Tina, sur les traces des ancêtres cubains. Entretien avec Ghislaine Graillet.
Au départ est une belle photo de famille des années 1900 sur laquelle figurent, parmi d'autres personnages, mes grands-parents, mariés à Cuba où mon grand-père était consul à Santiago, dans l'Oriente. Il y avait épousé ma grand-mère, Augustina Rousseau, née Verdereau, descendante de colons français réfugiés de Saint-Domingue, propriétaires d'une grande sucrerie dans la vallée de San Luis. Je l'ai très peu connue et elle parlait peu de ses origines créoles.
Partie sur ses traces à Cuba, j'ai pu y retrouver quelques témoignages émouvants et remonter la lignée familiale de plus d'un siècle, jusqu'au grand précurseur de la présence française dans cette partie de l'île, le Béarnais Prudent de Casamajor, qui avait fui les troubles de la révolution des esclaves en Haïti. Devenu Prudencio Casamayor, il avait fondé à Cuba une grande famille et joué un rôle historique, politique et surtout économique très important, notamment dans l'essor caféier du pays. Bien des mystères subsistent, mais cette plongée dans une histoire qui m'était inconnue m'a au moins permis de mieux comprendre mon père, trop tôt disparu...
Les guerres successives et les cataclysmes conduisent les Français à quitter le pays, tandis que la famille résiste au fil des générations, jusqu’à la révolution castriste en 1959, qui les oblige à s’exiler de nouveau.
C’est grâce à un témoin vivant, l’homme de confiance du frère de ma grand-mère, dernier propriétaire français des sucrières de la région de Santiago, que la dernière saga familiale est racontée, avec toute l’émotion d'un homme qui a perdu sa “seconde famille” comme il le répète souvent. Ce grand-oncle s’étant suicidé à la suite d'une grave maladie, le témoignage de fidélité de ce Cubain est d’une force sans précédent. Des photos qu’il a gardées précieusement, ainsi que de nombreuses lettres d’archives retrouvées à Cuba étayent ses propos.
Après avoir rencontré l’historien Jacques de Cauna, auteur de nombreux ouvrages sur l’Aquitaine et Haïti, J'ai pu compléter l'enquête en intégrant des documents des archives du Quai d'Orsay et des images tournées en 2015 dans le Béarn et en particulier à Sauveterre où j’ai pu interviewer Paul de Casamajor, un descendant de la branche familiale qui était restée en France.