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Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux

L'énigme de la Belle Dame du château de Mauvezin enfin résolue ?

14 Janvier 2022, 18:21pm

Publié par jdecauna

La plaque héraldique armoriée et la devise du comte Jean Ier de Foix-Béarn au château de Mauvezin

La plaque héraldique armoriée et la devise du comte Jean Ier de Foix-Béarn au château de Mauvezin

J’ay Belle dame : l’énigme héraldique du château de Mauvezin enfin résolue ?

« Quelle est donc l'origine et la signification de la devise inscrite sur le château de Mauvezin : J'ay belle dame – se demandent comme beaucoup d’autres, dans un article récent, nos amis de l’Escola Gaston Febus. Plusieurs hypothèses sont avancées. Beatrix d'Armagnac, épouse du jeune Gaston de Foix, ou Jeanne d'Arc, compagne d'armes de Jean de Grailly ? ». Ni l’une, ni l’autre… Nous pouvons l’assurer, la première n’ayant été que la fiancée du jeune vicomte Gaston, et la seconde état encore plus improbable.

La notice officielle du Ministère de la Culture voudrait l’attribuer, de manière tout aussi improbable, à Gaston Febus dont on sait très bien qu’il arborait plutôt dans ces circonstances la devise Febu me fe : « Au-dessus de la porte d'entrée se trouve un écusson. Dans un cadre formé de feuillages frisés ayant à leur départ deux marmousets à tête en bas et soutenu par une moulure décorée de façon analogue, se trouvent les emblèmes héraldiques de Gaston Phoebus. Au centre, la devise Jay belle dame ».

On peut déjà affirmer sans crainte d’erreur que cette identification est fausse. Pierre Tucoo-Chala, dont on ne peut nier ni la connaissance du sujet ni sa passion pour Febus qu’il a littéralement en son temps ressuscité, disait déjà en 1988 : Jean Ier fit apposer ses armes sur le château de Mauvezin ; cette fois au lieu de la formule Febus me fe, il fit inscrire dans la pierre sa devise J’ay belle dame, devise qu’il avait prise lors d’un séjour la cour de France au cours duquel ses aventures amoureuses avaient été célèbres »1. On verra plus tard ce qu’il faut penser de cette dernière observation, déjà avancée par Séverin Dubarry : « Jean de Grailly… aurait gravé sur la dalle héraldique sa devise ramenée de la cour de France »2. L’origine en serait dans le chroniquer Miguel [Michel du Bernis] qui rapporte que « tout jeune encore, apportant à la cour dissolue et efféminée des Valois l’ardeur de sa vingtième année et les hardiesses de sa race guerrière, il y obtint un assez grand succès et put prendre avec raison peut-être cette flatteuse devise : « Ay bela dama »3.

Quoi qu’il en soit, plusieurs témoignages probants de première main qui ont été conservés nous renvoient effectivement à Jean IV de Grailly, Ier de Foix-Béarn. C’est par exemple le remarquable monument de la vénérie au XIVe siècle, communément appelé Le Livre de la Chasse de Gaston Febus4 dont un manuscrit de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, qu’on suppose avoir appartenu à Jean de Grailly, un de ses successeurs (1412-1436), porte au verso du folio CCXIV, l'inscription suivante, copiée en grosse écriture gothique : « Ce livre est à celuy qui, sanz blasme,
En son droyt mot porte : J'ay belle dame
 ». Le chroniquer normand Alain Chartier en témoigne également dans un passage de son poème intitulé Le Débat des deux fortunés d'amour : « Aussi son port en fait assez témoignage et rapport comme celui qu’amour mène à bon port : J’ay belle Dame »5. Ou pour être plus précis : « Et qu’il veut bien à belle dame avoir / Aussi son port / En fait assez témoignage et rapport / Car en son mot il porte par déport / Comme celuy qu’Amours mène à bon port / J’ai belle dame »6.

Si le porteur de la devise est clairement identifié, il n’en est pas de même pour la « belle dame » qui garde tout son mystère, même si Alain Chartier estime que cette devise de l’ex libris de Jean Ier de Foix-Béarn paraît se rapporter à Jeanne d'Albret, fille de Charles d'Albret, connétable de France, qu’il épousa en secondes noces en 1423.

L’énigme reste d’autant plus déconcertante que la devise semble continuée et complétée par celle du fils aîné et successeur du comte Jean, Gaston IV qui, lors des joutes de Nancy où il se distingua en 1445 devant le roi, portait en lettres d’or sur la housse en velours cramoisi de son destrier : « C’est moi qui l’a »

Pour reprendre l’auteur de l’une des études qui font référence sur le château de Mauvezin, « les chercheurs qui se sont inutilement donné tant de peine pour expliquer la première n’arriveront pas mieux à pénétrer la seconde et l’interprétation qu’on pourra donner de l’une et de l’autre ne sera jamais qu’une hypothèse... »7.

C’est pourtant sur cette voie hasardeuse que l’on peut tenter d’aller plus loin, en s’interrogeant sur le lien possible entre ces deux devises à partir du postulat sémantiquement pas tout à fait illégitime que l’une n’irait pas sans l’autre et que toutes deux désigneraient ainsi la même personne ! On pense bien sûr à l’exemple antérieur célèbre de la destinée de Diane de Poitiers à travers son influence sur deux rois, père et fils, François Ier, qui la tenait en grande estime en position de favorite auprès de son fils pour son éducation, et Henri II, de vingt-et-un an plus jeune qu’elle, qui alla plus loin en faisant d’elle sa maîtresse attitrée pendant plus de vingt ans.

Mais avant toute chose, il faut, comme toujours en histoire, placer convenablement le contexte chronologique. Jean IV de Grailly, Ier de Foix-Béarn, comte de Foix, de Bigorre, vicomte de Béarn, de Marsan, etc., né vers 1382 et décédé en 1436, épousa d’abord à 20 ans en 1402 Jeanne d’Evreux-Navarre, fille du roi de Navarre Charles III « Le Noble » et de Doña Léonor de Castille, laquelle décéda du vivant de son père en 1413 sans postérité ; il resta veuf une dizaine d’années avant de se remarier en février 1422 à Jeanne d'Albret, fille de Charles Ier, sire d'Albret, qui, elle-même, décéda en 1435 ; il se remaria alors presque immédiatement, comme le voulait la coutume, en 1436, à Jeanne d'Aragon, fille du comte d’Urgel avant de mourir le 4 mai de la même année âgé de 54 ans.

Seul le mariage d’Albret lui apporta une postérité légitime en la personne de son fils aîné, Gaston IV, tige des rois et reines de Navarre qui suivront, issus de son mariage avec la reine héritière Eléonor de Navarre, et dans la branche collatérale en la personne de son cadet Pierre de Foix-Béarn, tige des maisons de Lautrec et de Villemur.

On lui connaît par ailleurs cinq enfants naturels reconnus et porteurs, selon la coutume familiale du nom de Béarn : Bernard de Béarn, seigneur de Gerderest, marié en 1433 à Catherine de Viella, remarié en 1453 avec Isabeau de Gramont, mort en 1469, tige d’une branche fondue dans la suivante ; Jean de Béarn, seigneur de Miossens, né vers 1412, marié en 1436 à Angline de Miossens ; Péés de Béarn, abbé de Saint-Pierre de Bordeaux, mort sans postérité ; Diane de Béarn, mariée en 1439 à Mathieu de Lescun, maison fondue dans celle de Lautrec ; et Isabelle de Béarn, mariée en 1442 à Bernard, baron de Cauna, dont la postérité, en partie subsistante, se trouve par conséquent apparentée directement aux rois de Navarre et de France. Mariage d’autant plus remarquable à travers l’inscription dans le cadre royal navarrais d’ambitions béarnaises très nettement affirmées, que le dit Bernard de Cauna se remariera ensuite, devenu veuf, avec Jeanne de Beaumont-Lérin-Navarre, d’une branche collatérale naturelle Evreux-Navarre du sang de France, issue de Philippe III Le Hardi, fils de Saint-Louis8.

Il est à remarquer que les mariages de ces enfants naturels s’échelonnent effectivement sur une dizaine d’années et que leurs naissances paraissent ne devoir se s’envisager conséquemment que durant ces années de célibat du comte Jean, entre le décès de sa première épouse en 1413 et le remariage avec la seconde en 1422. La dernière de ces enfants naturels, Isabel, née donc au plus tard en fin de période, vers 1422, aurait eu dans le pire des cas environ 21 ans à son mariage, ce qui reste plausible.

Comme on le voit donc par l’observation des dates de ses trois mariages, le comte Jean se remaria très vite la troisième fois, moins d’un an après le deuil de son épouse, comme cela se pratiquait couramment. Mais on constate qu’après le décès de sa première épouse, il s’écoula une bonne dizaine d’années avant qu’il ne songe à se remarier. C’est dans ce long intervalle entre 1413 (mort de Jeanne de Navarre) et 1422 (remariage avec Jeanne d’Albret), que doit se situer le plus logiquement possible, plutôt que dans sa prime jeunesse, l’épisode de la liaison avec la belle dame qu’il aurait connue – nous dit-on le plus souvent – à la cour de France. Son biographe, Flourac, nous dit que Jean de Grailly « beau et magnifique seigneur » fut un des compagnons de Jeanne d'Arc et portait fièrement la devise du château de Mauvezin, « J’ay belle Dame ». Et il ajoute : « En grandissant dans une cour royale où les mentalités aristocratiques sont forcément présentes, l'esprit du jeune homme s'est bien sûr empreint de l'idéal chevaleresque. C'est d'ailleurs à ce moment là, nous dit Michel du Bernis, qu'il crée sa devise marquée par une conception courtoise de la chevalerie : Et ledit Jean, qui était au service du roi, créa en son courage son enseigne qu'il fit en la fleur de sa jeunesse ; c'est à savoir : « J'ai belle dame »9.

Selon cette version, il faudrait donc s’en tenir à une création de la devise avant le premier mariage de 1413, avant même sans doute la mort de son père, Archambaud de Grailly le 23 février 1412, époque à laquelle il avait 30 ans, bien loin déjà de sa « prime jeunesse ». Mais alors resterait entière l’énigme de la devise de son fils Gaston en 1445 (« C’est moi qui l’a »), plus de trente ans plus tard, ce qui nous donnerait une « belle dame » bien trop âgée s’il s’agissait bien, comme on pourrait à juste titre le penser sur ce fondement, de la même personne.

A moins – et c’est le seul échappatoire – de lier les deux devises sur la base d’une autre temporalité, en se reportant à la dizaine d’années évoquée plus haut entre 1413 et 1422 durant laquelle le comte Jean, dont la fidélité au roi de France a jusque là fluctué, construit sa domination sur les terres héritées de son père avant de récupérer enfin en 1425 la vicomté de Lautrec et de recevoir du roi Charles VII, parmi d’autres domaines, le comté de Bigorre, ce qu'il ne manque pas de faire apparaître immédiatement sur ses armoiries par l’imposition de l’écu de gueules aux deux léopards d’or passants « sur le tout » que constitue l’écartelé traditionnel de Foix-Béarn aux pals et aux vaches. En matière d’héraldique, c’est aussi à la même époque qu’il reprend le meuble du dragon qu’il avait déjà utilisé dans sa jeunesse lors d’un tournois (mais sans mention de la « belle dame ») et qu’il appose en 1425 sous l’écu de la plaque héraldique de Mauvezin dans son entreprise de restauration du château.

Cette tranche temporelle admet de manière bien plus crédible une belle dame âgée d’une quinzaine à une vingtaine d’années tout à fait susceptible d’être la mère d’Isabel de Béarn qui aurait été âgée elle-même tout au plus d’une vingtaine d’années lors de son mariage en 1442 avec "lo noble é baron en Bernad, senhor de Caunaa et Poialer", qualifié généralement de « Messire Bernard de Cauna, chevalier, noble et puissant seigneur et baron de Cauna et Poialer » mais aussi de Mauco, Mugron, Lourquen, Ségas, Aurice, Escoubès, Lahontan, Toulouzette, Poy, Patin, Miremont, Hauriet, Saint-Paul, Herm, Gourbéra, Anoye, Aressy, Assat, Astis, Boeil, Meillon, Narcastet, Gelos, etc. Mariage éminemment politique par lequel le comte Gaston IV, en donnant sa sœur à son fidèle capitaine du château de Pau, cousin et vassal béarnais, s’assurait en même temps par son origine chalossaise et son ascendance dans les anciens vicomtes de Marsan dont il était lui-même l’héritier, la paix sur ses marches septentrionales de la Chalosse, du Marsan, du Tursan, et plus généralement sur la majeure partie de la sénéchaussée des Lannes.

Il m’avait été donné d’aborder cette hypothèse il y a une quinzaine d’années dans un ouvrage de monographie familiale10 :

« Le pacte de mariage fut signé le 11 mai 1443, à l'occasion de la réunion des Etats des Lannes à Saint-Loubouer, et ratifié à Orthez le 5 octobre suivant, avec 3000 florins de dot et promesse de tournedot (retour de dot) en cas d'absence d'héritiers selon la coutume béarnaise11. On ne connaît pas le nom de la mère d'Isabelle. Existe-t-il quelque rapport entre elle et la "belle dame" pour laquelle Jean Ier fit graver sur les murs de son château de Mauvesin en Bigorre la célèbre devise "J'ay bela dama" ? Etait-elle également la même personne que la mère de Bernard, bâtard de Béarn qui est l'aïeul des Gramont par son mariage avec Isabeau de Gramont ? Que ces enfants naturels soient ainsi aussi bien alliés dans des familles de premier plan et bénéficient d'une reconnaissance écrite de leur statut irrégulier doit nous induire à penser que leur mère était issue de haut lignage. Compte tenu de leur age présumé au mariage et du veuvage sans postérité de Jean Ier en juillet 1413 avant un remariage en 1422, c'est entre ces deux dates qu'il faut comme on l’a vu vraisemblablement situer leur naissance, à une époque où Jean Ier recherche la main de Blanche de Navarre, sœur cadette et héritière de sa première épouse, l'infante Jeanne, et peu avant la période où il devient très influent à la Cour de France (1425-1427) au point qu'un fils de France né le jour de son arrivée se voit attribuer le prénom de Jean »12.

« La date portée sur le contrat de mariage de Bernard de Cauna et d'Isabel de Béarn est le 11 mai 1443. Les témoins, tous proches parents, qualifiés de « Monseigneur », sont : Mérigon de Castillon, seigneur de Mauvezin, Esteven de Talauresse [le neveu et héritier de Lahire dont la fille Anne, s’alliera quelques années plus tard à Menauton de Cauna], faisant pour le vicomte de Tartas [Charles d'Albret], « Bernat, senhor de Gavaston » [qui est Bernard de Béarn, seigneur de Gabaston, lignée issue, comme les Cauna et les Béarn, des vicomtes de Marsan], et "Ramon, senhor de Doazit et Bielar [Viella, maisons alliées aux Cauna]. Ont également signé : l'évêque de Tarbes [depuis 1441, c’est Roger de Foix, parent du marié] et « Monsenhor Arnaud de Bresquit pour le dit senhor comte [Gaston, frère d'Isabel] ».

J’ajoutais en complément quelques années plus tard les lignes qui suivent :

« La relecture attentive de ce contrat de mariage permet sans doute de résoudre l'énigme de l'inscription du château de Mauvezin : J'ay bela dama. On peut déduire de la présence de « Mérigon de Castillon, seigneur de Mauvezin », comme témoin à ce mariage que cette « belle dame », est très probablement, comme je le supposais alors, la mère d'Isabel et sœur d’Aymeric, alias Mérigon, seigneur de Castelnau d’Eauzan, La Barrère, Bézaudun, Jeaulin en Mauvezin… etc., qui est, lui, par conséquent, oncle de la promise et du premier témoin. De même lorsque Catherine de Cauna, fille de Bernard et Isabel, épouse quelques années plus tard, en 1491 Guilhem-Ramon de Castillon [mort sans postérité, qui était fils du même Aymeric, alias Mérigon, seigneur de Castelnau d’Eauzan et chef de famille], elle se marie avec le cousin germain de sa grand-mère (la "belle dame") chez laquelle elle vit sans doute puisque son second contrat de mariage (avec Jean de Noailhan) est passé à Mauvezin »13.

Cette union politique paraît être ainsi finalement, comme très souvent, une affaire de famille. On a vu en effet comment tous les témoins appartiennent à la parentèle de l’un ou de l’autre des époux, sauf curieusement (pas encore !) le premier d’entre eux, Mérigon, seigneur de Mauvezin. On ne connaît à cette époque qu’une sœur d’Aymeric, alias Mérigon son oncle, Catherine de Castillon, mariée assez obscurément vers 1425, au moment même où le comte Jean Ier restaurait le château de Mauvezin, à Jean du Busca de Monlezun. S’agirait-il là aussi d’un mariage « arrangé » ?

Catherine de Castillon n’aurait eu pour finir en 1443 qu’à peine 33 ans, ce qui laisse place à quelques belles années encore pour faire d’elle la belle dame qui pourrait justifier la devise possessive de Gaston IV, âgé lui d’environ 19 ans (« C’est moi qui l’a »). On peut très bien comprendre alors que la situation très particulière à ce moment-là de la « belle dame » n’ait pu lui permettre d’assister dignement au mariage de sa fille naturelle avec celui qui était probablement (ce n’est toutefois qu’une hypothèse) devenu son amant en prenant la suite de son propre père décédé en 1436. Et pourquoi c’est alors son neveu, le second Mérigon de Castillon, qui représentait la famille des seigneurs de Castelnau d’Euzan et de Mauvezin, ce dernier titre lui ayant été apporté par son mariage avec Braylette de Sarrus, dame de Mauvezin. Décidément...

Jacques de Cauna, Docteur d’État (Sorbonne)

1 Pierre Tucoo-Chala, Forteresses pyrénéennes de Gaston Fébus, Toulouse, Loubatières, 1988, p. 11.

2 Séverin Dubarry, conservateur, La Bigorre dans l’histoire… Le Château-fort de Mauvezin, Tarbes, Imp. St-Joseph,1962, p. 15.

3 Miguel del Verms [Michel du Bernis, archiviste des comtes Archambaud de Grailly, JeanIV et Gaston IV], Chronique des comtes de Foix en langue béarnaise (1445), Ed. Buchon, Paris, 1838, p. 259.

4 Gaston Febus, Des déduicts de la chasse et des bestes sauvaiges et des oyseaux de proye, Bibliothèque nationale.

5 Bulletin de la Société française des reproductions de manuscrits à peintures, vol. 5, Macon, Protat frères, 1921.

6 BN ms n° 1642 et 2262, Alain Chartier, cité par G. P. dans « Note additionnelle sur Jean de Grailly, comte de Foix », Romania, vol. 15, n° 60, 1886, Droz, p. 611-613.

7 Séverin Dubarry, op.cit., p.58.

8 Pour plus de détails d’ordre généalogique et historique, voir Jacques de Cauna, « Une suite de sept pièces de tapisserie armoriées des rois de Navarre », Revue de Pau et du Béarn, SSLA Pau, n° 44, 2017, p. 53-81.

9 Miguel del Verms, Cronique dels comtes de Foix et senhors de Bearn, op. cit. …, p. 590 : « Et lo dit Johannot, estan al servisi deu rey, concebet en son coratge la sua ensenha qua fazia en la flor de sa joventut ; so es saber : J'ay bela dama ».

10 Jacques de Cauna, Cadets de Cascogne. La maison de Marsan de Cauna, Capbreton, chez l’auteur, 202, tome II,

11 ADPA, E 319, f° 264, r°, et Tauzin, Saint-Sever, Borda, 1916, p. 50.

12 Léon Flourac, Jean I°, comte de Foix, vicomte souverain de Béarn…, Paris, Picard, 1984, p. 175-184.

13 Jacques de Cauna, Cadets de Cascogne. La maison de Marsan de Cauna, Orthez, Princi Negue, 2006, Tome IV, p. 251, Additions et corrections, Tome II, chapitre des barons de Cauna, p. 94, XXVII.

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Vient de sortir : Centre Généalogique des Landes, bulletin n° 135, 2021

5 Janvier 2022, 17:27pm

Publié par jdecauna

Extraits de l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier pour la ville de Tartas

Extraits de l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier pour la ville de Tartas

Un riche sommaire : monographie familiale Destanque ; paléographie : Estévenot de Talauresse, dit Lahire le Jeune ; sigillographie : sceaux disparus : de Poyloault de Cauna ; in mémoriam : Henri de Verthamon...
Un riche sommaire : monographie familiale Destanque ; paléographie : Estévenot de Talauresse, dit Lahire le Jeune ; sigillographie : sceaux disparus : de Poyloault de Cauna ; in mémoriam : Henri de Verthamon...

Un riche sommaire : monographie familiale Destanque ; paléographie : Estévenot de Talauresse, dit Lahire le Jeune ; sigillographie : sceaux disparus : de Poyloault de Cauna ; in mémoriam : Henri de Verthamon...

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Histoire et patrimoine en temps de wokisme

19 Décembre 2021, 18:27pm

Publié par jdecauna

Vestiges du moulin à piler de la caféterie Moneyron. © Jacques de Cauna, fonds iconographique Haïti, 1980

Vestiges du moulin à piler de la caféterie Moneyron. © Jacques de Cauna, fonds iconographique Haïti, 1980

Activités américaines récentes de la chaire d’Haïti à Bordeaux

Le Mardi 7 décembre, la chaire d’Haïti à Bordeaux a reçu notre collègue américain, le professeur Paul Cheney, de l’Université de Chicago dont il a dirigé naguère l’annexe parisienne. Paul est l’auteur de Cul de Sac. Patrimony, capitalism, and slavery in French Saint-Domingue, remarquable étude monographique qu’il nous avait dédicacée à parution, de l’habitation (plantation) familiale du marquis de Ferron de La Ferronnays établie en sucrerie dans la plaine du Cul-de-Sac, à laquelle était venue s’ajouter celle de son épouse créole, Marie-Elisabeth-Thimotée Bineau, demoiselle, héritière richement dotée et propriétaire d’une autre sucrerie à la Grande-Rivière de Léogane. Paul Cheney, avait eu la délicatesse de nous dédicacer à parution son ouvrage qui, tout en s’inscrivant dans une dimension économique et sociale plus largement convoquée, n’est pas sans rappeler, ne serait-ce que par sa proche localisation dans la plaine du Cul-de-Sac et les aspects humains du quotidien familial admirablement rendus, celui issu de ma première thèse à l’Université de Poitiers sous la direction de Jean Tarrade, Au Temps des Isles à Sucre (Ed. Karthala, 1987), préfacé par Jean Fouchard, qui est une histoire de l’habitation Fleuriau des origines à nos jours.

L’objet des recherches actuelles à Bordeaux de notre collègue américain est la préparation d’un ouvrage consacré à notre regretté maître Gabriel Debien, disparu en 1990 après avoir promu et consacré au premier rang dès les années 50 dans le champ de l’histoire que l’on qualifiait alors simplement de « coloniale », l’étude de ce qu’il appelait les « papiers de famille », autrement dit les archives privées dont la plus grande partie n’est pas déposée dans les archives publiques et doit faire l’objet de longues et délicates recherches avant exhumation. Paul Cheney a pu travailler ainsi aux archives départementales de la Gironde où nous avions fait déposer, avec l’association Généalogie et Histoire de la Caraïbe, la partie manuscrite du fonds Debien, comprenant notamment les correspondances de son réseau de compagnons de route et disciples, Jean Fouchard, Pierre Pluchon, Marcel Chatillon, Bernard Foubert, David Geggus, Jacques Petitjean Roget… et l’auteur de ces lignes.

C’est d’ailleurs en cette qualité que notre collègue américain avait pris l’initiative de me contacter pour une rencontre qui lui permettrait de recueillir le témoignage in vivo de l’un des derniers acteurs représentatif de la mouvance (plutôt qu’école) Debien. La rencontre se traduisit d’abord par un échange en partie enregistré dans un premier temps le Mardi 7 permettant de recadrer le contexte général en France et Haïti et par une réception à déjeuner plus informelle à l’issue de laquelle notre collègue repartit avec un exemplaire dédicacé de l’édition originale de mon propre ouvrage sur l’habitation Fleuriau.

Rappelons pour mémoire, car cela devient apparemment nécessaire pour éviter certaines dérives de l’oublieuse mémoire contemporaine, que Gabriel Debien et ses disciples avaient entrepris – bien avant les revendications actuelles de primeur sur certains sujets qu’avancent les partisans d’une déconstruction de l’histoire pour un hypothétique éveil – de centrer bon nombre de leurs recherches à travers le papiers de famille, lorsqu’ils sont aussi les papiers de plantations des anciens colons, sur le sort réservé aux esclaves et aux Libres de couleur. On n’en prendra pour preuve que l’énorme travail et nouveauté que représente la synthèse longtemps attendue de Gabriel Debien Les esclaves aux Antilles françaises, publiée à Fort-de-France et Pointe-à-Pitre par les sociétés savantes locales et inépuisable mine d’informations trop peu connue aujourd’hui. Il m’avait paru nécessaire de présenter aux jeunes générations de doctorants cette contribution magistrale à l’heure de la fondation du réseau thématique prioritaire (RTP Esclavages) du CNRS à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, qui devait devenir le CIRESC (Centre international de Recherche sur les Esclavages, aujourd’hui augmenté d’un supplément « post-colonial »). Ce texte a été publié sous le titre « Les sources de l’histoire des esclaves aux Antilles : Gabriel Debien et les plantations de Saint-Domingue », p. 277-300 dans l’ouvrage inaugural Les Traites et les Esclavages, paru en 2006 chez Karthala, l’éditeur de mes Isles à Sucre que j’avais conseillé.

Peu de jours après, le Samedi 11 décembre, 17h-18h, le Professeur Mickaël Kwass, de la Johns Hopkins University de Baltimore, m’interrogeait en visio-conférence sur les résistances haïtiennes à l’Indemnité de Saint-Domingue. A partir d’un passage de L’Eldorado des Aquitains dans lequel j’évoque les difficultés rencontrées face à une foule hostile par le capitaine de vaisseau de 2e classe Forsans (Landais, parent des Saint-Martin-Lacaze, Dupoy, Magnes…) pour embarquer des sacs de pièces représentant un complément d’un million de gourdes sur la première tranche des cinq paiements prévus payés par un premier emprunt sur une banque parisienne. C’est l’origine de la double dette.

Cet échange faisait écho à l’interview sur la même thématique de l’Indemnité de Saint-Domingue et la double dette haïtienne accordé le Lundi 29 novembre 2021 au New York Times auprès de M. Constant Méheut, journaliste attaché au bureau de Paris, à la suite des contacts pris antérieurement avec la journaliste Catherine Porter, Responsable du bureau national canadien du NYT à Toronto. Je reviendrai sur ce sujet dans ce blog prochainement.

Le 17 septembre dernier, la rédaction de la prestigieuse revue à audience internationale des Annales, Histoire, Sciences sociales, la revue francophone la plus diffusée dans le monde, publiée par les Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et fondée en 1929 par Marc Bloch et Lucien Febvre, m’annonçait par ailleurs la parution à venir dans un prochain numéro de ma recension de l’ouvrage Wealth and Disaster. Atlantic Migrations from a Pyrenean Town in the Eighteenh and Nineteenth Centuries de notre ami le professeur Pierre Force, doyen de Humanités de la non moins prestigieuse Université Columbia à New York, l’une des huit de l’Ivy League, élite des universités américaines, pépinière de prix Nobel. Une version en langue espagnole paraîtra également sous peu dans le second numéro de la Revue d’Histoire Haïtienne publiée par le Cidihca à Montréal (Canada). A noter dans le premier numéro de cette revue internationale francophone et quadrilingue (avec créole, anglais et espagnol), mon étude sur « Les Secours aux réfugiés de Saint-Domingue à Bordeaux : à la recherche de l’homme de couleur invisible », p. 409-434.

Vers la même époque, mon ami de longue date et ancien compagnon de route de Gabriel Debien, le professeur émérite David Geggus, de l’Université de Floride à Gainesville, m’envoyait sa dernière publication, avec la collaboration de Robert Little, professeur émérite du Trinity College de Dublin, le Voyage de France à Saint-Domingue. Transcription d’un manuscrit inédit (L’Harmattan, Coll. Autrement Mêmes, janvier 2021), œuvre d’un auteur anonyme pour laquelle j’avais été sollicité afin de fournir un cliché de mon fonds photographique reproduit en couverture représentant une Vue perspective de l’habitation Chatard, Plaisance, le 6 avril 1789, par Pieraux Sarin, provenant de la collection disparue du Dr Ferdinand Chatard. Cette vue d’une cafèterie domingoise était tout indiquée pour ouvrir un témoignage dont l’intérêt premier, en dehors des aspects classiques liés à l’histoire de l’émigration et de l’installation aux Îles ainsi que des derniers moments de la colonie ruinée par la Révolution, réside surtout dans la description d’ensemble du système des grandes habitations, sucrerie, indigoteries, cotonneraies, cacaoyères, et surtout ces caféteries semblables à celle où le nouvel arrivant découvre les mœurs et usages des habitants (propriétaires) blancs ou de couleur. C’est en quelque sorte la relation d’une expérience initiatique qui tout en faisant quelque peu fonction de manuel pratique et guide colonial pour l’habitant (à la manière de Ducœurjoly, et plus spécialement pour les caféiers) n’est pas sans rappeler le Voyage d’Outre-Mer et infortunes les plus accablantes de la vie de M. Joinville Gauban que j’avais réédité en 2011 (Ed. La Girandole)

Je ne m’attarderai pas pour finir, sur l’activité de routine que j’évoquerai rapidement. Au même moment, Christian Lamendin, archéologue en Guyane, m’interrogeait sur des photos de vestiges dont il souhaitait confirmer qu’il s’agissait bien de moulins d’une caféière, à savoir les trois types de moulins présents habituellement sur ces installations : moulins à piler, à grager et à vanner, le premier type étant le plus souvent le seul conservé et reconnaissable par la subsistance de la gorge circulaire en pierre dans laquelle circulait la lourde meule verticale actionnée.

Tout cela s’accompagnant de l’habituelle routine des questions / réponses autour notamment des filiations béarnaises à Cuba (avec en particulier l’été dernier une réception à Capbreton de descendants des Casamajor et Magendie), d’échanges avec un descendant des Lestapis, Daudinot, Formalaguès, nous entraînant jusqu’à La Nouvelle-Orléans, avec la perspective d’un colloque à venir en Louisiane (communication en préparation), les habituels échanges avec le Québec, notamment pour la recherche d’une photo de Gabriel Debien envoyée pour publication dans une notice biographique à paraître dans la RHH) et, surtout, le renvoi de ma communication définitive corrigée sur Polvérel et le droit à la terre en Navarre et Haïti pour publication dans les actes du grand et inoubliable colloque sur Haïti qui s’était tenu en visio-conférence à Grenoble.

Pour finir par une note dérisoire, aussi triste qu’ironique : il faut savoir que c’est par le Canada que j’ai été informé tout récemment d’une conférence à venir au Musée du Nouveau Monde de La Rochelle sur Aimé-Benjamin Fleuriau, l’homme que j’avais tout bonnement ressuscité dans ma thèse avant d’ouvrir en 1983 les portes de son hôtel particulier devenu musée au public en compagnie des regrettés Michel Crépeau et Alain Parent. Comme pour l‘érection de la statue de Toussaint Louverture par Ousmane Sow dans la cour d’entrée de l’hôtel Fleuriau, une invitation n’aurait pas manqué de me réjouir mais est-il bien raisonnable d’y penser en ces temps de déconstruction accélérée de notre histoire et patrimoine…

 

 

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Société Martinès de Pasqually : le Bulletin annuel vient de paraître

16 Décembre 2021, 17:55pm

Publié par jdecauna

Comme d'habitude, un riche sommaire...
Comme d'habitude, un riche sommaire...

Comme d'habitude, un riche sommaire...

et de quoi réfléchir ! tableaux philosophiques et J.-B. Willermoz
et de quoi réfléchir ! tableaux philosophiques et J.-B. Willermoz

et de quoi réfléchir ! tableaux philosophiques et J.-B. Willermoz

Ce numéro rend hommage à notre présidente d'honneur Michelle Nahon, infatigable animatrice depuis de longues années (un quart de siècle !) qui continue à soutenir l'action en prenant le temps d'un peu de repos bien mérité après avoir tant apporté. La tâche est exaltante mais lourde pour le nouveau président Thierry Lamy, qui a bien voulu se dévouer à ce véritable sacerdoce et dont nous saluons chaleureusement la généreuse initiative au service de tous. Il nous rappelle très opportunément dans son mot du Président, en reprenant Michelle Nahon, les bases fondamentales de la Société :

"C'est une société de recherches historiques. sa qualité et son originalité viennent des chercheurs qui la composent. Parmi eux, nombreux sont ceux qui se sont intéressés à Martinès par l'intermédiaire de la franc-maçonnerie, du rosicrucianisme, du martinisme, d'un ordre d'élus coëns, d'un mouvement théurgique..."

Tous ceux qu'anime la réflexion intellectuelle et spirituelle de haut niveau dans les voies de la connaissance seront heureux de suivre ces recherches inédites sur les pas de Jean-Baptiste Willermoz, fodateur du Rite Ecosssais Rectifié, Louis-Claude de Saint-Martin le philosophe inconnu, le Substitut universel du Grand Maître, Bacon de la La Chevalerie, et autres chevaliers élus coëns de l'univers hommes de désir tels le mystérieux Denis Molinier, arpenteur du roy, faïencier et alchimiste bordelais que nous avions déjà croisé en Guyane dans le précédent bulletin.

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Vincent de Paul, les Barbaresques et l'esclavage oriental

23 Août 2021, 16:45pm

Publié par jdecauna

Vincent de Paul assistant Louis XIII sur son lit de mort.

Vincent de Paul assistant Louis XIII sur son lit de mort.

Jeune enfant captif des Barbaresques.

Jeune enfant captif des Barbaresques.

Saint Vincent de Paul, les Barbaresques et l’esclavage oriental

Une mise au point s’impose au moment où resurgit la thèse selon laquelle le grand saint local n’aurait jamais été esclave et où, parallèlement, tente de s’imposer l’idée que l’esclavage fut une pratique uniquement occidentale.

Mais avant toute chose, il est bon de rappeler que certains facteurs endogènes interdisent d’appliquer uniquement à la région aquitaine, en matière de libertés individuelles, un schéma d’interprétation qui lui est étranger (français). Il faut pour cela rappeler l’expansion vasconne médiévale qui est constitutive, avec la romanisation, de l’identité locale. Pour faire très court, si la romanisation s’accommodait des coutumes gréco-latines d’esclavage muées en servage plus tard au Moyen-Age dans les pays conquis, il n’en fut pas du tout de même pour les pays vascons où triomphèrent les libertés individuelles naturelles et collectives. Nous ne pouvons mieux faire que rappeler ici le résumé qu’en donne brièvement Maïté Laforcade dans une mise en perspective éclairante :

« Deux cents ans avant la Petition of Rights de 1648 et la loi anglaise de 1679, bien avant les déclarations française et américaine des Droits de l'homme, les Fors basques, particulièrement les Fors de Biscaye de 1452 et 1526, élaborés par les Juntas, soit le peuple lui-même, en dehors de toute orientation systématique, renferment des dispositions, issues d'usages ancestraux, garantissant les droits naturels de l'homme : la liberté et l'égalité [souligné par nous]. Généralement ignorés en dehors du Pays basque, ils méritent cependant une place, toute modeste qu'elle soit, dans la liste universelle des Droits de l'homme.

Les lois forales, datant du Moyen Age, répondent aux mêmes exigences humaines, aux mêmes inquiétudes que les déclarations des derniers siècles. De plus, elles proclament des libertés concrètes suivies d'effets, et non des libertés abstraites qui, en France, ont abouti à Robespierre et Napoléon... »1.

On ne peut mieux dire, en bref, que l’esclavage ou le servage n’existaient pas à l’orée de l’ère moderne dans les pays appelés aujourd’hui basques et qui correspondaient autrefois à la Navarre et à la Gascogne. Il y a là une exception notable car partout ailleurs dans le monde, l’esclavage est intemporel et ne connaît pas de frontières.

Pourtant, la plupart des histoires de l’esclavage traitent du sujet d’une manière très restrictive consistant à le limiter à la déportation des Africains par la traite pratiquée par les Européens en direction de l’espace américain entre le XVIe et le XIXe siècles. On évoque là seulement l’esclavage à l’occasion de la traite transatlantiques alors que cette dernière, comme les abolitions, n’est qu’une des composantes ou avatars du système par lequel elle justifie sa pratique. Il serait beaucoup plus juste de parler des esclavages de l’Antiquité à nos jours. Quelques spécialistes connaissent celui pratiqué par les Romains, parfois évoqué, beaucoup moins celui beaucoup plus étendu dans le temps qui sévissait déjà au Moyen-Age dès le Ve siècle et persiste souvent aujourd’hui, notamment dans l’espace arabo-musulman des traites orientales et à l’intérieur de l’espace africain des traites trans-sahéliennes ou internes.

On en trouve parfois des traces surprenantes en France. On peut voir ainsi sur les plaques du porche de l’église Saint-Nicolas de Capbreton qui font office de registre des sépulture des marins locaux péris en mer des inscriptions telles que celle-ci : « 1679, Étienne Batailler, 13 ans, esclave à Maroc », au total les noms de vingt-quatre Capbretonnais devenus captifs au XVIIe siècle, lors de leurs campagnes de pêche au large des côtes méditerranéennes de Barbarie, ou même parfois pris au large de leur port d’attache, non loin dans l’Atlantique, les pirates n’hésitant pas à franchir les colonnes d’Hercule pour remonter jusqu’au long des côtes landaises après celles du Portugal, de l’Espagne et du Pays Basque. 

Pour ce qui concerne notre région, il convient, pour s’en tenir à l’essentiel, de rappeler d’abord le souvenir laissé par la traite exercée par les Barbaresques qui atteint son pic au XVIIe siècle et dont l’une de victimes les plus célèbres, avec Cervantès, fut le grand saint gascon canonisé en 1737, le Landais Vincent de Paul (1580-1660), pris tout jeune en 1605 par les pirates en longeant la côte méditerranéenne dans un déplacement maritime de cabotage entre Marseille et Narbonne pour être conduit captif en Barbarie (chez le Grand Turc, comme on disait alors), en l’occurrence à Tunis, pendant deux années, vendu à plusieurs maîtres comme esclave, condition qu’il partageait alors avec près de quarante mille chrétiens détenus entre cette ville et celle d’Alger2.

C’est une lettre à son parrain, M. de Comet, qui nous donne la relation résumée de ces deux années d’une aventure qui le conduit finalement au service d’un médecin spagyrique qui l’occupe à ses travaux alchimiques, ancêtres de la pharmacologie, puis auprès d’un renégat niçois mariés à deux femmes, l’une grecque, l’autre turque, laquelle il finit par convaincre et convertir et qui aménera son époux à faire de même pour finir par s’enfuir avec lui sur un petit esquif qui les conduit à Aygues-Mortes au moment où M. de Bèvres était envoyé par le roi en mission de rachat des captifs chrétiens.

Cet épisode de la vie de Monsieur Vincent nous est donc connu par une lettre du 24 juin 1607 qu’il avait adressée au frère de son protecteur M. de Comet et qui fut retrouvée par hasard en 1658, cinquante ans après avoir été écrite, par un « gentilhomme d’Acqs, neveu de M. de Saint-Martin, chanoine », c’est-à-dire le fils, prénommé César-Ajax, de Louis de Saint-Martin, seigneur d’Agès, Rostaing, Pendanx et Talamon, avocat et premier conseiller doyen de la cour présidiale de Dax, marié avec Catherine de Comet, fille de Bernard et Marte Dayrose. Cette première lettre, qui relatait la capture par les pirates, avait été suivie d’une autre du 28 février 1608, adressée au chanoine, décrivant dans le détail ses ventes successives à quatre maîtres et les détails de sa vie d’esclave.

Vincent de Paul réclama avec insistance cinquante-deux ans plus tard, le 18 mars 1860, la première de ces lettres au chanoine, et ensuite à plusieurs reprises :

« Je vous conjure, par toutes les grâces qu’il a plu à Dieu de vous faire, de me faire celle de m’envoyer cette misérable lettre qui fait mention de la Turquie ; je parle de celle que M. d’Agès a trouvée parmi les papiers de M. son père. Je vous prie derechef, par les entrailles de Jésus-Christ Notre-Seigneur, de me faire au plus tôt la grâce que je vous demande ».

On a beaucoup glosé sur cette attitude, prêtant les intentions les plus diverses à Monsieur Vincent. Il apparaît surtout qu’ayant entrepris deux ans plus tôt une campagne de sensibilisation à la cause des captifs chrétiens esclaves des Barbaresques, il était peu approprié de livrer au public les détails d’une mésaventure dont il s’était plutôt bien accommodé et tiré à peu de frais. On retiendra toutefois la description qu’il y fait des premiers moments de la captivité, après un combat naval meurtrier où il fut lui même blessé :

« … étant arrivés, ils nous exposèrent en vente, avec un procès-verbal de notre capture, qu'ils disaient avoir faite dans un navire espagnol, parce que, sans ce mensonge, nous aurions été délivrés par le consul que le Roi tient en ce lieu-là, pour rendre libre le commerce aux Français… Les marchands nous vinrent visiter, tout de même que l'on fait à l'achat d'un cheval ou d'un bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour voir nos dents, palpant nos côtes, sondant nos plaies, et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis lever des fardeaux, et puis lutter, pour voir la force d'un chacun, et mille autres sortes de brutalités ».

Rien de différent dans tout cela de ce que subissaient les Noirs de la traite transatlantique dans les mêmes circonstances, alors que l’on sait par d’autres observations que le traitement physique et moral réservé aux « Infidèles » par les despotes islamistes était beaucoup plus dur, et surtout cruel, leur vie n’ayant aucune valeur par le simple fait que tuer un chien d’infidèle, incroyant ou mal croyant, ne constituait pas un crime au nom de la seule loi existante, la charia religieuse. La plupart étaient utilisés dans des sortes de bagnes en travaux forcés physiquement très éprouvants dans d’épouvantables conditions matérielles et sanitaires aggravées par les épidémies de maladies tropicales. Sans entrer dans les détails encore plus odieux des déplacements à grande mortalité en caravanes à travers d’interminables déserts par ceux que l’on déportait vers les régions orientales et de la pratique généralisée de la castration des jeunes enfants pour en faire des eunuques esclaves des femmes – elles-mêmes esclaves – dans les harems. On conçoit que la formulation euphémique des « brutalités » subies dans la lettre de Monsieur Vincent ait pu lui paraître susceptible d’affaiblir son propos, tout comme les relations intellectuellement privilégiés qu’il entretint avec son maître alchimiste, au moment où il mettait en œuvre sa campagne pour la rédemption (le terme est significatif) des captifs.

Il faut souligner en effet qu’après avoir la société des Dames de la Charité pour le service des pauvres, puis s’être fait nommer aumônier des galères du roi pour y assister les forçats, avant de se consacrer au sort tragique des milliers d’enfants abandonnés, Vincent, après une longue rencontre avec Saint François de Sales, évêque de Genève, et avec l’appui de Louis XIII, créée en mai 1627 la fondation des Prêtres de la Mission, plus tard connus comme Lazaristes, dont le nom indique bien la vocation de soutien spirituel qu’il veut apporter aux captifs du Maghreb en même temps qu’une amélioration de leurs conditions de vie, voire le rachat par rançon, par l’envoi sur place de prêtres négociateurs "pour consoler et instruire les pauvres chrétiens captifs"... En butte à l’hostilité des émirs, constatant le peu d’efficacité de la diplomatie, et ne recueillant qu’un faible assentiment royal sous forme de 9 à 10 000 Livres, pour son Oeuvre des Esclaves, malgré le soutien actif de quelques Grands, comme Madame la duchesse d’Aiguillon qui offre en 1643 une maison pour la Mission à Marseille et achète le consulat d’Alger puis celui de Tunis pour les lui offrir, il s’oriente en 1658 vers la manière forte qui consiste à financer la mise sur pied d’une puissante flotte à déployer contre les pirates méditerranéens, à l’image de celles des Génois, Vénitiens et Maltais, mais il meurt en 1660 juste avant d’avoir pu assister à l’envoi par Louis XIV de quinze navires devant les ports barbaresques, action qui débouche sur la signature en 1666 d’un traité de paix avec le dey d’Alger assurant la sécurité de la navigation en Méditerranée.

Sans entrer dans le détail des opérations d’intimidation ou de répression du même type (bombardements suivis de traités aussitôt rompus) qui suivirent avec peu de succès, on conclura sur ce point en constatant paradoxalement qu’il faudra attendre le débarquement du corps expéditionnaire français envoyé par le roi ultra-conservateur Charles X – signataire, rappelons-le, en 1825 de l’ordonnance consacrant la reconnaissance de l’indépendance de facto d’Haïti – et la prise d’Alger en 1830 pour voir réalisé le vœu de Saint Vincent de Paul de mettre un terme définitif à l’arrivée de dix mille chrétiens chaque année dans les bagnes maghrébins et d’obtenir la libération des esclaves qui y étaient retenus et avaient été jusqu’au nombre de 50 000 dans les premières décennies du VIIIe siècle. Cette abolition par la manière forte fut unanimement saluée comme un acte de haute police contre le plus puissant état africain asile de la piraterie, partie de l’immense empire ottoman, destinée à apporter la sécurité maritime dans cette partie du globe. Ces esclaves blancs des Turcs furent alors remplacés le plus souvent par des Noirs.

On voit bien que la limite de l’action abolitionniste menée par Vincent de Paul, à l’image de ces ordres de miséricorde, est évidemment religieuse puisqu’elle ne porte que sur la libération des chrétiens et n’éteint pas l’esclavage en Afrique et au Moyen-Orient.

Elle s’inscrit en fait dans le cadre très ancien des Ordres missionnaires de miséricorde, militaires à l’origine, qui étaient apparus dès le Moyen-Age dans le sillage des croisades : l’Ordre de la Très Saint Trinité, pour la Rédemption des Captifs, fondé en 1194 par le Provençal Jean de Matha, dont les prêtres missionnaires qui portaient le blason d’Aragon sur leur robe blanche, faisaient vœu de s’offrir eux-mêmes en otages pour prendre la place des captifs, et l’Ordre de Notre-Dame de la Merci pour la rédemption des captifs, fondé en 1218 par Pierre de Nolasque, dont les marguilliers, recrutés dans les meilleures familles qui se transmettaient cet honneur par voie héréditaire, avaient à cœur de quêter à chaque messe des dimanches et jours fériés en présentant aux fidèles le « plat des captifs » afin de recueillir les oboles destinées au rachat des esclaves chrétiens. La concurrence entre les deux Ordres amena en 1818 à un accord entre Trinitaires et Mercédaires qui laissa en partage à ces derniers le sud et l’ouest de la France, soit, outre la Bretagne, le Languedoc, le comté de Foix et la Provence, la province qui nous intéresse plus particulièrement, la Guyenne.

C’est pour cela que l’on trouve encore à Bordeaux aujourd’hui une rue de la Merci dont le nom rappelle leur couvent qui occupait l’îlot du côté pair de la rue. Deux travées voûtées d’ogives de la chapelle en subsistent au n° 27 de la rue Arnaud-Miqueu pendant que le magnifique mausolée de leur bienfaiteur, le maréchal d’Ornano est conservé au Musée d’Aquitaine. Les historiens chalossais René Cuzacq et Charles de Chauton, originaire de Tartas, ont rappelé l’activité de leurs marguilliers d’après les archives locales, à travers la figure du baron de Cauna pour le premier3, et la famille tarusate de Gensoulx (ou de Gensous) pour le second, famille de procureurs en la cour sénéchale, d’avocats en parlement et de notaires royaux, alliée aux familles nobles de Marsan de Cauna et Ducamp et aux grandes maisons bourgeoises de la ville, les de Bédora, de Larreyre, de Larrieu et de Rieutort. En contrepartie de leur service qui couvrait en sus des églises Saint-Martin et Saint-Jacques de Tartas, celles des paroisses environnantes de l’ancienne vicomté, Audon, Carcarès, Gouts, Ponson… ainsi que toutes sortes de quêtes e ville et en campagne au temps des moissons, ils étaient exemptés par arrêts du Conseil du Roi et lettres patentes, des charges et devoirs de jurat, de consul, de collecteur des tailles et des séquestres des biens saisis, guet et garde des portes de la ville et autres corvées locales, ainsi que du logement des gens de guerre.

On estime qu’en six siècles les deux Ordres confondus avaient racheté dans les Etats barbaresques principalement aux XVIe et XVIIe siècles 1 200 000 esclaves chrétiens !4 On remarquera que la motivation religieuse qui anime les uns et les autres en cette période ne disparaîtra jamais complètement du tableau de l’abolition de l’esclavage dans les temps modernes qui vont s’ouvrir. Du christianisme global se détachera avec la Réforme et surtout plus tard une forte implication protestante teintée d’anglophilie et de non-conformisme (on pense aux Quakers et Méthodistes et en France en 1821 à la Société de la Morale Chrétienne, du duc de La Rochefoudauld-Liancourt, puis en 1834 à la Société française pour l’abolition de l’esclavage) que l’on pourra considérer comme une sorte de retour aux sources de la pensée religieuse chrétienne sur la question. C’est-à-dire au principal fondement religieux de la civilisation occidentale si l’on veut bien se souvenir, après un XXe siècle sombrant progressivement dans le nihilisme athée, du célèbre mot prémonitoire d’André Malraux : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas », repris plus précisément encore par Michel Onfray sous la forme : « Le christianisme n’est pas fini. Il fonde encore notre pensée ».

1 Maïté Lafourcade, « Les fors basques et les droits de l'homme », Lapurdum, 8 | 2003, 329-348.  

2 Guy Turbet-Delof, « Saint Vincent de Paul a-t-il été esclave à Tunis ? », Revue d'histoire de l'Église de France, tome 58, n°161, 1972. pp. 331-340. Et Roger Jalinoux, J. Guichard, « Saint Vincent de Paul esclave à Tunis. Étude historique et critique », Revue d'histoire de l'Église de France, tome 26, n°110, 1940. pp. 113-117.  

3 René Cuzacq, Bulletin de la Société de Borda, n° 292, 1958.

4 Charles de Chauton, La vie religieuse à Tartas (de 1286 à 1856), extrait du Bulletin de la Société de Borda, 1968.

 

 

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Un moteur identitaire local en péril. Grandeur et décadence du rugby.

4 Août 2021, 18:02pm

Publié par jdecauna

La Pédale Stade Tarusate en 1920. Septième à gauche debout, le deuxième ligne Henri-Georges de Cauna

La Pédale Stade Tarusate en 1920. Septième à gauche debout, le deuxième ligne Henri-Georges de Cauna

Un moteur identitaire local en péril. Grandeur et décadence du rugby.
Un moteur identitaire local en péril. Grandeur et décadence du rugby.

Un moteur identitaire local en péril

Est-il besoin de justifier la présence du rugby dans ce blog d’historien de l’Aquitaine et de ses expansions culturelles, notamment transatlantiques, du marché captif britannique du port bordelais aux aventures antillaises, américaines et africaines ? Qui oserait imaginer le Sud-Ouest sans rugby ? Et le rugby sans Anglais ? Ce n’est pas de folklore qu’il s’agit ici mais bien, au-delà des rituels, des troisièmes mi-temps et de leurs agapes festives, d’un élément majeur inscrit dans la profondeur historique du patrimoine identitaire aquitain, et plus particulièrement en Gascogne et Béarn.

C’est de là que nous vient aussi l’auteur de cet Essai sur le rugby (en coin – précise-t-il, les plus beaux !), notre ami d’adolescence paloise Pierre Rivera, dont personne ne songerait sérieusement à contester la capacité à traiter le sujet, tant son passé de joueur de haut niveau que de dirigeant de la mythique Section Paloise justifient son intervention. Il fut tout de même, rappelons-le, sa proverbiale modestie – ou prudence béarnaise ? – dût-elle en souffrir, ce trois quart-centre junior qui qui fut surclassé en équipe première à la grande époque en 1966, deux ans seulement après le titre de champion de France d’une Section Paloise à son apogée sous la conduite de Moncla. Avant de devenir l’un de ses dirigeants, trésorier tout désigné par sa qualité professionnelle d’expert-comptable successeur de son père au grand cabinet familial de la place Gramont.

Il lui revenait au premier chef d’exprimer clairement sinon définitivement les questions que nous sommes nombreux aujourd’hui à nous poser, tant ceux qui, sans être devenus de grands spécialistes, ont eu la chance de partager quelque passes vrillées, plaquages ou raffuts avec lui, que ceux qui forment ce qu’il est convenu d’appeler le grand public. Une nécessité vitale, sinon un devoir de mémoire, voire une catharsis qu’il définit lui-même très pertinemment :

« J’assume mon besoin de discuter sans disputer et voulais surtout dire commet le rugby, né d’un jeu éducatif élitiste, est devenu un sport professionnel et médiatique à l’image de notre société néo-libérale d’aujourd’hui, et comment on peut légitimement s’interroger sur le délitement de ses valeurs et sur l’éthique de son devenir ».

Cela passe ainsi d’abord par un indispensable rappel historique qui part du paradoxe apparent de l’importation originelle des territoires britanniques vers le lointain Sud profond de la France, avec son accent, son sens de la formule et son exubérance, pour s’ouvrir aux extensions actuelles prometteuses vers ces nouveaux produits que sont le rugby à sept et le rugby féminin sans oublier le rappel de ces variantes ancestrales des belliqueuses joutes villageoises de la soule ou, moins connues mais plus policées, de la barrette aquitaine « à toucher », ni la première et ancienne professionnalisation du jeu à 13.

Au-delà des tentatives de compréhension, à ne pas négliger, de l’impact culturel, voire génique (ah, nos ancêtres anglaises inconnues…!), sur les mentalités, us et coutumes locales, des trois siècles de l’Aquitaine Plantagenêt qui ne fut pas une occupation mais une fusion, aussi bien que de celui des rigueurs ascétiques du protestantisme béarnais, ou de l’éclat du brillant et aristocratique XIXe siècle anglais de Pau, on apprécie particulièrement le cadrage sur l’essence, l’âme de ce sport, les véritables piliers « fondamentaux » orchestrés autour de l’éducation aux valeurs collectives de dévouement, de résistance, d’engagement, de sacrifice et surtout de respect (des décisions arbitrales pour commencer). Tout est dit et bien dit !... avec un seul petit regret toutefois (en coin, pour respecter l’humour à l’anglaise cher à l’auteur) : comment ces Coquelicots du Lycée Louis-Barthou ont-ils pu avoir accès, eux, à la grâce d’une citation au détriment des vaillantes Eglantines du Lycée Saint-Cricq de nos jeunes années, finalistes gagnantes interscolaire sur la pelouse mythique de la Croix-du-Prince au début des années 60 avec réception inoubliable à la suite par tous les grands noms de l’époque au siège de la Section, Café Champagne, Place Royale ? Souvenirs... souvenirs...

C’est dans un second temps, moins chargé de références de terrain et forcément plus théorique dans ses tenants et aboutissants, l’observation d’une évolution qui nous interpelle tous et que résume le sous-titre Une trahison programmée ? dont la formulation apparemment impitoyable s’avère à l’analyse fortement justifiée par le basculement vers la professionnalisation à la suite de la renonciation en 1995 de l’International Rugby Board, sous la présidence du français Lapasset et la pression des fédérations de l’hémisphère Sud, à l’obligation initiale d’amateurisme. Tout change alors très vite : la prééminence du physique, la plus immédiatement visible dans les gabarits des actuels pratiquants, impose rapidement ses pré-requis poste par poste, la force et la vitesse se substituent à l’improvisation, à l’intuition. Le principe de la percussion prend le dessus sur celui de l’évitement, du contre-pied. L’hyper-spécialisation, confortée par le développement programmé de la technique individuelle assistée par les excès de l’analyse statistique des besoins physiques matériels du rendement collectif conduisent tout naturellement à la promotion non plus de « joueurs » mais de producteurs robotisés de gains immédiats que le média télévisé, surtout, s’empresse de promouvoir et noter sur ses propres critères avec cette invention récurrente de la désignation de « l’homme du match » qui est un comble si l’on se réfère à l’esprit initial du jeu.

Comment s’étonner encore aujourd’hui des difficultés ou de la disparition progressive du Top 14 d’équipes locales ayant eu leur heure de gloire comme Lourdes, Dax, Agen, Mont-de-Marsan, Pau, Bayonne, Biarritz…, adeptes reconnues du beau jeu, remplacées par une majorité d’équipes de grandes villes de plus de 300 000 habitants (deux clubs pour la capitale, le CA Béglais fondu dans l’Union Bordeaux-Bègles, l’irruption du nouveau Lyon…), ou à forts budgets souvent élargis aux régions et à grand renfort de recrutements étrangers. Violence, vulgarité, voyeurisme marquent trop souvent ce basculement des « fondamentaux » en accord avec le monde néo-libéral du tout économique qui nous régit aujourd’hui. Comment dans un tel contexte pour finir – question qu’il faut bien poser pour l’avenir, sans tomber dans l’uchronie nostalgique, précise l’auteur – préserver l’habitus cher à notre Bourdieu contre l’hubris du développement à tout prix, les valeurs de droiture, de dépassement, de solidarité, en un mot la noblesse du rugby que nous aimons face à la manipulation et médiocrisation de l’instant ?

Pour rester dans la touche humoristique de l’auteur, ne nous étendons pas davantage sur le sujet, même s’il est beau et que nous nous y trouvons bien… Lisez plutôt si vous voulez savoir !

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Haïti : la malédiction ? Une interview de Jacques de Cauna par Pierre Jova dans La Vie.

30 Juillet 2021, 17:56pm

Publié par jdecauna

La police haïtienne devant une fresque murale du président assassiné

La police haïtienne devant une fresque murale du président assassiné

Obsèques du président Jovenel Moïse : «Nous sommes dans une ère nouvelle, qui met Haïti aux normes du gangstérisme latino-américain »

Pour découvrir l'interview, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.lavie.fr/actualite/geopolitique/obseques-du-president-jovenel-moise-nous-sommes-dans-une-ere-nouvelle-qui-met-haiti-aux-normes-du-gangsterisme-latino-americain-75254.php

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Quand le Roi demandait l'abolition de la traite aux Etats-Généraux, le 5 mai 1789.

19 Juillet 2021, 09:19am

Publié par jdecauna

Louis XVI et son Directeur général des finances, l'abolitionniste Jacques Necker
Louis XVI et son Directeur général des finances, l'abolitionniste Jacques Necker

Louis XVI et son Directeur général des finances, l'abolitionniste Jacques Necker

Quand le Roi demandait l'abolition de la traite aux Etats-Généraux, le 5 mai 1789.
Quand le Roi demandait l'abolition de la traite aux Etats-Généraux, le 5 mai 1789.

La bibliothèque du château de Caumale, siège de la Fédération des Amis de Gascogne, recèle quelques trésors d'archives dont l'un nous est apparu au cours de notre dernière visite. 

Il s'agit d'un opuscule papier de 127 pages cousues à la main intitulé :  Ouverture des Etats-Généraux faite à Versailles le 5 Mai 1789. Discours du Roi ; discours de M. le Garde des Sceaux; Rapport de M. le Directeur Général des Finances fait par ordre du Roi, à Paris, de l'Imprimerie Royale, M DCC LXXXIX.

Le Discours du Roi proprement dit n'occupe que quatre pages et se résume à de grandes généralités dont on retiendra surtout les deux paragraphes qui suivent, le premier concernant l'état des esprits et le second le vœu pieux d'un entente générale :

"La dette de l'Etat, déjà immense à mon avénement au trône, s'est encore accrue sous mon règne : une guerre dispendieuse, mais honorable, en a été la cause; l'augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition. Une inquiétude générale, un désir exagéré d'innovations, se sont emparés des esprits, et finiroient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtoit de les fixer par une réunion d'avis sages et modérés [...]

Puisse, Messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et le prospérité du royaume! C'est le souhait de mon cœur, c'est le plus ardents de mes vœux, c'est enfin le prix que j'attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples.

Mon Garde des Sceaux va vous expliquer plus amplement mes intentions; et j'ai ordonné au Directeur général des finances de vous en exposer l'état."

Après l'éloge du Roi par Barentin (Charles-Louis-François de Paule de); pages 7 à 22, c'est surtout le long exposé de Necker qui couvre le reste de l'ouvrage qui nous a intéressés d'autant qu'il est la plupart du temps exécuté sommairement par les historiens sous prétexte d'avoir paru trop long, trop technique, et finalement ennuyeux au possible, à l'origine même des turbulences qui ont suivi dans l'Assemblée.

Après les les définitions d'usage et l'exposé général de la situation, on y trouve notamment, dans la neuvième et dernière partie de la Première Classe, les Améliorations qui appartiennent aux délibérations des Etats-Généraux, l'expression très claire de la volonté royale sur le sujet de l'esclavage et plus particulièrement de la traite. Necker rappelle d'abord que cette volonté s'inscrit dans un contexte humanitaire plus large, tout "à l'honneur du roi", qui s'est déjà manifesté par sa volonté de "consacrer la disparition des deniers vestiges de la servitude dans le Royaume "par l'abolition d'un asservissement qui a fait verser tant de larmes" en détruisant "ces deux mots effrayants, la taille et la corvée" :

"Vous êtes encore à temps, Messieurs, d'être associés pour une part aux dispositions bienfaisantes de sa Majesté, puisque vous pouvez l'aider à détruire les dernières traces de la corvée dans une grande province où elle est conservée [...], pour délivrer le peuple Breton d'un joug auquel il est encore assujetti".

"Un jour viendra peut-être, Messieurs, où vous étendrez plus loin votre intérêt ; un jour viendra peut-être, où associant à vos délibérations les Députés des colonies, vous jeerez un regard de compassion sur ce malheureux peuple dont on a fait tranquillement un barbare objet de trafic ; sur ces hommes semblables à nous par la pensée, et surtout par la triste faculté de souffrir ; sur ces hommes cependant que, sans pitié pour leurs douloureuses plaintes, nous accumulons, nous entassons au fond d’un vaisseau pour aller ensuite à pleines voiles les présenter aux chaînes qui les attendent. Quel peuple auroit plus de droit que les François à adoucir un esclavage considéré comme nécessaire, en faisant succéder aux maux inséparables de la traite d’Afrique, aux maux qui dévastent deux mondes, ces soins féconds et prospères qui multiplieroient dans les colonies même les hommes destinés à nous seconder dans nos utiles travaux ! Déjà une Nation distinguée a donné le signal d’une compassion éclairée ; déjà l’humanité est défendue au nom même de l’intérêt personnel et des calculs politiques, et cette superbe cause ne tardera pas à paroître devant le tribunal de toutes les Nations. Ah ! combien de sortes de satisfactions, combien d’espèces de gloire sont réservées à cette suite d’Etats-généraux qui vont reprendre naissance au milieu d’un siècle éclairé ! Malheur, malheur et honte à la Nation Françoise si elle méconnoissoit le prix d’une telle position, si elle ne cherchoit pas à s’en montrer digne, et si une telle ambition étoit trop forte pour elle !

Ces dispositions bienfaisantes s'inscrivent dans la ligne de l'Edit de 1315 promulgué par son prédécesseur, roi de France et de Navarre, Louis X Le Hutin, qui consacre  l'abolition de la servitude dans le domaine royal français :

«  Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux...
Comme, selon le droit de nature, chacun doit naître franc… Nous, considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs, et voulant que la chose, en vérité, soit accordante au nom… par délibération de notre grand conseil, avons ordonné et ordonnons, que généralement par tout notre royaume… franchise soit donnée à bonnes et convenables conditions... et pour ce que les autres seigneurs qui ont hommes de corps, prennent exemples à nous de eux ramener à franchise…
Donné à Paris le tiers jour de juillet l'an de grâce 1315 »

C'est exactement l'esprit qui anime dès 1785 l'héritier d'Henri IV, Louis XVI, roi de France et de Navarre, lorsqu'il fait envoyer à l'Ordonnateur de Guyane Lescallier par son ministre de la Marine et des Colonies le duc de Castries des Instructions fort précises lui enjoignant de libérer immédiatement les esclaves de la chaîne royale, à titre d'exemple, pour inciter les maîtres à l'abolition générale que défendait également La Fayette et que réalisera à Saint-Domingue, avec son collègue Sonthonax, le commissaire civil Etienne de Polvérel, syndic des Etats de Navarre, noble bayonnais envoyé par le ministère girondin . 

Au-delà de ces considérations humanitaires, deux éléments touchant notre région m'ont également parus susceptibles d'être pris en compte pour mesurer à quel point l'histoire de France nous est présentée de manière très partielle et lacunaire en matière identitaire et patrimoniale.

Le premier figure dans le Tableau des revenus et de Dépenses fixes à la page 38 :

"14°. L’établissement de deux ports francs, l’un à Bayonne, l’autre à l’Orient, n’a pas rempli l’objet d’utilité qu’on en attendoit, et celui de Bayonne est devenu un entrepôt qui favorise le commerce des étrangers aux dépens du nôtre. On se borne en ce moment à vous faire observer que ces deux dispositions nouvelles, tant par une diminution dans le débit du tabac, que par les indemnités demandées, et d’autres considérations, on fait perdre au Roi 600 mille livres de rente."

Necker peut s'étonner à juste titre, tout comme nous pouvons le faire aujourd'hui :

"Quel pays, Messieurs, que celui où sans impôts et avec de simples objets inaperçus on peut faire disparoître un déficit qui a fait tant de bruit en Europe !".

Mais la bonne question ne serait-elle pas plutôt : "Mais à qui profitait donc ce port-franc de Bayonne  si ce n'est aux populations et aux intérêts locaux ?"

Plus intéressante encore sans doute pour notre perception locale actuelle et la compréhension de la situation de nos pays jusqu'aux dernières années de l'Ancien Régime à la veille de la Révolution est l'étonnante révélation que nous apporte le tableau final des Revenus fixes dans sa partie première concernant l'Imposition des Pays d'Etats qui sont au nombre de cinq : Languedoc, Bretagne,  Bourgogne, Provence et "Pau, Bayonne et Foix".

Cette dernière appellation, qui ne reflète en rien comme les quatre autres une province ou un pays réel, est symptomatique à la fois de la méconnaissance et du peu d'intérêt apporté par le centralisme administratif du Royaume français à ces terres éloignées qui correspondent en réalité grossièrement à la perception de trois entités territoriales originelles de l'héritage familial royal : la Navarre et pays voisins ou satellites à l'ouest et au nord (Bayonne), la souveraineté de Béarn (Pau) et le comté de Foix, le tout constituant un grande partie de l'apport territorial de la maison d'Albret, propriété familiale du premier Bourbon, Henri IV, lors de son accession au trône de France en sa qualité de roi de Navarre.  On connaît pour ce dernier royaume les palabres et interpellations tragi-comiques de certains dans les assembles révolutionnaires qui finiront par consacrer sa disparition pure et simple de la titulature royale française au mépris de toute loi navarraise puisque, comme le souligna justement Etienne de Polvérel, Syndic des Etats de Navarre, dans son discours à l'Assemblée, nul ne prit l'initiative de respecter les fors de Navarre, au premier rang desquels l'allodialité et les libertés individuelles et collectives, en soumettant pour commencer pour approbation les nouveautés révolutionnaires parisiennes à leur présentation devant les Etats de Navarre (à Pau) par le Roi qui devait en l'occasion outre recueillir l'assentiment des dits Etats pour exister légalement en tant que tel, et jurer devant les nobles et représentants populaires de respecter les fors, us et coutumes navarrais.

Cette formalité cérémonielle aussi propitiatoire qu'obligatoire n'ayant jamais été accomplie, ne pourrait-on pas à juste titre estimer qu'il y a eu usurpation et que la donation royale de ce bien familial se trouvait ainsi légalement invalidée en termes de droit international ?

Un dernier point retient notre attention : la faiblesse de la contribution navarraise au royaume de France et de Navarre. On remarque en effet que sur un total de 24 556 627 Livres pour les cinq pays d'Etats, elle n'est que de 1 156 658 Livres, soit moins de 5% (4,7) de l'ensemble, au lieu d'un minimum de 20% auquel on aurait été en droit de s'attendre si les cinq contributions avaient été égales. Ce qui est loin d'être le cas puisque le Languedoc est à 9 767 250 Livres (près de 9 fois plus), la Bretagne à  6 611 460 (six fois plus), la Bourgogne à  4 128 196 (près de 4 fois plus) et la Provence à 2 892 463 (près de 3 fois plus). Techniquement, cette faiblesse de la contribution fiscale navarraise s'explique par l'absence au tableau royal du  chapitre "Trésoriers", seul le chapitre "Receveurs généraux" étant abondé. Ce qui tendrait à monter, sauf omission restant à expliquer, que le Trésorier des Etats de Navarre jouissait d'une autonomie de perception fiscale qu'il n'était pas tenu de reverser au Trésor public français et donc d'une même autonomie pour l'utilisation de l'impôt localement.

Je ne peux que soumettre ces questions de droit (c'est au moins ainsi que je les appréhende) à mes collègues universitaires juristes...

De même que les deux suivantes qui me paraissent en découler naturellement : qu'avons-nous gagné - ou perdu - au passage à la République ? N'y aurait-il pas matière à réparations ?

 

 

 

 

 

 

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Retour de flamme

10 Juillet 2021, 14:10pm

Publié par jdecauna

Jeune fille en robe de princesse

Jeune fille en robe de princesse

Bonne nouvelle pour les fidèles lecteurs de notre ami Alain Lamaison. Vient de sortir aux éditons Rémiges à Hagetmau un nouvel opus, clairement affiché dans le domaine romanesque, inspiré par l'amour d'Henri de Navarre, autant que de l'auteur, pour la Belle Corisande, éternel objet de ses hommages. Quoi de mieux que l'argumentaire de la quatrième de couverture pour nous mettre l'eau à la bouche ? Un roman qui se lit comme de l'histoire vivante...

Retour de flamme

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Revoir Toussaint Louverture. Ce soir samedi 22 mai à 21h sur TV5 Monde : le prix de la liberté, dans Secrets d'Histoire.

20 Mai 2021, 16:30pm

Publié par jdecauna

Ce soir samedi 22 mai à 21h sur TV5 Monde...

Toussaint Louverture Secrets d'histoire

https://www.france.tv/france-3/secrets-d-histoire/2429339-toussaint-louverture-la-liberte-a-tout-prix.html

 

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