiques (le Bois-Caïman), des ponts (Bréda du Haut-du-Cap), etc..., etc.

Plus d’un an et demi après ma première réclamation et après deux mois de relance faits récemment aux organismes institutionnels français impliqués dans la constitution puis la disparition de ces livrets numériques de présentation au public (voir les alertes précédentes sur ce blog), je n’ai malheureusement rien de positif à rapporter en matière de réponse, ni du CIRESC, ni du CNRS, à ce jour.

Cette situation de blocage incompréhensible depuis un an et demi d'un travail de quinze années qui n'appartient qu'à son auteur est inadmissible de la part de services publics français et préjudiciable à l'ensemble de la communauté scientifique internationale, et plus particulièrement en Haïti où elle constitue une lourde perte au moment même où des travaux importants sur le sujet sont en cours de développement.

Il n'est pas question qu'elle puisse perdurer ainsi. Tout devra être fait pour y remédier. De nombreux collègues ont déjà manifesté leur mécontentement et leur soutien. 

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Conférence Bayonne, le Pays Basque, Saint-Domingue, la traite des Noirs et l'esclavage

17 Septembre 2024, 08:34am

Publié par jdecauna

Conférence Bayonne, le Pays Basque, Saint-Domingue, la traite des Noirs et l'esclavage

CONFERENCE à BAYONNE / JOURNEES EUROPEENNES DU PATRIMOINE

Le Vendredi 19 septembre à 18h (1h30). R.V. : Bayonne, Grand salon de l’hôtel de Ville.

Gratuit, sans réservation, places limitées.

 

Bayonne, le Pays Basque, Saint-Domingue, la traite des Noirs et l'esclavage

Quelle place a occupé Bayonne dans « l'infâme commerce » (Condorcet) ? Un regard renouvelé sur le rôle des Basques et des Bayonnais dans l'esclavage colonial associé au grand négoce maritime transatlantique,

par le professeur Jacques de Cauna, docteur d'État (Sorbonne), Chaire d'Haïti à Bordeaux CNRS/EHESS, Université de Pau et des Pays de l'Adour.

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Quelle place a occupé Bayonne, « porte d'Espagne » dans « l'infâme commerce du bois d'ébène (le mot est de Condorcet) ? Jusqu'à la publication en 2009 de La traite bayonnaise au XVIIIe siècle, à partir d'un mémoire soutenu à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, le sujet, rarement évoqué dans l'histoire locale, n'avait jamais fait l'objet d'une étude approfondie. A partir du journal de bord retrouvé d'un des rares navires négriers bayonnais et des instructions d’un armateur à ses capitaines, l'ouvrage fait le point sur les opérations de traite, leur préparation et leur déroulement en les replaçant dans le contexte plus large des relations de la ville avec les autres ports atlantiques, l’esclavage, l'Afrique et les Antilles. Finalement, il est vrai que bien loin de Nantes, le grand port négrier français, ou même des ports de second ou de troisième ordre, de Bordeaux à Saint-Malo en passant par La Rochelle et Le Havre, Bayonne n'a été qu'un « gagne petit » de la traite, alors même que ses passagers, basques, béarnais et gascons, et ses produits des riches arrière-pays de l'Adour et de la Nive, se taillaient une place respectable dans le nouvel Eldorado des îles à sucre, la grande île de Saint-Domingue.

Tout compte fait, replacé dans le contexte plus large de l'esclavage colonial associé au grand négoce maritime transatlantique du siècle des Lumières, le rôle des Basques et Bayonnais dans un domaine mémoriel devenu aujourd'hui très sensible, mérite d'être considéré sous un tout autre angle historique, tant il a été décisif sur de nombreux points en raison d'une forte présence aux îles marquée dès l'origine par des hommes aux personnalités remarquables qui n'ont jamais hésité à agir dans ce qu'ils considéraient souvent à juste titre être le bon sens.

L’histoire locale a retenu en particulier, parmi bien d’autres liés à Bayonne, les noms des flibustiers Michel le Basque et le chevalier de Gramont, des gouverneurs de l’île de la Tortue et Saint-Domingue Jean-Baptiste Ducasse, Jean-Pierre de Casamajor de Charritte et Armand de Belzunce, de l’intendant Jean-Baptiste Laporte de Lalanne, de l’intrépide chevalier de Courréjolles, du colon Jean-Baptiste Gérard, député défenseur des gens de couleur, des aides-de-camp de Toussaint Louverture : Dubuisson, Méharon, Lamérenx, de Michel-Joseph Leremboure, premier maire de Port-au-Prince, de l’amiral de Bruix, créole bayonnais du Fort-Dauphin, du Basque Jean-Baptiste Charlestéguy, refondateur après l’indépendance du Rite Haïtien maçonnique, des grandes familles haïtiennes venues de Bayonne, les Gardères, Berrouet, Lissalde, Delvaille, Sansaric et bien d’autres, et surtout des grands abolitionnistes que furent le commissaire civil Etienne de Polvérel, syndic des Etats de Navarre et premier libérateur des esclaves, et le discret mais si important député du Labourd Dominique Joseph Garat…

Sans oublier les nombreux hommes de couleur d’origine basque ou bayonnaise qui s’illustrèrent à leur suite dans l’histoire antillaise, tel le simple et obscur soldat mulâtre basque nommé Garat qui fut le premier à oser tirer sur l’Empereur Jacques Ier Dessalines lors de l’attentat qui mit fin à son règne au Pont Rouge. Ou, bien mieux connu, l’emblématique héros mulâtre de la révolution guadeloupéenne, Louis Delgrès, qui préféra mourir en se sacrifiant avec ses dernières troupes dans l’explosion du fort Matouba plutôt que d’abandonner sa lutte pour la Liberté.

Bayonne peut s’enorgueillir d’avoir généré des personnages d’une telle envergure et d’avoir accueilli comme elle le fit la famille du grand précurseur de la liberté des Noirs, Toussaint Louverture, reçue avec les plus grands honneurs dans la ville par le maire, les corps constitués et la population au point que l’autorité policière bonapartiste centrale à Paris jugea plus prudent de l’exiler en résidence surveillée à Agen. On pense aussi dans le même ordre d’idées au séjour qu’y fit le général en chef dominguois de couleur Thomas-Alexandre Davy de La Pailleterie, dit Dumas, fils d’un noble marquis normand et d’une esclave haïtienne et père de l’auteur des Trois Mousquetaires, surnommé le Diable Noir par les Autrichiens qui le redoutaient tant. C’est à Bayonne qu’il reçut des Terroristes montagnards le surnom dangereux mais élogieux de Monsieur de l’Humanité pour avoir su refuser, comme la partie saine de la population, d’assister aux sanglantes exécutions à la guillotine depuis le balcon sur la place de la maison où les représentants jacobins l’avaient assigné à résidence. On peut voir au Musée Bonnat le magnifique tableau en pied du général Dumas en chasseur attribué à Louis Gauffier (fin XVIIIe) dont le dictateur Duvalier, Président à vie d’Haïti, conservait une copie en son palais national de Port-au-Prince.

Il ne serait sans doute pas superflu d’entretenir la mémoire de cette relation particulière avec les Îles par l’intermédiaire de noms de rues ou de monuments, comme en témoigne à juste titre, pour une période plus récente, la statue du cardinal Lavigerie, grand pourfendeur de l’esclavage arabo-musulman en Afrique, qui trône entre Nive et Adour (voir à ce sujet l’article d’Alexandre de La Cerda paru dans Baskulture du 17 octobre 2019 : Retour sur le cardinal Lavigerie, ses portraits et sa statue…).

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Historien, professeur et ancien diplomate dans la Caraïbe pendant vingt-cinq ans, docteur d’État de la Sorbonne, habilité à diriger les recherches par l’université des Antilles et de la Guyane, professeur honoraire des universités d’État d’Haïti (Ecole nationale des Arts), des West Indies (Mona, Jamaïque), de Bordeaux, de Pau et des Pays de l'Adour, ancien directeur du Centre de Recherche Historique de l’Institut français d’Haïti, aujourd’hui chercheur titulaire de la Chaire d’Haïti à Bordeaux (CNRS / EHESS) et membre de plusieurs conseils scientifiques de musées, de revues et instituts de recherche internationaux, Jacques de Cauna est l'auteur de plus de deux cents publications, collaborations et communications scientifiques internationales sur l'histoire de la Caraïbe et celle du grand Sud-Ouest, ainsi que d'une quinzaine d'ouvrages de référence parmi lesquels Au temps des Isles à Sucre, prix de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer (1987), Antilles 1789, la Révolution aux Caraïbes (Ed. Nathan, 1989, préface d’Aimé Césaire), L'Eldorado des Aquitains, Gascons , Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique, prix de l'Académie nationale de Bordeaux (1998), Haïti l’éternelle Révolution (prix de la Société Haïtienne d’Histoire, 1996), Amerindians, Africans, Americans. Three papers in Caribbean History (Kingston, West Indies Press, 1993), La société des plantations esclavagistes, Caraïbes francophone, anglophone, hispanophone. Regards croisés (2013), Toussaint Louverture. Le Grand Précurseur (Secrets d’Histoire, 2012) ou Cadets de Gascogne, prix des Trois Couronnes (2009). Après La Traite bayonnaise au XVIIIe siècle (Pau, Cairn, 2009), ses derniers ouvrages, Dynamiques caribéennes (2014), Fleuriau, La Rochelle et l'esclavage (2017), Toussaint Louverture, Bordeaux et l’Aquitaine (2023) traitent des questions très actuelles de migrations et de mémoire, d'identité et patrimoine.

 

Textes complémentaires de l’auteur sur le sujet :

- La traite bayonnaise au XVIIIe siècle.Instructions, journal de bord, projets d’armement, Pau, Ed. Cairn, 2009 (avec Marion Graff).

- Un fleuron de la construction navale bayonnaise au XVIIIe siècle, le négrier Le Robuste, Revue de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, n° 167, 2012, p. 143-156 (avec Marion Graff).

- Les Landes dans l'épopée maritime de la route des Amériques, voie de l'expansion gasconne XVIe- XVIIe s., Bulletin du Centre Généalogique des Landes, n° 117-118, 1e et 2e tr. 2016, p. 1655- 1678.

- L’Eldorado des Aquitains. Gascons, Basques et Béarnais aux Îles d’Amérique (XVIIe-XVIIIe s.), Biarritz, Ed. Atlantica, 1998.

- La colonisation française aux Antilles : les Aquitains à Saint-Domingue (XVIIe-XVIIIe s.), Tomes I et II, Thèse de doctorat d’État ès Lettres, Université Paris IV-La Sorbonne, 2000.

- Les Lamaignère, de Montfort et Bayonne. Soutenance de thèse de Madeleine Dupouy à Lorient, rapport, Bulletin du Centre Généalogique des Landes, n° 89, 1er trim. 2009, p. 935-936.

- Flibustiers basques et gascons de la Caraïbe, Cahiers du Centre de Généalogie et d'Histoire des Isles d’Amérique, n° 71, sept. 2000, p. 59-74.

- Michel-Joseph Leremboure, Bulletin du Cercle Généalogique du Pays Basque et du Bas-Adour, 1996, n° 19, p.15-16.

- Des esclaves à Capbreton au xviiie siècle, Bulletin du Centre Généalogique des Landes, n° 35, 1995, p. 361-364- Jean-Baptiste Charlestéguy, fondateur de la Franc-Maçonnerie haïtienne, Bulletin du Centre Généalogique du Pays-Basque et du Bas-Adour, 1992, n° 12, pp. 2-5.

- Noirs et gens de couleurs à Bayonne et dans Les Landes, Bulletin du Centre Généalogique des Landes, 1991, n° 19, p. 454-455.

- La sucrerie Clérisse à Saint-Domingue. Une histoire de famille, Paris, Cahiers du Centre de  Généalogie et d’Histoire des Isles d’Amérique, 1990, n° 32, p. 48-61, et A plantation on the eve of the haïtian revolution, New-Orleans, Plantation Society in the Americas, 1993, n° 2, p. 31-40.

- Bayonne et Saint-Domingue au xviiie siècle, Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, 1988, n° 144, p.85-104.

- Michel-Joseph Leremboure, un Basque premier maire de Port-au-Prince, Cahiers du Centre de Généalogie et d’Histoire des Isles d’Amérique, n° 17, 1986, 75-77

 

 

 

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Disparition du Fonds Jacques de Cauna. Quel remède ?

2 Août 2024, 08:52am

Publié par jdecauna

Un exemple de photos du fonds Jacques de Cauna. L'habitation sucrerie Delugé, à Montrouis (du nom du colon limousin Jean Pasquet de Lugé), l'une des trois dernières à fonctionner en Haïti dans les années 80. Aqueduc, case à moulin (à gauche), sucrerie (à droite),  savane (au centre). © J. de Cauna, 1984.

Un exemple de photos du fonds Jacques de Cauna. L'habitation sucrerie Delugé, à Montrouis (du nom du colon limousin Jean Pasquet de Lugé), l'une des trois dernières à fonctionner en Haïti dans les années 80. Aqueduc, case à moulin (à gauche), sucrerie (à droite), savane (au centre). © J. de Cauna, 1984.

Disparition du fonds Jacques de Cauna.

Quelques précisions en réponse aux questions posées.

Je tiens à remercier tout d’abord tous ceux qui ont réagi à l’article précédent sur la disparition de mon fonds photographique et me soutiennent, ainsi qu’à apporter quelques précisions, comme annoncé, pour éclairer un peu mieux ce qui se passe à la suite des premières réactions dans lesquelles dominent des termes tels que « incompréhensible », « inconcevable » ou « inimaginable », venant d’une institution à caractère national. Ou même : « scandaleux », « c’est du vol ! ».

Dans les cas de spoliations inacceptables de ce type, les réactions de soutien constituent toujours un réconfort d'une valeur inappréciable et très souvent une aide essentielle pour l'action réparatrice à mener car, rien ne doit être à ce niveau « irréparable ».

 

Voici ce dont il s’agit, pour la forme :

L’origine et la responsabilité de cette affaire incombe entièrement au CIRESC (Centre International de Recherche sur les Esclavages), organisme à caractère public ancré sur deux institutions nationales, le CNRS et l’EHESS, qui a tout simplement supprimé de son site la sélection d'environ 500 photos (constituant le Fonds Jacques de Cauna) réunies à sa demande par l’un de ses membres (l'auteur de ces lignes), sans même prendre la peine de l'en informer. 

Il ne s’agit malheureusement pas d'un bug ou d’une refonte éditoriale devenue nécessaire mais bien d'une disparition brutale venant d’une action délibérée du CIRESC dont la responsable ne répond plus depuis quelque temps et ne m'a jamais consulté sur ce sujet (ni d’autres d’ailleurs), alors même que je suis chercheur associé et conseiller scientifique du CIRESC depuis sa fondation et qu’on n’avait pas manqué jusque là de récupérer mes initiatives lorsque cela pouvait paraître utile ou profitable (l'aide à distance aux doctorants et aux collègues en formation, la diffusion des résultats de la recherche, dont la mise en relations avec l’éditeur Karthala toujours active, la production d’articles pour un dictionnaire de l’esclavage qui ne vit jamais le jour, la création et l’organisation des Rencontres Atlantiques internationales du Musée d’Aquitaine de Bordeaux, la création de la Chaire d'Haïti à Bordeaux, le partage confraternel sur demande de certaines communications lors de colloques et séminaires, dont notamment celui de la Direction du Patrimoine du Ministère de la Culture à La Rochelle… où déjà se perçoit clairement en annexe dans la publication des actes l'intention de s'approprier mon travail, en tout ou partie, en multipliant les noms d'intervenants, là aussi sans m’informer de cet ajout tardif avant publication...). Tout cela pour constater dans un premier temps qu’un mauvais coup n'est pas perdu pour tout le monde, comme on peut s’en douter : il est toujours plus simple de s'accaparer le travail des autres plutôt que de mettre en  oeuvre soi-même pendant de longues années une recherche au long cours pour la soutenance d’un Doctorat d'Etat ou d’une Habilitation à Diriger les Recherches !

 

Cela est déjà anormal, mais l’essentiel, bien plus grave, est ailleurs :

Il est capital pour Haïti que ce fonds ressorte pour être (re)connu du public international avant la disparition de son auteur et surtout après celle de nombreux pans matériels entiers visibles de la mémoire patrimoniale haïtienne détruits par l’évolution récente de l’état du pays.

Le fonds qui avait été mis sur site ne représentait en fait que la partie émergée d'un travail de plusieurs années (environ 500 photos sélectionnées sur 2 500 numérisées pour cette opération) et mériterait encore d’être enrichi et développé par le spécialiste qui l’a conçu, seul apte à s’y retrouver pour avoir travaillé quinze ans sur le terrain en Haïti, surtout après la destruction récente de bon nombre de ces vestiges mémoriels. 

 

Pour résumer brièvement le sujet sur le fond, tel qu’il était présenté à l’origine :

"Entre 1975 et 1990, à partir de repérages effectués dans des documents d’archives des XVIIIe et XIXe siècles suivis d’explorations et d’enquêtes d’archéologie industrielle de terrain, plus de 2 500 clichés de vestiges de la société d’habitation coloniale esclavagiste de Saint-Domingue et de son environnement urbain, militaire, religieux ou naturel, ont été pris en Haïti afin de garder trace d’un patrimoine menacé." (extrait de ma communication à La Rochelle publié dans la revue Insitu du Ministère de la Culture). 

 

Après plusieurs mois sans réponses, le point actuel est le suivant :

 

- Aucune réponse du CIRESC à mes messages téléphoniques ou mails. Mais on a bien pris le temps, curieusement, de s'offusquer de ma réaction légitime à un autre pillage en cours de même source (celui de ma première thèse, publiée sous le titre Au Temps des Isles à Sucre), évoqué dans ce blog en Mai 2023.

 

- Absence de réponse également à mes messages téléphoniques ou par mails au CNRS jusqu’à ce qu'une documentaliste de la Direction Images (que j’ai remerciée), contactée par formulaire de questionnement sur site, m’informe récemment de la malencontreuse absence du seul membre du personnel subsistant impliqué dans ce travail pour raisons de santé. L’adresse originelle http://www.cnrs.fr/cnrs-images/multimedia/haiti_de_cauna/index.html renvoie à une erreur de type 404 ("cette page ne répond pas"). On me précise n'avoir trouvé "aucune trace par ailleurs sur les serveurs du service". Il doit bien pourtant y avoir quelque part une copie d'archive de cet important travail et/ou un moyen technique de le retrouver ou restaurer par l'intermédiaire d'un technicien maison… On aurait du mal à croire qu'une institution nationale de l'envergure du CNRS ne conserve pas d’archives !

 

- Avant d’envisager d’autres moyens d’actions dans un cadre plus large, faudra t-il envoyer une lettre recommandée au Directeur du CNRS dont dépend le CIRESC afin d’amener ce dernier, premier responsable, à réagir dans le bon sens pour tirer cette affaire au clair et sortir par le haut en procédant à la restitution à son auteur de cet important travail de présentation (les cahiers numériques actifs des 300 photos sélectionnées, légendées et localisées) afin de lui permettre de continuer à travailler normalement dans le domaine de la transmission de la connaissance par la mise à disposition du public, national et international, de ces témoignages patrimoniaux (plus de 2 500 documents sous copyright au total) ?

 

 

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Avis de recherche : Le fonds Jacques de Cauna, patrimoine et mémoire de l'esclavage en Haïti, les vestiges d'habitations

12 Juillet 2024, 17:23pm

Publié par jdecauna

Un aperçu des éléments iconographiques figurant dans le fonds disparu © J. de Cauna 1984

Un aperçu des éléments iconographiques figurant dans le fonds disparu © J. de Cauna 1984

N. B. extrait résumé de la communication donnée par l'auteur au colloque organisé par le Ministère de la Culture à la Rochelle en 2011 pour présenter le fonds J. de Cauna récemment mis en ligne et brutalement disparu aujourd'hui du site hébergeur sans consultation de l'auteur. Un appel est lancé auprès du CNRS pour remédier à cette disparition inexpliquée par la récupération des livrets numériques correspondant à cet important travail et leur remise à la disposition de l'auteur.
 
Jacques de Cauna
Patrimoine et mémoire de l’esclavage en Haïti : les vestiges de la société d’habitation coloniale (extrait résumé)
               Les sucreries sont la sueur et le sang de nos aïeux : il faut les respecter
               (Mes étudiants de l’École Nationale des Arts, Université d'Etat d'Haïti,                      Frontispice de l’exposition Les Sucreries, Institut Français d’Haïti, 1989).

La première république noire du monde est aujourd’hui encore un véritable conservatoire du patrimoine historique de l’économie esclavagiste du XVIIIe siècle dont la grande plantation – connue sous le nom d’habitation aux Isles d’Amérique – était l’unité de base1. Comme dans l’ensemble des sociétés créoles antillaises, qu’elles soient francophones, anglophones, ou hispanophones, la grande plantation fut, en effet, le cadre de vie, de mort et de travail quotidien de la majorité des esclaves – nègres à talents, le plus souvent créoles, ou nègres de houe, en grande majorité bossales. Elle a perduré longtemps après les abolitions de l’esclavage.

Entre 1975 et 1990, à partir de repérages effectués dans des documents d’archives des XVIIIe et XIXe siècles suivis d’explorations et d’enquêtes d’archéologie industrielle de terrain, plus de 2 500 clichés de vestiges de la société d’habitation coloniale esclavagiste de Saint-Domingue et de son environnement urbain, militaire, religieux ou naturel, ont été pris en Haïti afin de garder trace d’un patrimoine menacé. Ces clichés concernent principalement les caféteries du front pionnier des mornes (plus de 3 000 à Saint-Domingue, occupant 60 % des terres cultivées), les indigoteries (autant, souvent associées aux cotonneries), guildiveries (qui fabriquaient le tafia), chaufourneries ou briqueteries, et surtout les sucreries (40 % de toute la fortune coloniale avec 900 unités de production sur seulement 14 % des terres), sources de la plus grande richesse avec des ateliers de 2 à 300 esclaves et un investissement en matériel élevé dans un cadre dont les plans, gravures et inventaires d’époque, et surtout les vestiges actuels disséminés dans les campagnes haïtiennes, révèlent l’organisation immuable entre bâtiments d’exploitation et d’habitation des grandes sucreries : au vent, au bout de la grande allée ouverte par un portail monumental à deux ou quatre piliers et grille en fer forgé, la Grand-case [maison de maître] en position dominante dans son enclos, avec ses annexes et dépendances (cuisine, poulailler, jardin, entrepôts, remises, cases des domestiques…) ; au-devant, la savane (ou « la cour ») où paissent les bêtes ; plus loin, pour éviter aux maîtres bruits, odeurs et risques d’incendie, les installations industrielles (aqueducs, moulins, sucreries, purgeries, étuves…) ; puis le quartier des esclaves, sous le vent ; le tout entouré de terres réservées aux plantations de denrées exportables et de vivres alimentaires pour l’atelier (bananes, manioc, riz, patates…). 

Cinq cents de ces clichés ont été sélectionnés et positionnés sur la Carte de l’Isle de Saint-Domingue Partie Françoise ou Hayti, 1789, revue et corrigée en 1804, par Delvaux, afin que l’on puisse localiser chaque site et chaque ruine de ces habitations qui ont produit la plus grande richesse coloniale de l’époque moderne.

En dehors des vestiges historiques urbains ou militaires, les ruines des quelque 8 500 habitations coloniales – le plus important réseau d’exploitation des Antilles – constituent actuellement un patrimoine d’une exceptionnelle richesse qui nécessite protection car il est très menacé et fragilisé par les déprédations climatiques et humaines.

Ces clichés témoignent de l’histoire des plantations esclavagistes, mais aussi, compte-tenu de la rapide disparition depuis quelques années de ces bâtiments, ils constituent un sauvetage virtuel de ce patrimoine historique et mémoriel.

                                                        &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

Conclusion

Au-delà de leur valeur purement esthétique et de la charge émotionnelle qui les habite, ces vestiges représentent pour Haïti un patrimoine architectural exceptionnel et irremplaçable que bon nombre de pays neufs pourraient lui envier. Véritables lieux de mémoire de l’esclavage dont ils ont constitué le cadre de la vie quotidienne pour la grande majorité de ses victimes et acteurs, ils sont en même temps les témoins de la longue histoire commune franco-haïtienne et l’expression d’un type de société pré-industrielle pionnière, à dominante agro-commerciale – la société créole esclavagiste d’économie de plantation fondée sur l’exploitation extrême d’hommes privés de leur liberté – dont Saint-Domingue constituait la pointe la plus avancée et qui a façonné toute cette région de la Caraïbe non seulement dans ses paysages et ses réalisations mais aussi bien plus profondément peut-être dans les valeurs humaines, les mœurs et les coutumes hérités d’une histoire de labeur et de souffrance. Après les troubles qui marquèrent la fin de la colonie et l’indépendance d’Haïti, la diaspora des anciens colons de Saint-Domingue et de leurs esclaves dans la Caraïbe a, en effet, contribué à répandre ce modèle dans les pays avoisinants – et plus particulièrement à Cuba (pour le sucre et le café), à la Jamaïque (pour le café) et à la Nouvelle-Orléans (pour le coton) –, justifiant ainsi aujourd’hui la nécessité d’un caractère transnational à donner aux recherches à venir. Au-delà de l’évidence de la médiation dominguoise dans la diffusion du modèle français, puis antillais en général, voire « américain », l’élargissement de la mise en perspective comparative dans un premier temps à d’autres pays de la Caraïbe (Jamaïque, Cuba, États-Unis, République Dominicaine…) devrait encore permettre d’utiles avancées de la connaissance.

Un premier travail de grande utilité pour les échanges entre chercheurs pourrait être la constitution d’un glossaire quadrilingue (français, espagnol, créole, anglais) des termes usuels du lexique de l’habitation, puis d’un répertoire des principales sources et de leur localisation. Il conviendrait ensuite, dans un second temps de croiser les travaux effectués dans différentes îles pour en tirer des synthèses à l’échelle caribéenne, avant d’affiner les résultats dans le sens d’une distinction entre les divers apports européens (et leurs lointaines origines) et ceux issus de l’incorporation d’éléments plus spécifiquement locaux relevant d’une certaine créolisation.

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Référence électronique

Jacques de Cauna, « Patrimoine et mémoire de l’esclavage en Haïti : les vestiges de la société d’habitation coloniale », In Situ [En ligne], 20 | 2013, mis en ligne le 13 février 2013, consulté le 06 mai 2013. URL : http://insitu.revues.org/10107 ; DOI : 10.4000/insitu.10107. Éditeur Ministère de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines © Tous droits réservés

Pour la bibliographie de l’auteur, voir en complément :

http://www.esclavages.cnrs.fr (site du Centre International de Recherche sur les Esclavages)

http://jdecauna.over-blog.com (blog de la Chaire d’Haïti à Bordeaux)

Références : Fonds Jacques de Cauna. Mémoire et patrimoine de l’esclavage en Haïti

Conception et rédaction : Jacques de Cauna, Myriam Cottias, Coordination et recherches iconographiques : Jacques de Cauna, Myriam Cottias, Véronique Ikabanga. Conception et réalisation graphique : Frédéric Eckly, Véronique Ikabanga, CIRESC/CNRS Images.

 

 

 

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Samedi 18 Mai 2024. Journée de la Mémoire de l'esclavage à Bordeaux avec Amitiés France - Haïti. Hommage à Toussaint Louverture

17 Mai 2024, 09:43am

Publié par jdecauna

Samedi 18 Mai 2024. Journée de la Mémoire de l'esclavage à Bordeaux avec Amitiés France - Haïti. Hommage à Toussaint Louverture
Samedi 18 Mai 2024. Journée de la Mémoire de l'esclavage à Bordeaux avec Amitiés France - Haïti. Hommage à Toussaint Louverture

FESTIVAL COMMEMORATIF 

Amitiés France - Haïti

10h - Square Toussaint Louverture, Bordeaux

14h - Espace Des Deux Rives, Ambès

RDV à 10h au Square Toussaint Louverture

10H15 : Honneur à Toussaint, Général en Chef de l’Armée de Saint-Domingue

La Danse du Drapeau

Discours d’introduction du président de l’Association Amitiés France-Haiti

La Dessalinienne

Dépôt de gerbe

Hommage Commémoratif à Toussaint Louverture, Père de la Nation Haïtienne

Poème de Frantz Kerby Matthieu

Discours des Invités d’honneur

Protocole Sécurité

De 15h jusqu’à 3h du matin à Ambès

16H00 : « Haiti et Demain ? »

Partie I Projection du Documentaire, « Haiti, debout malgré tout » - Mr Gilbert Balavoine, réalisateur

Partie II Atelier - Conférence - Débat - « Défis & Réalités » - modéré par Guy Ferolus, Haiti Inter

18H30 : « ExpoLimyè » Ayiti Art Show

Filipo Caymitte, Sculpteur Plasticien

J’Ose Midi, Artiste Peintre

Marie-Lourdie Chardavoine, Créatrice Styliste

Garry Legrand, Galeriste

Ashley, Tatoueur

22H30 : « Chill in Creole Vybes »

Dj ManT / Afrikay Soundsystem / Kaycko

AfroBeats - Shata - Amapiano - Kompa

De 14h jusqu’au bout de la nuit : « Fritay Sos Pwa »

Boukanage - menu proposé par Chef Jeff Voltaire

Banann peze - Griot - Diri djon djon - Pikliz

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Mémoire de l'esclavage. La Cérémonie nationale du 10 mai délocalisée à La Rochelle. Honneur à l'antériorité rochelaise.

14 Mai 2024, 14:34pm

Publié par jdecauna

Le 10 mai à La Rochelle avec le Premier Ministre Gabriel Attal (de dos) et Mme Nicole Belloubet, Ministre de l'Education

Le 10 mai à La Rochelle avec le Premier Ministre Gabriel Attal (de dos) et Mme Nicole Belloubet, Ministre de l'Education

Invitation officielle du Premier Ministre Gabriel Attal et de Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, en présence de Mme Nicole Belloubet, Ministre de l'Education.

Invitation officielle du Premier Ministre Gabriel Attal et de Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, en présence de Mme Nicole Belloubet, Ministre de l'Education.

 Invitation du Préfet de la Charente-Maritime et du mire de La Rochelle

Invitation du Préfet de la Charente-Maritime et du mire de La Rochelle

Mémoire de l'esclavage. La Cérémonie nationale du 10 mai délocalisée à La Rochelle. L'antériorité rochelaise à l''honneur.

Comme chaque année depuis la création en 2006 de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, selon la dénomination officielle qu'il convient de respecter dans sa rigueur originelle, les autorités nationales, présidentielles et ministérielles nous ont convié à participer personnellement aux cérémonies commémoratives du 10 mai qui se déroulent habituellement dans les jardins du Palais du Luxembourg. 

Comme chaque année aussi, depuis la même date, le Maire de La Rochelle, autrefois notre ami Maxime Bono, ancien conseiller culturel, premier adjoint puis successeur de Michel Crépeau, et aujourd'hui, son successeur, Jean-François Fountaine, grand marin médaillé des Jeux Olympiques, nous invitaient également aux mêmes cérémonies locales sur le port de La Rochelle. Cérémonies rochelaises auxquelles j'ai toujours tenu à assister depuis l'engagement pionnier que nous avions eu dans cette ville, à partir de la volonté politique de Michel Crépeau depuis 1982, avec l'équipe municipale et le regretté conservateur Alain Parent autour de l'inauguration du Musée du Nouveau-Monde consacré aux Amériques et à la Caraïbe. Avec dès l'origine, une très forte attache à l'histoire d'Haïti, en raison notamment au départ de l'implication d'Aimé-Benjamin Fleuriau à Saint-Domingue dont l'hôtel Fleuriau, siège actuel du Musée, acquis par la ville à la mort de son héritière la comtesse de Fleuriau, restait l'une des traces les plus remarquables (cf. J. de Cauna, Au Temps des Isles à sucre. Histoire d'une plantation de Saint-Domingue au XVIIIe siècle, Paris, Ed. Karthala, 1987, réédition 2003, thèse de doctorat L'habitation Fleuriau de Bellevue soutenue le 1er janvier 1982 à l'Université de Poitiers)

Pendant 25 ans, les visiteurs locaux et les nombreux touristes de passage purent ainsi découvrir au musée municipal, dès le salon d'accueil une exposition photographique, récemment disparue sous prétexte de modernisation et aujourd'hui bien regrettée, qui fut la première en France à présenter les sujets évoqués le 10 mai, bien avant  Nantes et Bordeaux. La disparition de cette exposition à caractère pédagogique pionnier est d'autant plus regrettable qu'elle s'accompagne, pour des causes sans doute similaires, de celle de la borne présentant au Musée d'Aquitaine à Bordeaux, dans la salle L'Eldorado des Aquitains, le cadre de vie quotidien des esclaves à partir des vestiges patrimoniaux haïtiens du temps des plantations coloniales, et de celle des mêmes représentations historiques accessibles encore il y a peu dans le Fonds Jacques de Cauna et disparues aussi soudainement du site hébergeur réalisé par le CNRS (cf. J. de Cauna, « Patrimoine et mémoire de l’esclavage en Haïti : les vestiges de la société d’habitation coloniale ». dans Les Patrimoines de la Traite négrière et de l’esclavage, publié en ligne sur le site In Situ Open Editions, 2013).

Après la création d'une allée Aimé Césaire en 2009 en bord de mer auprès du pavillon Fleuriau, puis, dans son prolongement reliant le Casino au Vieux Port, de la Promenade Toussaint Louverture (cf. J. de Cauna, Toussaint Louverture, le Grand Précurseur, Bordeaux, Ed. Sud-Ouest, 2012), la nouvelle municipalité consacra son implication mémorielle et historique par la réalisation d'une statue de Toussaint Louverture installée le 20 mai 2015 dans la cour d'entrée de l'hôtel Fleuriau. Face aux habituelles polémiques négatives, le sculpteur Ousmane Sow déclarait fermement dans son discours inaugural en dévoilant son oeuvre : « Surtout, Toussaint Louverture est ici à sa place. La Rochelle a le courage d’affronter son passé. En tant que Noir, je suis fier de l’histoire de Toussaint Louverture. Je ne crois pas aux repentances, mais il faut qu’on sache… Il faut avoir l’honnêteté de dire que s’il y a eu esclavage, c’est qu’il y a eu des gens qui ont vendu des esclaves... ». Cette déclaration, qui fait honneur à son auteur autant qu'au Grand Précurseur et à l'antériorité du travail historique rochelais, lance en même temps un courageux appel à l'extension temporelle et spatiale de la recherche historique sur le sujet (cf. J. de Cauna, Fleuriau, La Rochelle et l'esclavage. Trente-cinq ans de mémoire et d'histoire, Paris, Les Indes Savantes, 2017)

C'est dans ce long parcours mémoriel que s'inscrit aujourd'hui, dans le respect et la continuité de l'histoire locale et transatlantique, entre la Nouvelle Aquitaine, la Gascogne, Haïti et les Antilles, la sculpture rochelaise de la nourrice affranchie baptisée Clarisse par l'artiste haïtien Filipo et dont le pendant iconographique figure au Musée du Nouveau-Monde dans un beau tableau d'époque attribué au peintre rochelais Joseph Canet de Chanteloub et resté dans l'héritage créole d'une famille bordelaise.

Il revenait naturellement à la chaire d'Haïti à Bordeaux - compétente pour la Nouvelle Aquitaine et les quatre grands ports de notre région, de La Rochelle à Bayonne en passant par Rochefort et Bordeaux - de faire le point sur cette importante journée tenue dans ce haut lieu de mémoire en l'inscrivant clairement dans son contexte historique dans un souci de juste information.

 

 

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Journées d'Etude "Failles haïtiennes" à Sciences-Po Bordeaux

26 Avril 2024, 15:19pm

Publié par jdecauna

Journées d'Etude "Failles haïtiennes" à Sciences-Po Bordeaux

Haïti est un pays aux multiples failles : politiques, culturelles, économiques, … D’où viennent-elles ? Pourquoi perdurent-elles ?
Pour répondre à ces questions, deux journées d’études intitulées « Failles haïtiennes » ont eu lieu les 16 et 17 novembre 2023.

Ma contribution s'est présentée ainsi :

Jacques de CAUNA – Chaire d’Haïti à Bordeaux (Ciresc, CNRS), Universités de Bordeaux et Pau. La faille libertaire. Bâtir l'Etat sur l'individu. Nouveaux libres et nouveaux dirigeants.

Nous aurons l'occasion d'y revenir à parution des actes du colloque. En attendant, pour une présentation rapide, voir l'interview ci-dessous par Culture Haïti sur You Tube OSMOSE, en cliquant sur l'image ou le lien ci-dessous, ou en le plaçant dans votre navigateur :

Colloque sur les "Failles Haïtiennes" (12/17) || Jacques DE CAUNA ...

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Afrique de l'Ouest, Allada, Bénin. L’hommage 2024 à Toussaint Louverture

16 Avril 2024, 17:04pm

Publié par jdecauna

Isaac Louverture_ Dadah Adjahouto Dodo II. L'héritage © Reine Aïdji 2024.

Isaac Louverture_ Dadah Adjahouto Dodo II. L'héritage © Reine Aïdji 2024.

Toussaint Louverture Day Celebrated in the Presence of the Great Historian Jacques de Cauna.

Press release of The Royal Chamber and The University of the  State Of the African Diaspora  (SOAD) from Benin.

Communiqué de presse à retrouver sur le site du SOAD en quatre langues : anglais, français, espagnol, portugais.

Communiqué de Presse

La Journée Toussaint Louverture célébrée en présence du grand historien Jacques de Cauna. 

La Reine Aïdji, Ministre du Patrimoine, chargée des Journées Nationales de SOAD, a lancé la Journée Toussaint Louverture en présence de son Excellence le Premier Ministre Dr Louis-Georges Tin et de son Excellence le Président du Parlement, Melvin Brown.

L’invité d’honneur était le professeur Jacques de Cauna, historien, ancien diplomate dans les Caraïbes pendant vingt-cinq ans, puis chargé des relations internationales au cabinet du recteur de l’Académie de Bordeaux, professeur honoraire aux universités d’État d’Haïti et de Pau et des Pays de l’Adour, ancien directeur du Centre de recherche historique de l’Institut français d’Haïti. Il est Commandeur de l’ordre national Honneur et Mérite de la République d’Haïti, Officier des Palmes Académiques, médaillé du Ministère des Anciens Combattants et de la ville de La Rochelle pour ses activités patrimoniales.

La cérémonie commémorait donc la mort de Toussaint Louverture, le 7 avril 1803, décédé au Fort-de-Joux dans le Doubs où Napoléon Bonaparte l’avait déporté sans jugement. Ayant fait sur le sujet des recherches approfondies, la Reine Aïdji a rappelé les véritables origines de Toussaint Louverture, qui se trouvent à Allada, au Bénin. Sa grand-mère avait été enlevée à la famille Aïzo et emmenée comme esclave en Haïti. Il en est de même pour d’autres membres de la famille lorsque, en 1724, le royaume d’Abomey prend possession d’Allada. C’est à cette époque que le père de Toussaint Louverture, ministre du roi tué à la guerre, fut déporté avec tous les captifs vers Haïti.

Le professeur de Cauna a été ravi d’apprendre la partie africaine de l’histoire de Toussaint. Il a lui-même développé la vie privée de Toussaint, en mettant l’accent sur sa formation, sa famille, ses relations sociales, et même sa descendance, qui se retrouve aujourd’hui en Afrique, en Europe et dans les Amériques. M. de Cauna a également un fait important, le rôle actif de Toussaint dans l’insurrection des esclaves à Bois-Caïman. En effet, à côté de la cérémonie vaudou, il y a eu une rencontre politique, à laquelle il a grandement participé, et c’est là qu’ont été jetées les bases de ce qui allait devenir la Révolution Haïtienne. Cet exposé passionnant a été accompagné d’illustrations, qui ont rendu l’exposé particulièrement captivant. Toutes ses recherches ont été publiées dans plusieurs livres importants, et notamment à Bordeaux, Editions Sud-Ouest, Toussaint-Louverture, le Grand Précurseur.

 A la fin de la rencontre, la Reine Aïdji a tenu à indiquer que des actions sont prévues pour poursuivre l’héritage de Toussaint Louverture. En effet, la Chambre Royale a décidé de faire des villages dans les royaumes, et dans celui de Dadah Adjahouto Dodo, Empereur des Aïzos, région d’où venait la famille de Toussaint, deux maisons seront dédiées aux vies de Toussaint Louverture et de Dessalines, pères de la nation haïtienne. Dans un autre village, une Maison pour Haïti sera construite, ce qui sera une autre façon de renforcer les liens entre l’Afrique et la Diaspora.

 

 

 

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Commémoration Toussaint Louverture en son royaume d'Allada

5 Avril 2024, 13:14pm

Publié par jdecauna

Une invitation en provenance du Bénin

Une invitation en provenance du Bénin

 
Queen Aïdji, Minister of Historical Legacy for  SOAD,
invites you to a Zoom meeting to commemorate
Toussaint Louverture
On April 6th 24
At 5 pm London Time
  6:00 PM Paris time

Our Guest of Honor will be Professor, Historian J. de Cauna.
The title of his presentation is "Toussaint Louverture. Le Grand
Précurseur".

Other guests :
Dadah Adjahouto Dodo
The Leadership of SOAD

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