Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 septembre 2023 5 01 /09 /septembre /2023 17:04
Peinture murale de la sépulture d'Arnaud de Poyloault, 1341

Peinture murale de la sépulture d'Arnaud de Poyloault, 1341

Armoiries des vicomtes de Marsan et des maisons de Poyloault, de Cauna et de Poyaler

Armoiries des vicomtes de Marsan et des maisons de Poyloault, de Cauna et de Poyaler

Arnaud de Poyloault, le chevalier oublié de la cathédrale Saint-André de Bordeaux

Le roi Charles III honorera-t'il de sa royale présence cet important landmark... sans doute la plus ancienne trace de la présence anglaise à Bordeaux ?

Ce n’est pas, contrairement à ce qui est dit le plus souvent, l’imposante et omniprésente tour Pey-Berland, du nom de l’archevêque qui en commença la construction cent ans plus tard, vers 1440, dans les dernières années du règne des rois-ducs Plantagenets, mais à deux pas de là, quasiment dans son ombre, la sépulture oubliée d’un fidèle serviteur gascon du roi Edouard III, originaire de la Chalosse, qui repose depuis 1341 dans la chapelle Saint-Jacques de la cathédrale Saint-André où Edouard de Woodstock reçut vingt-cinq ans plus tard les premiers hommages de ses vassaux aquitains.

La découverte et le dégagement en 1999 de peintures murales mises au jour dans la chapelle Saint-Jacques de la cathédrale Saint-André de Bordeaux ont révélé qu’il y avait là sur la droite du mur la trace de la présence ancienne d’une sépulture qui s’avéra par recoupements de l’archéologie avec les textes anciens être celle d’un chevalier de la maison de Poyloault en Chalosse qui fut valet du roi d’Angleterre et décéda en 1341.

Le registre d’obituaires, anniversaire, fondations de chapelles de l’église Saint-André de Bordeaux pour les XIIIe et XIVe siècles porte en effet mention du testament, rédigé le 2 août 1340, d’Arnaud de Poyloault qui stipulait qu'il « souhaitait être enseveli dans le chœur de l'église de l'abbaye de Divielle où étaient les sépultures de ceux de sa maison »1. Il fut cependant inhumé, malgré ses dernières volontés, dans la chapelle Saint-Jacques de la cathédrale Saint-André de Bordeaux où l'on peut voir encore aujourd'hui la peinture murale très dégradée récemment mise au jour qui le représente en armure de chevalier, armé et agenouillé en adoration devant la vierge, portant un écu blasonné losangé d'or et de gueules sans nombre, écu retouché plus tard, à l'occasion de nouvelles sépultures familiales, par un apport de couleur bleue sur le rouge pour se rapprocher des armes losangé d'argent et d'azur sans nombre qui étaient celles de ses successeurs et héritiers dans la famille d'Agès, barons de Saint-Magne.

Il est précisé que c’est son frère, Jean de Poyloault, qui avait acheté des cens en décembre 1342 (rente confirmée en 1352 et 1363) pour fonder l'anniversaire du défunt dans cette chapelle sous caution de la famille alliée de Saint-Aubin. On avait fait dresser sur sa tombe un monument funéraire aujourd’hui disparu « eslevé et fort honorable, selon l'antiquité, sur lequel on avait pris soin de faire graver en latin l'inscription suivante : Ci-gît Arnaud de Puylehaut, valet de notre sire le roi d'Angleterre. Que son âme repose en paix. Il mourut au mois d'octobre l'an du Seigneur 1341 »2.

Arnaud de Poyloault, alias Puylehaut, chevalier, seigneur de Bats, né en l'an 1290, était fils d’Arnaud-Guilhem, qui avait reçu le 6 avril 1305 d'Edouard III le château et prévôté de Dax où s’étaient signalés auparavant l’évêque de Dax Garsie de Poyloault, vivant au milieu du XIIe siècle, l'un des fondateurs de l'abbaye de Divielle, lieu de sépulture de la maison de Poyloault, ainsi que Guilhem de Poyloault, chanoine de Dax, qui était parti en 1189 à la croisade avec le chevalier Jean de Cauna (plus tard évêque de Dax) à l'appel de Richard Coeur de Lion.

Arnaud devait séjourner à Londres compte tenu de ses fonctions près du roi d'Angleterre. Il est cité en 1320 dans une demande faite cette année-là de la prévôté d'Agès que son oncle de Bats tenait du roi, son frère aîné Edouard, héritier, venant de mourir en service à la guerre d’Ecosse. Il reçut en 1329 une donation de 300 livres bordelaises en rente annuelle du roi d'Angleterre Edouard III, puis en 1331 l'autorisation de faire construire un fort sur sa terre de La Lanne3 que certains situent à Saint-André-de-Seignanx, et d'autres au nord de Dax.

Sa postérité, d’une épouse inconnue, se poursuivit par deux fils et une fille, Marie de Poyloault, mariée à Loup d’Agès, d’où provint Pey-Arnaud, maire de Dax, et père de Baude conseiller au Parlement de Bordeaux et doyen de la cathédrale Saint-André, et de Thibault d'Agès, aussi doyen de Saint-André, décédé en 1465, et père de Bertrand, tué à la bataille de Castillon en 1453, et de Marguerite, alliée en 1460 a Jean Ier d'Oro, tige de la famille des marquis de Pontonx dans les Landes alliée aux Borda.

Le fils aîné d’Arnaud, autre Thibault (ou Théobald) de Poyloault, écuyer, seigneur de Langoiran, épousa en 1375 Marie d'Ornon et devint baron de Saint-Magne par don du sire d'Albret, château et titre qu’il légua à sa mort sans héritiers à sa sœur Marie. C'est à partir de là que la famille d'Agès, seule héritière de cette branche des Poyloault, prit la chapelle Saint-Jacques comme lieu de sépulture.

L'antique maison de Poyloault venait de Chalosse. Son nom, dérivé du latin de podio alto, se prononçait en gascon Poulouaout, comme en atteste encore un panneau routier posé au lieu-dit de ce nom entre Larbey et Caupenne, site de la motte féodale (le pouy en gascon) d’origine sur laquelle s’élevait le château familial primitif dont il ne reste rien sinon quelques pans de pierres au sommet dans un champ, au lieu-dit lou mouta, derrière la ferme de Candelous (camp de Louts), emplacement de l’ancien château ruiné de Pouilhouald porté sur la carte de Cassini. 

On peut avoir une idée de ce château en voyant les vestiges de celui voisin dont il ne reste que la tour et une partie de la muraille dans le bourg voisin de Poyaler dont la les seigneurs de la maison de Saint-Aubin portait, comme leurs parents et proches voisins des sires de Poyloault et de Cauna, les mêmes armes pleines que celles des vicomtes de Marsan, leurs aïeux communs, un écu losangé d’or et de gueules.

Ces armes sont en effet en tous points identiques, sans altération ou brisure quelconque, à celles des Marsan de Cauna, attestées, elles, depuis 1285, paraissant ainsi indiquer une alliance très ancienne, ou mieux, une origine commune, de ces trois maisons, originaires de la même région de Mugron, en Chalosse. Avec leurs voisins immédiats de la grande maison de Caupenne, ces familles de seigneurs hauts justiciers se trouvent inextricablement mêlées par de nombreuses alliances dans les temps les plus reculés. Plusieurs de leurs membres, le plus souvent prénommés Arnaud ou Guilhem, prénoms lignagers familiers des Marsan, tous fidèles comme eux aux Anglais, occupèrent des fonctions de chanoine, d'évêque ou d'archidiacre de Dax.

Quelques années plus tard, en 1503, la maison de Balensun-Poyloault, barons de Poyloault et de Magescq, est à nouveau sans héritier mâle et se fond définitivement, pour sa branche aînée, dans celle des Marsan de Cauna par le mariage de la dernière héritière, encore mineure, Eléonore de Poyloault, dame du dit lieu et de Magescq, avec le baron Etienne de Cauna qui ajoutera le titre de baron de Poyloault à ceux, nombreux en Chalosse et en Béarn, qu'il possédait déjà et le conférera à son fils unique Jacques de Cauna, baron de Poyloaut et Magescq, de Poy-sur-Acqs, Herm, Gourbera, Buglose...,  seigneur cavier de Thétieu, ... Par sa sœur et héritière Françoise, mariée à son proche cousin François de Caupenne. le titre passera, par une succession d’alliances féminines, aux maisons de Monluc, Thémines-Lauzières et Ventadour, dont la fameuse duchesse, gouvernante des Enfants de France, avant d’être acheté par les Lazaristes du berceau de Saint-Vincent de Paul à Buglose qui sont tenus à une messe annuelle à perpétuité pour la mémoire de ces familles à la suite de la  donation faite en 1629 par Suzanne de Thémines-Monluc pour l'édification de la chapelle mariale.

1 AM Bordeaux, ms. 828, XLII, Archives du château de Saint-Magne, et abbé Gaillard, La baronnie de Saint-Magne, I, 65-66.

2 Arch. Hist. de la Gironde, t. XVIII, année 1878, Obituaires de l’église Saint-André de Bordeaux (XIIIe-XIVe siècles), anniversaires, chapelles, p. 139-141, N°CXIX 30 juillet, "Anniversarium nobilis Arnaldi de Podio Alto, Domicelli… Et es sepultus in capella Sancti Jacobi, ad manum dextram, in sepultura picta et ferrata [cum imagine sua lapidea]… Pro quo anniversario… dominus Johannes de Podio Alto ejus frater emit… XXV libras census…", AD Gironde, G 316, fol. 52 (confirmation), chanoine E. Lopès, L'Eglise métropolitaine et primatiale Saint-André de Bordeaux, Bordeaux, 1668, BM Bordeaux, ms 828 XLII n° 3, p. 1, Archives du château de Saint-Magne, M. Lamey, Extrait des titres qui font voir la généalogie de M. le Baron d'Agès, Mémoires Acad. de Bordeaux, et M. Gaborit, op. cit., p. 74.

3 Bréquigny, t. XV et XVI, et Documents inédits pour servir à l'histoire de la ville de Dax, Rev. de Béarn, Navarre et Lannes, 1882, p. 17, n. 1.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Jacques de Cauna Chaire d'Haïti à Bordeaux
  • : Site de la Chaire pluridisciplinaire d'Haïti à Bordeaux créée après le séisme du 12 janvier 2010 dans le cadre des activités du CIRESC (Centre international de recherche sur les esclavages du CNRS à l'EHESS). Histoire et culture d'Haïti et de Gascogne. Développement des liens entre la Caraïbe et la région Aquitaine Gascogne.
  • Contact

Recherche

Histoire D'haïti